La langue thaï est composée de cinq tons (moyen, bas, tombant, montant et haut), mais qui ne sont pas aussi clairement indiqués dans la langue écrite que le chinois ou le vietnamien.
Bien trop souvent les professeurs de thaï et natifs diront que les tons du thaï sont influencés par l’écriture native, provenant du sanscrit et appelée « devanagari ». Or, ceci est un dogme complet ; car il serait pareil de dire, de manière insensée, que les sons de l’égyptien ancien n’existaient pas avant l’écriture des hiéroglyphes, ou encore que l’égyptien parlé n’a pu exister que grâce aux hiéroglyphes. Cela n’a simplement aucun sens car les langues du monde ont toujours été orales depuis le Paléolithique avant d’être progressivement mises à l’écrit, ce qui les a fixées davantage dans le temps et l’histoire, tout en permettant de clarifier ce qui ne l’était pas suffisamment à l’oral. De surcroît, les tons du thaï proviennent davantage de la transformation ou perte de syllabes anciennes, de l’influence du climat humide et chaud sur le larynx, et de la synergie de locuteurs de langues tonales entre eux (Vietnamiens, Chinois, Birmans, Laotiens, Hmongs, etc).
Pour déconstruire ce dogme, comprenons rapidement l’histoire de la langue thaï :
Lorsque les plus anciens Homo sapiens ont progressivement émergé sur le continent africain vers 300 000 ans, ils ont peu à peu commencé à construire une forme de langage. Au bout de 200 000 ans, cette langue était prête et a permis à nos ancêtres de migrer vers -60 000 hors du continent africain. Tout d’abord, nos ancêtres ont vécu pendant près de 40 000 ans dans une vaste région située dans le sud du Caucase, la Syrie, l’Iraq, le Liban et la Turquie actuelle.
Il y a 20 000 ans le climat se réchauffe et nos ancêtres deviennent progressivement dépendant de l’agriculture, ce qui engendre d’importantes hausses de populations et migrations. Les peuples macro-caucasiens (incluant les ancêtres des Thaï modernes) quant à eux se scinderont vers -15 000 et certains migreront vers le nord de la Chine où ils rencontreront les populations aborigènes, les paléoeurasiens, avec lesquelles ils se mélangeront peu à peu et deviendront les peuples « himalayo-austriques ». Vers -9000 ces populations commenceront peu à peu à cultiver le riz, ce qui engendrera une hausse de la population provoquant de nouvelles migrations. Les peuples himalayo-austriques se séparent à nouveau, dû à l’agriculture du riz, et se répandent progressivement en Chine du Sud et Asie du Sud-Est, entraînant avec eux leurs communautés vers -2500. Peu à peu ces communautés s’établissent et développent la métallurgie du bronze, du fer tout en élevant du bétail et forment des villages de plus en plus importants. Les ancêtres des Thaïs modernes, les Kradai, ont toujours vécu en communautés soudées, mais cependant un peu éloignés des autres populations austroasiatiques, comme en témoignent leurs mots de base fort excentriques par rapport aux autres populations de la région. L’histoire de la Thaïlande classique ne commence que vers 1238 avec le royaume de Sukhothaï, influencé par le bouddhisme et adoptant l’écriture sanscrit-pali du devanagari.
Nous voyons ainsi que la langue thaï existait bien avant l’écriture du devanagari, donc que les tons n’ont pas été créés avec cette écriture ; leur existence est bien antérieure.
Avant de commencer, le meilleur conseil à donner aux apprenants pour apprendre et comprendre les tons du thaï est de ressentir la langue, s’en imprégner, la chanter, la lire, la découvrir, l’écouter, l’imiter et la pratiquer souvent. Il est beaucoup plus naturel et moins pénible d’apprendre les tons du thaï en écoutant et imitant qu’en sachant de nombreuses règles fastidieuses. Écoutez, ressentez et imitez : vous parlerez ainsi un thaï vrai et naturel.
