Avis au lecteur : comme prĂ©cĂ©demment citĂ© dans lâarticle « Comment apprendre une langue », nous nâaurons ici rien Ă vendre ; nous ne tomberons non plus dans un marketing de bas-Ă©tage tentant de proposer au lecteur quelque solution miracle. Toute langue demande un investissement et des efforts personnels journaliers Ă lâaulne des progrĂšs dĂ©sirĂ©s.
La mĂ©thode expliquĂ©e ici ne semble pas plus Ă appliquer Ă tout prix : cet article tente dâapporter au lecteur des clefs et idĂ©es dâapprentissage que celui-ci pourra adapter Ă son rythme et Ă ses horaires.
Il ne sâagit guĂšre non plus dâun article vantant Ă quel point lâauteur aurait « maĂźtrisé » la langue thaĂŻ : le niveau estimĂ© atteint aprĂšs six mois dâapprentissage prĂ©sage le dĂ©but dâun plus long parcours.
Cet article propose plutĂŽt au lecteur dâapprendre des techniques dâapprentissage exhaussant chaque jour les quatre compĂ©tences (Ă©criture, Ă©coute, oral, lecture) afin de savoir communiquer avec des natifs sans trop dâentrave Ă lâoral et Ă lâĂ©crit en trois Ă six mois en fonction de lâimplication dans lâapprentissage.
En novembre 2020, afin de conforter la crĂ©dibilitĂ© de mes recherches sur les langues et leur histoire, jâai tentĂ© dâapprendre plusieurs Ă©critures natives que je ne connaissais guĂšre : le tibĂ©tain, lâhĂ©breu, le sanscrit, le grec ancien et le thaĂŻ. Parmi celles-ci, jâai adorĂ© la derniĂšre, le thaĂŻ, qui mâa incitĂ© Ă poursuivre un vĂ©ritable apprentissage de la langue.
Il y avait plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ que je nâavais appris une nouvelle langue, ce qui fut une expĂ©rience tout Ă fait excitante et rafraĂźchissante, surtout lorsquâil sâagit dâune langue eurasiatique de lâest (ah, zone de confort, quand tu nous tiens !).
Je me suis donc lancĂ© dans lâapprentissage de cette langue, de maniĂšre tout dâabord peu assurĂ©e et scabreuse, puis des plus fĂ©briles, au point dâatteindre lâĂ©bullition quelques semaines plus tard et de me consacrer presque entiĂšrement Ă son apprentissage. Pour ce faire, jâai employĂ© une mĂ©thode dite « holistique », aussi expliquĂ©e dans cet article, que le lecteur comprendra plus en dĂ©tail au fil de sa lecture.
Cette mĂ©thode, appliquĂ©e sciemment, permet de passer du niveau 0 Ă environ C1 (avancĂ©) en lâespace de 6 mois, de nâavoir aucune lacune en langue, et de pouvoir qui plus est commencer Ă converser au bout de quelques mois. Nul doute : cela demande un vĂ©ritable investissement personnel et des efforts journaliers.
Telle quâexpliquĂ©e ci-dessous, cette mĂ©thode a Ă©tĂ© adaptĂ©e de maniĂšre fort personnelle, et ne conviendra en lâĂ©tat quâĂ peu dâapprenants ; au lecteur de trouver sa propre mĂ©thode qui lui est la plus congruente, souhaitĂąt-il apprendre de la sorte.
Ce qui mâa aidĂ© (et mâaide toujours !) Ă apprendre le thaĂŻÂ :
đ Utiliser son cerveau
đ Un bon professeur
đ Un vrai dictionnaire
đ Un stylo et du papier
đ Spotify (podcast)
đ YouTube, Dailymotion
đ Une trĂšs grande variĂ©tĂ© de ressources Ă©crites et autres articles
đ Tandem (pour chercher des correspondants), Skype
đ Temps, patience et persĂ©vĂ©rance
đ Mâamuser
đ Oser
Les faux alliĂ©s de lâapprenant en langue :
đŠ Google traduction
đŠ Les applications de langue (dĂ©taillĂ©es ici)
đŠ Les sites de grammaire (nous verrons comment lâapprendre autrement)
đŠ La facilitĂ© (dĂ©taillĂ©e ici)
đŠ Lâego
đŠ Ne pas oser
đŠ Sâennuyer
đŠ La plupart des cahiers de langues
Afin de mesurer la quantitĂ© de mots employĂ©s dans la langue courante contemporaine Ă©crite et parlĂ©e, jâai par la mĂȘme occasion rĂ©alisĂ© une cartographie en entrant chaque mot nouveau que je croisais, ainsi que la phrase-exemple qui lui Ă©tait liĂ©e, dans le logiciel Anki.