La manière classique
Si cette manière ne vous intéresse pas, passez tout de suite à la manière non classique ou utilisez simplement l’outil en fin de section qui aide à déterminer facilement les tons sans se prendre la tête.
Voici tout d’abord la manière classique que l’on enseigne en Thaïlande : les tons dépendent principalement de la consonne employée pour écrire le mot.
Ces consonnes, au nombre de 44, sont classées en trois catégories (avec leur nom entre parenthèses) qui déterminent le ton du mot dans lequel elles sont employées :
Basse (induit un ton moyen, tombant et haut)
ค (ค ควาย (kho khwaai)) ;
ฅ (ฅ คน (kho khon)) ; (très rare)
ฆ (ฆ ระฆัง (kho rakhang)) ;
ง (ง งู (ngo nguu)) ;
ช (ช ช้าง (cho chaang)) ;
ซ (ซ โซ่ (so soo)) ;
ฌ (ฌ เฌอ (cho choe)) ; (très rare)
ญ (ญ หญิง (yo ying)) ;
ฑ (ฑ มณโฑ (tho monthoo)) ;
ฒ (ฒ ผู้เฒ่า (tho phuuthao)) ;
ณ (ณ เณร (no neen)) ;
ท (ท ทหาร (tho thahaan)) ;
ธ (ธ ธง (tho thong)) ;
น (น หนู (no nuu)) ;
พ (พ พาน (pho phaan)) ;
ฟ (ฟ ฟัน (fo fan)) ;
ภ (ภ สำเภา (pho samphao)) ;
ม (ม ม้า (mo maa)) ;
ย (ย ยักษ์ (yo yak)) ;
ร (ร เรือ (ro ruea)) ;
ล (ล ลิง (lo ling)) ;
ว (ว แหวน (wo waen)) ;
ฬ (ฬ จุฬา (lo chulaa)) ;
ฮ (ฮ นกฮูก (ho nok-huuk))
Moyenne (induit un ton moyen, bas et tombant)ก (ก ไก่ (go gai)) ;
จ (จ จาน (cho chaan)) ;
ฎ (ฎ ชฎา (do chadaa)) ;
ฏ (ฏ ปฏัก (to patak)) ;
ด (ด เด็ก (do dek)) ;
ต (ต เต่า (to tao)) ;
บ (บ ใบไม้ (bo baimaai)) ;
ป (ป ปลา (po plaa)) ;
อ (อ อ่าง (‘o ‘aang))
Haute (induit un ton montant, bas et tombant)
ข (ข ไข่ (kho khai)) ;
ฃ (ฃ ขวด (kho khuat)) ; (très rare)
ฉ (ฉ ฉิ่ง (cho ching)) ;
ฐ (ฐ ฐาน (tho thaan)) ;
ถ (ถ ถุง (tho thung)) ;
ผ (ผ ผึ้ง (pho phueng)) ;
ฝ (ฝ ฝา (fo faa)) ;
ศ (ศ ศาลา (so saalaa)) ;
ษ (ษ ฤๅษี (so ruesii)) ;
ส (ส เสือ (so suea)) ;
ห (ห หีบ (ho hiip))
Ainsi que les marqueurs de ton appelés :
ไม้เอก (mai aehk) (indique un ton bas ou tombant)
ไม้โท (mai tho) (indique un ton haut ou tombant)
ไม้ตรี (mai tri) (indique toujours un ton haut)
ไม้จัตวา (mai jat dta waa) (indique toujours un ton montant)
Par exemple sur la lettre ก (ก ไก่ (ko kai)) :
ก่ (mai ek), ก้ (mai tho), ก๊ (mai tri), ก๋ (mai jattawa), ก็ (mai taikhu), ก์ (mai thanthakhat)
En thaï, les syllabes sont soit « vivantes » (syllabe ouverte ou คำเป็น (kham ben)) qui se terminent par une voyelle longue ou bien elle sont « mortes » (syllabe fermée ou คำตาย (kham thaai)) qui se terminent par une consonne ou une voyelle courte. Ainsi le son est soit enfermé ou non dans le mot, terminé par une voyelle courte ou longue, ce qui influence le ton qu’il prendra. En fonction de la classe de la consonne, la voyelle, ou le type de syllabe, certains mots prendront également certains tons.
Analysons plusieurs mots provenant de plusieurs phrases simples
Phrase 1)
คุณจำผมได้ไหม (kun jam pŏm dâai măi) = tu te souviens de moi ?
คุณ kun (tu ; toi)
analyse : syllabe fermée, classe basse = ton moyen
จำ jam (se souvenir)
analyse : syllabe fermée, classe moyenne = ton moyen
ผม pŏm (je ; moi (masculin))
analyse : syllabe fermée, classe haute = ton montant
ได้ dâai (pouvoir)
analyse : syllabe ouverte, classe moyenne = ton tombant
ไหม măi (particule de question)
analyse : syllabe ouverte, classe haute = ton montant
Phrase 2)
วันนี้อากาศเป็นยังไง (wan níi aagàat ben yangngai) = comment est le temps aujourd’hui ?
วัน wan (jour)
analyse : syllabe fermée, classe basse avec la voyelle « a » pour ne pas prononcer « won » = ton moyen
นี้ níi (ce)
analyse : syllabe ouverte, classe basse = ton haut
อากาศ aagàat (temps, météo)
analyse : syllabe fermée, classe moyenne = ton bas (sur la deuxième syllabe)
เป็น ben (être)
analyse : syllabe fermée, classe moyenne = ton moyen
ยังไง yangngai (comment)
analyse : syllabe fermée et ouvert, classe basse x2 = ton moyen x2
Une dernière phrase
ขอบคุณที่เป็นห่วงนะครับ (kòp kun tîi ben hùuang ná kráp) = merci de t’inquiéter (pour moi)
ขอบคุณ kòpkun (merci)
analyse : syllabe fermée, classe haute = ton bas & syllabe fermée, classe basse = ton moyen
ที่ tîi (particule indiquant le but d’une action)
analyse : syllabe ouverte, classe basse = ton tombant
เป็น ben (être)
analyse : syllabe fermée, classe moyenne = ton moyen
ห่วง hùuang (s’inquiéter)
analyse : syllabe fermée, classe haute et à l’écrit ไม้เอก (mai aehk) = ton bas
นะ ná (particule finale pour adoucir la phrase)
analyse : syllabe ouverte, classe basse et voyelle courte = ton haut
ครับ kráp (particule finale de politesse (masculine))
analyse : syllabe fermée, classe basse et voyelle « a » pour ne prononcer « krop » = ton haut
Mais cette manière académique et classique est plutôt difficile à mémoriser sans beaucoup de pratique et demande de connaître toutes les classes de consonnes à fond, ce qui peut démotiver à l’extrême, même les apprenants les plus motivés. Il est ainsi conseillé, pour ne pas se prendre la tête, d’employer l’outil suivant, un assistant magique, qui détermine très facilement comment prononcer un mot avec le bon ton :
https://www.crackinglanguage.com/toneassist
Les apprenants peuvent aussi regarder les tons sur Wiktionary ou bien Thai2English
https://www.thai2english.com/
ou
https://en.wiktionary.org/wiki/Wiktionary:Main_Page
La manière non-classique
D’après les recherches de l’auteur sur les langues du monde, les tons du thaï tirent leur origine bien au-delà de l’écriture, et proviennent surtout de la prononciation ancienne, de l’himalayo-austrique, donnant le proto-kradai, l’ancêtre direct du thaï. Nous allons inspecter un peu la dérivation du thaï depuis l’himalayo-austrique, soit l’ancêtre de toutes les langues d’Asie qui proviennent originairement du Caucase et sont maintenant répandues de la Chine à Rapa Nui, incluant le viet, le thaï, l’indonésien, le maori, le birman, le chinois, le tibétain, le lao, le khmer, etc, mais excluant les langues transeurasiennes (japonais, coréen, mongol, turcique et toungouse-manchou). Lorsque les populations kradai se sont peu à peu détachées des autres communautés himalayo-austriques, les sons de leur langue se sont progressivement transformés de manière unique, ce qui a sûrement joué un rôle majeur sur la création des tons, en même temps que le climat humide et chaud ainsi que la synergie mutuelle des locuteurs de langues tonales. Les tons du thaï obéissent ainsi à une certaine logique liée à la prononciation ancienne, mais d’avantage : ils sont vivants !