Mon apprentissage ayant commencĂ© le 23 novembre (2020), chaque court chapitre sâĂ©tendra sur un mois ; par surcroĂźt, le niveau affichĂ© ci-dessous correspond au niveau global estimĂ©, sachant que lâĂ©coute et lâoral demeurent toujours les capacitĂ©s les plus difficiles Ă entraĂźner, qui seront donc toujours quelque peu en deçà des compĂ©tences en lecture et Ă©crit.
Au total, je dois avoir appris le thaĂŻ durant environ 4-5 heures par jour, au cours de 6 mois, soit aux alentours de 720-900 heures. Le lecteur comprendra donc quâil nâest nullement nĂ©cessaire dâĂ©tudier dâune maniĂšre diabolique et pĂ©nible durant des milliers dâheures : tout se trouve dans la mĂ©thode employĂ©e !
Voici, avant de commencer, une courte vidĂ©o de deux polyglottes authentiques prĂ©sentant leurs mĂ©thodes dâapprentissage :
Premier mois (23 novembre au 23 décembre) : découverte de la langue
Niveau 0 Ă A2-B1 ; mots dans Anki : 692
Ayant toujours souhaitĂ© quĂ©rir, au dĂ©but de mes apprentissages (chinois, japonais, corĂ©en), lâaide dâun professeur compĂ©tent, jâai choisi sur Italki un professeur de thaĂŻ qui enseignait sa langue de maniĂšre non grammaticale et en contexte, soit exactement comme je tente dâenseigner le chinois, japonais et corĂ©en Ă la communautĂ© NicoDico.
Il mâa aidĂ© une fois par semaine, jusquâĂ atteindre vers fin mars lâindĂ©pendance dans toutes les compĂ©tences, et dâarrĂȘter les cours car il mâavait dĂ©jĂ dit lui-mĂȘme aprĂšs quelques semaines quâil ne me considĂ©rait plus comme un Ă©lĂšve tant jâavançais vite. Un professeur de bon aloi me semble crucial pour Ă©viter les lacunes et accroĂźtre ses compĂ©tences chaque semaine, eĂ»t-on renforcĂ© ces cours par un apprentissage complet.
Ă dire la vĂ©ritĂ© au lecteur, au tout dĂ©but de mon apprentissage du thaĂŻ, je nâĂ©tais pas sĂ»r de vouloir vraiment dĂ©buter lâapprentissage dâune nouvelle langue, sachant dâexpĂ©rience le temps et la patience requis ; jâai de ce fait quelque peu lanternĂ©, me posant de nombreuses questions. Mais il faut croire que la passion lâaura emportĂ© sur la crainte de lâinconnuâŠ! â€ïžâđ„
Pour commencer, durant une ou deux semaines, jâai fouillĂ© lâInternet Ă la recherche de ressources en tout genre pour apprendre le thaĂŻ, dont jâai lu tous les dialogues basiques et Ă©coutĂ© la plupart des documents audio.
En rĂ©coltant tous les mots, les entrant dans Anki et les voyant tous les jours au sein desdits textes, jâai pu dĂ©duire le sens des phrases lues et donc apprendre la grammaire en contexte : si lâon connaĂźt tous les mots dâune phrase, le temps, lâexposition et la rĂ©flexion permettent dâen saisir le sens.