Toutes les observations suivantes ne sont pas à retenir par cœur ; mais plutôt à découvrir pour se rendre compte que les tons du thaï sont vivants et non simplement déterminés par l’écriture ou la prononciation ancienne uniquement.
Voici tout d’abord quelques questions à se poser pour interpréter et comprendre les tons du thaï de manière vivante :
1) Quelle est la consonne qui commence le mot ? Est-ce une consonne dure ou plutôt douce ?
2) Le mot est-il enfermé entre deux consonnes ?
3) A-t-on une voyelle courte ou longue ?
4) Est-ce un homophone dont le ton permet de déterminer le sens ?
5) Comment les Thaïs prononcent-ils généralement ce mot ?
6) Comment ai-je l’habitude d’entendre ce mot ? Ton haut, bas, moyen, tombant, montant ?
7) À l’écrit, y a-t-il des symboles qui indiquent les tons sur les lettres ?
1) La prononciation ancienne disparaît et le mot se réduit
Lorsqu’une partie d’un mot est oubliée ou réduite à l’extrême par élision, souvent cette compensation détermine le ton. Voyons quelques exemples :
1) น้ำ (náam) (eau)
Analyse classique : syllabe fermée, classe basse et ไม้โท (mai tho) (ton haut ou tombant) = ton haut
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *kwehna (eau de source) et le ton haut permet de compenser la perte de la syllabe *kweh
2) ฟ้า (fáa) (ciel)
Analyse classique : syllabe ouverte, classe basse et ไม้โท (mai tho) (ton haut ou tombant) = ton haut
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *sankwa (ciel) et le ton haut permet de compenser la perte de la syllabe *san
3) เท้า (táao) (pied)
Analyse classique : syllabe ouverte, classe basse et à l’écrit ไม้โท (mai tho) (ton haut ou tombant) = ton haut
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *patha (marcher, pied) et le ton haut permet de compenser la perte de la syllabe *pa
4) รัก (rák) (aimer ; amour)
Analyse classique : syllabe fermée, classe basse et voyelle « a » (pour ne pas prononcer le mot « rok ») = ton haut
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *kwelak (vouloir, désirer, aimer ; amour, désir) et le ton haut permet de compenser la perte de la syllabe *kwe. De plus, ce mot est attesté presque en entier par le mot thaï rare มลัก (má-lák) (aimer)
5) คิด (kít) (penser)
Analyse classique : syllabe fermée, classe basse et voyelle « i » (pour ne pas prononcer le mot « kot ») = ton haut
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *tenke (penser, savoir, deviner) et le ton haut permet de compenser la perte de la syllabe *ten.