Je ne comprenais en toute Ă©vidence pas tout ce que je lisais, et mes premiĂšres lectures et Ă©critures se sont avĂ©rĂ©es extrĂȘmement ardues : le thaĂŻ possĂšde une Ă©criture de rang SSS, qui ne se montre point des plus amicales envers les dĂ©butants ! Nous verrons nĂ©anmoins que cela nâest que passager, et grand Ă©cueil du dĂ©but uniquement ; car dans les langues tout nâest uniquement question que dâexposition, dâhabitude et de pratique.
Ainsi, sans jamais tarir dâeffort et tout en mâamusant en lisant, je nâai cessĂ© dâentrer chaque mot nouveau dans Anki avant de lâĂ©crire sur une feuille de papier car cela permettait dâactiver le mot et de pratiquer lâĂ©crit Ă chaque vocable inconnu. Il mâa tout de mĂȘme fallu prĂšs dâun mois pour Ă©crire correctement certains mots, tel que « bonjour » àžȘàž§àž±àžȘàžàž”àžàžŁàž±àž (sawat di krap) !
Jâai recherchĂ© tous les mots dans ce dictionnaire trĂšs fidĂšle et prĂ©cis ; aprĂšs les dialogues jâai lu des articles faciles sur la nourriture, les voyages, les animaux, les parcs nationaux, les coutumes, la culture, etc. Ă lâinstar des courts dialogues du dĂ©but, je nâen comprenais tout dâabord que 60-70%, ce qui semble tout Ă fait normal au dĂ©but, il ne faut pas sâen inquiĂ©ter.
Afin de pratiquer lâĂ©coute, jâai recherchĂ© des YouTubeurs thaĂŻ qui mâintĂ©ressaient, notamment des voyageurs qui prĂ©sentaient le monde dâun Ćil thaĂŻ, et cela toujours sans sous-titre, car ceux-ci entravent la concentration. Parfois, les vidĂ©os duraient plusieurs dizaines de minutes voire une heure, mais cette durĂ©e semblait dâautant plus bĂ©nĂ©fique ; je me suis donc concentrĂ© pour essayer de comprendre le plus possible.
Rappelons au lecteur quâen tant quâhumain â Homo sapiens en lâoccurrence â, il nâarrive jamais, aidĂ© du son et de lâimage, que lâon ne comprenne rien : nous avons tous un instinct qui permet de dĂ©duire les mots de situations qui se ressemblent car universelles. Cet exercice dâĂ©coute sans sous-titre est extrĂȘmement bĂ©nĂ©fique pour dĂ©velopper ledit instinct, mais aussi accroĂźtre sa concentration.
Jâai aussi adorĂ© Ă©couter la musique thaĂŻ, durant des heures et des heures chaque jour, lorsque je lisais un texte et pratiquais aussi lâĂ©crit, ou bien mâoccupais de la communautĂ© NicoDico. (Faisons toujours dâune pierre deux coups !) Je ne mâĂ©tais jamais adonnĂ© Ă la musique avec tant dâintensitĂ©, mais, Ă ma grande surprise, celle-ci mâa entraĂźnĂ© Ă©normĂ©ment lâoreille tout en Ă©tant des plus agrĂ©ables. La musique est hautement recommandĂ©e pour les dĂ©buts, et adaptĂ©e lorsque lâon cuisine, dans les transports, ou que lâon a un peu de temps libre !
DĂšs la premiĂšre semaine, jâai cherchĂ© des correspondants thaĂŻ sur Tandem, et ai dĂ©butĂ© les Ă©changes dĂšs ce moment-lĂ . Au dĂ©but, lorsque lâon ne sait que formuler les bases dâune langue, il est important dâĂȘtre curieux du pays, de la langue, de la nourriture, et de poser des questions sur des mots ou expressions en exploitant ladite curiositĂ©Â : Est-ce quâon dit ceci comme cela ? Jâai entendu dire queâŠÂ ? Comment puis-je mieux me prĂ©senter enâŠÂ ? et ainsi de suite.
VoilĂ donc les bases fondamentales de cet apprentissage exhaussant chaque mois les quatre compĂ©tences (Ă©coute, Ă©crit, lecture, oral) jusquâĂ atteindre le niveau avancĂ©, câest-Ă -dire le dĂ©but rĂ©el de lâapprentissage dâune langue !
DeuxiÚme mois (23 décembre au 23 janvier) : intrusion dans la langue
Niveau B1 ; mots dans Anki : 629 + 931 = 1560
Continuant une fois par semaine les cours, je nâai cessĂ© dâajouter de nouveaux mots dans Anki, dâĂ©couter podcasts, musiques et YouTubeurs thaĂŻ absolument tous les jours, fussĂ©-je fatiguĂ©, dĂ©primĂ©, voire parfois quelque peu dĂ©motivĂ©. Le thaĂŻ mâa fort aidĂ© Ă passer cette pĂ©riode triste et maussade quâest lâhiver en Eurasie de lâOuest, tout particuliĂšrement en cette pĂ©riode covidienne.
DĂšs ce mois-lĂ , jâai commencĂ© Ă me constituer une routine intensive de thaĂŻ, en rĂ©coltant toujours plus de mots nouveaux, et mâexposant chaque jour Ă des textes Ă la difficultĂ© croissante, mais sur des sujets qui me sont fort familiers tels que : lâhistoire de lâhumanitĂ©, du Japon, de la Chine, les langues, de courtes histoires, lâhistoire de la nourriture corĂ©enne, etc. Tous ces textes vitaux pour sâexonder des profondeurs se peuvent trouver en ligne pour qui en fait la recherche dans la langue cible.
Au dĂ©but, je ne saisissais quâenviron 50 Ă 60% du sens total, mais cette comprĂ©hension partielle fait sans le moindre doute partie de lâapprentissage ; lire Ă propos de sujets connus qui mâintĂ©ressaient vraiment mâa au demeurant aidĂ© Ă oublier cette difficultĂ© et quelquefois la frustration de ne pouvoir tout lire avec sens et conscience Ă lâinstar dâautres langues mieux connues.
Je commençais petit Ă petit Ă me familiariser avec les mots, et leur composition, car le thaĂŻ, langue austroasiatique, partage une origine commune avec le chinois, ce qui mâa aidĂ© Ă comprendre la logique locale. Je mâattendais ainsi Ă rencontrer la moitiĂ© des syllabes de mots que je connaissais, ou bien des mots monosyllabiques combinĂ©s les uns aux autres, ainsi quâexpliquĂ© dans cet article.
Le premier mois des Ă©changes â 30 minutes en français-anglais 30 minutes en thaĂŻ â sâest avĂ©rĂ© fort difficile, car je souhaitais parler, mais ne se le cachons pas, quelque 1500 mots et une poignĂ©e dâheures dâapprentissage ne suffisent point pour sâexprimer en une langue non indo-europĂ©enne.
Jâai donc pris mon mal en patience, comprenant parfois quelques phrases ou mots lorsque nous parlions thaĂŻ. Tous les jours, jâenvoyais des messages sur Tandem Ă de nouvelles personnes, pour trouver les correspondants idĂ©aux, une tĂąche tout aussi fastidieuse, mais non moins gratifiante lorsque lâon trouve au fur et Ă mesure de vrais amis.
TroisiÚme mois (23 janvier à 23 février) : plongée profonde dans la langue
Niveau B1-B2 ; mots dans Anki : 629 + 931 + 1242 = 2802
Ă partir de ce mois-ci jâai rĂ©ellement ressenti les bienfaits de lâapprentissage journalier et intensif des quatre compĂ©tences. DĂšs la mi-fĂ©vrier, jâai eu mes premiĂšres discussions entiĂšrement en thaĂŻ quoique Ă propos de sujets simples : les mots accumulĂ©s dans lâesprit frappaient Ă la porte !
Ce dĂ©verrouillage est survenu par deux reprises de la maniĂšre suivante : mon professeur de thaĂŻ mâa posĂ© des questions usuelles auxquelles jâai rĂ©pondu, puis la discussion sâest approfondie, jusquâĂ ce que nous comparions les villes de Paris et Berlin â car il habite en Allemagne.