6) ตา (dtaa) (œil)
Analyse classique : syllabe ouverte, classe moyenne et voyelle longue « a » = ton moyen
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *matha (voir, œil) et le ton haut permet de compenser la perte de la syllabe *ma
7) รู้ (rúu) (savoir)
Analyse classique : syllabe ouverte, classe basse, voyelle longue « ou » à l’écrit ไม้โท (mai tho) (ton haut ou tombant) = ton haut
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *kheno (savoir ; pouvoir) et le ton haut permet de compenser la perte de la syllabe *khe (kheno<hrow<ruw< rúu)
2) Les sons enfermés
Les sons enfermés entre deux consonnes dures comme un « p » ou un « k » sont souvent montants, bas ou tombants, comme si cet enfermement forçait le mot à prendre ce type de son dans la bouche des locuteurs du thaï. Examinons quelques exemples :
1) ชอบ (choop) (aimer)
Analyse classique : syllabe fermée, classe basse et son long enfermé = ton tombant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *krepa (apprécier, convenir, rejoindre) et est devenu un son long enfermé entre deux consonnes
2) กบ (gòp) (grenouille)
Analyse classique : syllabe fermée, classe moyenne et son court enfermé = ton bas
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *kwreleke (grenouille) et est devenu un son court enfermé entre deux consonnes. Mais plus justement : le mot a été réinterprété localement pour mieux imiter le croassement de la grenouille อ๊บๆ (óp óp) (croassement de la grenouille en thaï)
3) เด็ก (dèk) (enfant)
Analyse classique : syllabe fermée, classe moyenne et son court enfermé = ton bas
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *kathah (jeune enfant) et est devenu un son court enfermé entre deux consonnes
4) ยก (yók) (lever, soulever)
Analyse classique : syllabe fermée, classe basse et son court enfermé = ton haut
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *khaleh (porter, lever) et est devenu un son court enfermé entre deux consonnes
5) แบก (bɛ̀ɛk) (porter sur ses épaules)
Analyse classique : syllabe fermée, classe moyenne et son long enfermé = ton bas
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *preka (porter sur le dos) et est devenu un son long enfermé entre deux consonnes
6) พูด (pûut) (parler)
Analyse classique : syllabe fermée, classe basse et son long enfermé = ton tombant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *wetha (parler) et est devenu un son long enfermé entre deux consonnes
3) Le rôle déterminant de ห (ห หีบ (ho hiip))
La consonne ห (ห หีบ (ho hiip)) induit très fréquemment un ton montant pour compenser la perte d’un « k/h/p » ancien. Examinons quelques exemples :
1) หนัง (nǎng) (peau ; cuir)
Analyse classique : syllabe fermée débutant par ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *phreka (peau ; écorce) et a perdu son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’écrit (mais pas à l’oral) ce qui lui a valu un ton montant
2) หมอ (mɔ̌ɔ) (médecin, docteur ; shaman) (car les shamans étaient les médecins des clans du Paléolithique et Néolithique)
Analyse classique : syllabe ouverte débutant par ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *shemrah (shaman) et a perdu son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’écrit (mais pas à l’oral) ce qui lui a valu un ton montant. Par ailleurs, ce ton montant permet de le distinguer à l’oral de หม้อ (mɔ̂ɔ) (chaudron) qui a un ton tombant.
3) หมา (mǎa) (chien)
Analyse classique : syllabe ouverte débutant par ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *kwenha (chien) et a perdu son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’écrit (mais pas à l’oral) ce qui lui a valu un ton montant.
4) หญิง (yǐng) (femme)
Analyse classique : syllabe fermée débutant par ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *kehna (femme) et a perdu son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’écrit (mais pas à l’oral) ce qui lui a valu un ton montant.
5) เห็น (hěn) (voir ; apercevoir)
Analyse classique : syllabe fermée contenant ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *hena (voir ; regarder) et a gardé son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’oral et à l’écrit ce qui lui a valu un ton montant.
6) เหมือน (mʉ̌ʉan) (pareil, même)
Analyse classique : syllabe fermée contenant ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *shemrah (pareil ; similaire) et a gardé son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’écrit (mais pas à l’oral) ce qui lui a valu un ton montant.
7) ไหล (lǎi) (couler (eau))
Analyse classique : syllabe ouverte contenant ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *sherwa (couler) et a gardé son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’écrit (mais pas à l’oral) ce qui lui a valu un ton montant.
8) หมาย (mǎai) (signifier, désirer)
Analyse classique : syllabe ouverte contenant ห (ห หีบ (ho hiip)) et classe haute = ton montant
Analyse non-classique : ce mot provient de la racine proto-himalayo-austrique *mehne (penser ; avoir l’intention) a gardé son ห (ห หีบ (ho hiip)) à l’écrit (mais pas à l’oral) ce qui lui a valu un ton montant.
4) Les mots imitatifs du chinois
Beaucoup de mots thaïs ne sont pas natifs et proviennent de dialectes chinois du sud, comme le teochew, et sont fort imitatifs de la prononciation chinoise de base. En tant que deux langues tonales, il est relativement facile d’imiter jusqu’au ton du mot emprunté ! Le thaï et le chinois, quoique partageant une origine commune, ont évolué des tons relativement différents, donc l’imitation ne sera pas toujours identique, mais du moins fort ressemblante. Examinons quelques exemples :
1) สวน (sǔuan) (jardin) ton montant, similaire au chinois moderne 園 [yuán] (parc), au deuxième ton (montant)
2) ส่ง (sòng) (envoyer) ton bas, similaire au chinois moderne 送 [sòng] (envoyer), au quatrième ton (tombant)
3) เลี้ยง (líiang) (élever) ton haut, similaire au chinois moderne 养 [yǎng] (élever), au troisième ton (montant)
4) วัง (wang) (profonde fosse d’eau) ton moyen, similaire au chinois moderne汪 [wāng] (eau profonde et vaste), au premier ton (plat)
5) ตั่ง (dtàng) (table traditionnelle) ton bas, similaire au chinois moderne 凳 [dèng] (table ou banc), au quatrième ton (tombant)
6) จริง (jing) (vrai ; réel) ton moyen, similaire au chinois moderne 真 [zhēn] (vrai ; authentique), au premier ton (plat)
5) Les syllabes qui ont toujours été ouvertes
Depuis leur origine en proto-sapiens, vers l’himalayo-austrique et enfin le thaï, certains mots ont beaucoup changé dans leur structure mais le rythme en deux syllabes ouvertes de leur racine ancienne s’est bien souvent maintenu. Comme si l’on prononçait « aa aa » et que l’on gardait la première ou la deuxième combinaison de cette gamme de sons. Examinons quelques exemple
1) คน kon (personne) au ton moyen venant de la racine himalayo-austrique *kwenah (enfant ; personne) dont le rythme des deux syllabes anciennes s’est conservés
2) กัน (gan) (ensemble, avec) au ton moyen venant de la racine himalayo-austrique *kena (ensemble ; avec) dont le rythme des deux syllabes anciennes s’est conservé
3) ใบ (bai) (feuille) au ton moyen venant de la racine himalayo-austrique *hlepa (feuille) dont le rythme des deux syllabes anciennes s’est conservé
4) ชาย (chaai) (homme) au ton moyen venant de la racine himalayo-austrique *kathah (jeune homme) dont le rythme des deux syllabes anciennes s’est conservé
5) ทะเล (táley) (mer) au ton moyen venant de la racine himalayo-austrique *thale (mer ; océan) dont le rythme des deux syllabes anciennes s’est conservé, mais la première syllabe prend un ton montant, sans doute à cause de la brièveté du son
6) ลืม (lʉʉm) (oublier) au ton moyen venant de la racine himalayo-austrique *hwanleh (rêver ; oublier) dont le rythme des deux syllabes anciennes s’est conservé
6) Les tons évitent les synonymes ambigus
Lorsque les populations kradai se sont peu à peu éloignées des autres populations himalayo-austriques, leurs mots de base ont progressivement changé, et peu à peu certains sont devenus presque similaires malgré leur racine nonpareille. Que ce soit un phénomène de conscience collective ou non, l’apparition des tons a permis d’éviter l’ambiguïté des homophones. C’est la manière la plus évidente, par comparaison massive, de se rendre compte que les tons du thaï sont organiques, dynamiques et vivants. Cela se manifeste clairement lorsque l’on analyse des homophones, et l’on peut alors penser que l’apparition des tons a été inévitable et primordiale dans l’évolution du thaï.