En suite de cela, une semaine plus tard, un ThaĂŻ rencontrĂ© sur Tandem mâa soudainement adressĂ© la parole uniquement en thaĂŻ, ne me laissant de choix que de parler en cette langue, ce qui sâest bien dĂ©roulĂ© Ă mon (trĂšs) grand Ă©tonnement. PrĂ©cisons Ă©videmment que les sujets abordĂ©s possĂ©daient des limites Ă la hauteur du temps passĂ© Ă apprendre.
Ces deux Ă©vĂšnements mâont dâautant plus motivĂ© que jâai dĂšs lors dĂ©cidĂ© dâapprendre au moins cinquante mots nouveaux par jour contre environ une trentaine auparavant de cela, me rendant Ă nouveau compte des bienfaits de lâapprentissage de nombreux vocables en contexte.
Jâai soudainement Ă©prouvĂ© une montĂ©e de confiance, et ai osĂ© mâexprimer avec davantage de spontanĂ©itĂ© lors des autres Ă©changes. Le vocabulaire me manquant toutefois souvent, les sujets abordĂ©s Ă©taient limitĂ©s, et je devais souvent mâinterrompre pour demander un mot ou le rechercher dans la base.
Nul doute : jâai continuĂ© Ă lire sur des sujets que jâaimais â jâavais dĂ©jĂ essayĂ© de lire la littĂ©rature, mais il Ă©tait encore trop tĂŽt ; patience donc car elle arrive deux mois plus tard ! â, recherchant toujours plus de sites en thaĂŻ, quĂȘtant pour Ă©couter des podcasts ou vidĂ©os YouTube intĂ©ressantes, tout en mâoccupant de la communautĂ© NicoDico et donnant des cours de chinois, japonais et corĂ©en.
QuatriĂšme mois (23 fĂ©vrier au 23 mars) : lâĂ©veil
Niveau B2 ; mots dans Anki : 629 + 931 + 1242 + 1230 = 4032
DĂšs le mois de mars, jâai rencontrĂ© de trĂšs gentils correspondants qui mâont aidĂ© presque tous les jours lorsquâils avaient du temps ; je parlais donc la langue environ deux Ă trois fois par jour.
Jâai dĂ©cidĂ© dâaborder des sujets de plus en plus complexes, tout en dĂ©couvrant de nouvelles chaĂźnes YouTube que je regardais toujours sans sous-titre, pour profiter dâune immersion totale et bĂ©nĂ©fique, mais aussi dĂ©velopper ma concentration, une capacitĂ© bienfaitrice que lâon tend Ă perdre de nos jours.
GrĂące Ă ces efforts journaliers et intensifs, je commençais Ă comprendre de mieux en mieux la conversation courante, et Ă comprendre dâaffilĂ©e des expressions et mots en contexte. NĂ©anmoins, lorsque certains locuteurs parlaient trop vite, mon oreille ne pouvait encore suivre.
Vers la fin du mois, jâai Ă©galement commencĂ© Ă employer un dictionnaire unilingue, car la plupart des mots du thaĂŻ et leurs nuances ne se traduisent que peu aisĂ©ment vers des langues indo-europĂ©ennes comme lâanglais ou le français. JâĂ©tais relativement surpris de pouvoir lire certaines dĂ©finitions sans rechercher de mots.
Jâai redoublĂ© dâefforts, sans abandonner : temps et persĂ©vĂ©rance portent la force !
CinquiĂšme mois (23 mars au 23 avril) : sortie des abysses
Niveau C1 ; mots dans Anki : 629 + 931 + 1242 + 1230 + 1357 = 5389
Cet avant-dernier mois se prĂ©senta ainsi quâune sortie des profondeurs : les cinq mois dâefforts continus et assidus avaient payĂ© ; aussi avais-je commencĂ© Ă pouvoir lire de nombreux textes avec fluiditĂ©, sans parfois rechercher de mots dans le dictionnaire.
Les mots et expressions qui me posaient problĂšme il y a quelques mois Ă©taient devenus si courants et journaliers que je pouvais amĂ©liorer ma comprĂ©hension globale dâun texte. Certains sites que je nâarrivais pas du tout Ă lire mâapparaissaient dĂ©sormais clairement et je pouvais cliquer en connaissance de cause.