Examinons quelques exemples (parmi des centaines !) et remarquons à l’écrit comment les marqueurs de ton permettent de bien distinguer les différentes nuances :
1) ใคร่ (krâi) (désirer, vouloir) au ton tombant & ใคร (krai) (qui) au ton moyen
2) คน (kon) (personne) au ton moyen & ค้น (kón) (rechercher) au ton haut
3) หา (hǎa) (chercher) au ton montant & ห้า (hâa) (cinq) au ton tombant
4) สอง (sɔ̌ɔng) (deux) au ton montant & ส่อง (sɔ̀ng) (briller) au ton bas
5) หน้า (nâa) (visage ; devant) au ton tombant & หนา (nǎa) (épais) au ton montant
6) ไกล (glai) (loin) au ton moyen & ไกล้ (glâi) (proche) au ton tombant : ces deux-là sont une très bonne preuve de l’inexorabilité de la création de tons pour éviter trop d’ambiguïtés
7) ท่า (tâa) (port ; quai) au ton tombant & ทา (taa) (appliquer, mettre) au ton moyen & ท้า (táa) (défier) au ton haut
8) ท่อง (tɔ̂ng) (vaguer ; voyager) au ton tombant & ทอง (tɔɔng) (or ; doré) au ton moyen & ท้อง (tɔ́ɔng) (ventre) au ton montant
9) ให้ (hâi) (donner, permettre) au ton tombant & ไห้ (hâi) (pleurer) au ton tombant & ไห (hǎi) (jarre) au ton montant. Le langage étant malgré tout parfois ambigu, ici, le contexte détermine toujours la différence entre le premier et le deuxième mot de mêmes tons.
10) หมู (mǔu) (cochon) au ton montant & หมู่ (mùu) (groupe ; collectif) au ton bas
7) Les mots venant du sanscrit
Parmi les registres de la langue thaï, nous avons aussi les mots indo-européens venant du sanscrit via le pali, la langue véhicule du bouddhisme en Asie du Sud-Est. Ce n’est que depuis 1000 ans que cette langue indo-européenne est employée dans cette partie du monde, et ces mots ont été importés avec l’écriture native du devanagari en Asie du Sud-Est, ce qui signifie qu’ils obéissent parfaitement aux règles des tons vues ci-dessus. Examinons quelques exemples :
1) ศึกษา (sʉ̀k-sǎa) (éducation) venant du sanscrit शिक्षा (śikṣā) (éducation) avec une première syllable contenant une consonne de classe haute avec une voyelle courte, donc ton bas ; et une deuxième syllable contenant une consonne de classe haute et une voyelle longue, donc ton montant
2) ภาษา (paa-sǎa) (langue) venant du sanscrit भाषा(bhāṣā) (langue) avec une première syllabe contenant une consonne de classe basse avec une voyelle longue, donc ton moyen ; et une deuxième syllabe contenant une consonne de classe haute et une voyelle long, donc ton montant
3) ครู (kruu) (professeur) venant du sanscrit गुरु (guru) (professeur) avec une syllabe contenant une consonne de classe basse avec une voyelle longue, donc ton moyen
4) มนุษย์ (má-nút) (humain) venant du sanscrit मनुष्य (manuṣya) (humain) un mot contenant deux syllabes de classe basse avec deux voyelles courtes, donc double ton haut
5) ราชา (raa-chaa) (roi ; royal) venant du sanscrit राज (rāja) (roi) un mot de deux syllabes de classe basse avec deux voyelles longues, donc double ton moyen
6) รูป (rûup) (forme ; apparence ; photo) venant du sanscrit रूप (rūpa) (forme) avec une syllable contenant une consonne de classe basse et une voyelle longue, donc ton tombant
7) สุข (sùk) (joie ; bonheur) venant du sanscrit सुख (sukha) (joie ; bonheur) avec une syllabe contenant une consonne de classe haute et une voyelle courte, donc ton bas
8) ประเทศ (bprà-têet) (pays) venant du sanscrit प्रदेश (pradeśa) (pays) avec deux syllabes, l’une contenant une consonne de classe moyenne et une voyelle courte ainsi qu’une consonne de classe basse et une voyelle longue, donc ton bas et ton tombant. Notons que les Thaïs abrègent souvent le ร (ร เรือ (ro ruea)) de ce mot, le prononçant « pateet » comme le lao ປະເທດ (pa thēt) (pays)
9) สัตว์ (sàt) (animal) venant du sanscrit सत्त्व (sattva) (animal) contenant une consonne de classe haute et une voyelle longue (pour ne pas prononcer «sot»), donc ton bas
10) อาหาร (aa-hǎan) venant du sanscrit आहार (āhāra) (nourriture) contenant une première syllabe avec une voyelle longue, donc ton moyen ; et une deuxième syllabe avec une consonne classe haute et une longue voyelle, donc ton montant influencé par ห (ห หีบ (ho hiip))
8) Les mots qui ont pris naturellement leur ton
Comme le thaï est une langue vivante (appartenant à Homo sapiens) qui évolue au fil du temps avec ses locuteurs, elle prend la forme de la vie quotidienne des humains qui la parlent. Ainsi, au-delà des consonnes, voyelles et évolutions phonétiques, certains mots prennent naturellement le ton de ce qu’ils sont où ils décrivent. Examinons quelques exemples :
1) มาก (mâak) (beaucoup) au ton tombant, sûrement car ce mot permet d’insister comme une exclamation : j’aime vraiment beaucoup !
2) แล้ว (lɛ́ɛo) (ensuite ; après) ton haut, car il permet de passer à la phrase suivante ou bien de réfléchir à la suite de sa phrase
3) ปู่ (bpùu) (grand-père), พ่อ (pɔ̂ɔ) (père), แม่ (mɛ̂ɛ) (mère) presque tous les termes de la famille sont au ton bas ou tombant car ils sont influencés par les gens qui appellent leurs parents à voix haute : papa ! maman ! papy !, etc
4) ตก (dtòk) (tomber) ton bas, car il s’agit d’un mot imitatif d’une chose qui tombe
5) เห่า (hào) (aboyer) ton bas, car il s’agit d’un mot imitatif de l’aboiement du chien
6) อ้วก (ûuak) (vomir) ton tombant, car imite le vomissement comme la plupart des mots d’Homo sapiens qui incarnent cette action
7) ระเบิด (rá-bə̀ət) (exploser) ton haut puis tombant, imitant le son d’une explosion comme pat ! similaire au turc patlamak (exploser)
9) l’influence du Caucase
Les populations himalayo-austriques, ancêtres des Thaïs ont migré depuis une vaste zone du Caucase vers le nord de la Chine avant de se propager vers l’Asie du Sud-Est. Leur langue originelle provient donc du Caucause et a grandement influencé toutes les langues qui en dérivent. Les sons du Caucase contiennent des consonnes particulièrement fortes et des sons complexes qui ont dû s’adapter localement au sein des langues himalayo-austriques, et ont influencé la création de tons (tonogénèse) du thaï. Examinons quelques exemples :
1) เขี้ยว (kîao) (croc) un mot que l’on peut contraster à la prononciation himalayo-austrique *khonkhi (tooth, tusk, fang) ou encore aux langues du Caucase comme le Laz ккарччи (k̄arč̄i / dent)
2) ขาว (kǎao) (blanc) un mot que l’on peut contraster à la prononciation himalayo-austrique *lewkha (briller ; blanc) ou encore aux langues du Caucause comme l’Avar кахІаб (kaħab / blanc)
Discussion
Après avoir examiné autant d’exemples, les apprenants du thaï savent désormais qu’il vaut mieux ressentir les tons du thaï en contexte plutôt que de mémoriser un tas de règles complexes. Si vous avez d’autres questions ou n’avez pas compris certains points, laissez un commentaire, contactez-moi sur Instagram et apprenons ou approfondissons le thaï ensemble ! สู้ๆนะครับ (su su na krap) (courage !)