Ăgalement vers ce mois-lĂ , grĂące Ă une pratique journaliĂšre via les podcasts, la musique et les Ă©changes, mon Ă©coute a bondi dâun coup ; jâai soudain entendu plus clairement ce que lâon me disait dans une conversation courante, ce qui mâa permis dâĂ©lever un peu le niveau de la conversation en parlant de sujets plus Ă©levĂ©s.
Je ne manquais bien Ă©videmment de mâaider de ma base de donnĂ©es Anki pour ĂȘtre sĂ»r de trouver le mot juste rapidement en pleine conversation ; voilĂ Ă©galement un bienfait dĂ©tournĂ© de ce logiciel, plutĂŽt que de rĂ©viser ses cartes de maniĂšre frĂ©nĂ©tique et insensĂ©e, sĂ»rement une erreur que jâai souvent commise par le passĂ©.
DĂšs lors, je nâai pas hĂ©sitĂ© Ă lire des articles complexes dâhistoire, dâanthropologie, des recherches, des observations de la sociĂ©tĂ©, mais Ă©galement la littĂ©rature, mon objectif en toute langue, car dĂ©tentrice de la quintessence de tout idiome.
Afin dâaborder de nombreux sujets, jâai Ă©galement lu un site encyclopĂ©dique, traitant de lâaviation, des Ă©toiles ou encore des animaux et bien dâautres domaines. Ce site prĂ©sentait, Ă chaque article, une section enfant, puis adulte ; jâai de ce fait lu les deux, lâenfant me permettant de consolider les bases et lâadulte Ă©tant plus coriace mais tout Ă fait bĂ©nĂ©fique.
AprĂšs avoir ajoutĂ© plus de 5500 mots dans Anki avec des phrases-exemples, les mots inconnus commençaient Ă se rarĂ©fier ; je gagnais en profondeur, comprenant rĂ©ellement en contexte certains mots Ă la traduction anglaise pareille mais Ă la nuance thaĂŻ nonpareille, approfondissant ainsi tout ce que je nâavais pas encore compris des bases du thaĂŻ. Jâai eu de nombreuses rĂ©vĂ©lations concernant des termes qui me semblaient opaques quelques mois plus tĂŽt.
DâaprĂšs la cartographie de la langue contemporaine rĂ©alisĂ©e cĂ©ans, les limites de la langue contemporaine orale semblent se situer en moyenne vers 3000 Ă 4000 mots et expressions en fonction des locuteurs, tandis que lâĂ©crite avoisine les 4000 Ă 6000 mots selon les rĂ©dacteurs, ces deux seuils divergeant selon la connaissance personnelle en langue de chaque natif. Dans le cas dâun apprentissage rĂ©gulier, ces mots se moissonnent vite, en quelques mois dĂ©jĂ .
Jâai Ă©galement commencĂ© Ă taper Ă lâaide du clavier thaĂŻ sur iPhone et ordinateur, une tĂąche fort ardue, mais qui conforte la pratique de lâĂ©criture, et active dâautant plus les mots rencontrĂ©s jusquâĂ lors. DĂšs ce moment-lĂ , je nâai plus une seule seconde hĂ©sitĂ© Ă multiplier les occasions dâĂ©crire en thaĂŻ, Ă©crivant expressĂ©ment davantage que ce que je nâeusse normalement dĂ».
Je nâai pas vraiment ressenti de progrĂšs fulgurants ni de dĂ©verrouillages spirituels ce mois-ci, si ce nâest un grand approfondissement bienfaiteur dans toutes les compĂ©tences.
Plus lâon sâachemine devers les arcanes dâune langue, plus celles-ci nous Ă©blouissent de toute leur splendeur et nous impressionnent de leur profondeur ; mais cet aveuglement nâest que temporaire pour qui mine journellement les galeries des langues.
SixiÚme mois (23 avril au 23 mai) : approfondissement holistique
Niveau C1 ; mots dans Anki : 629 + 931 + 1242 + 1230 + 1357 + 706 = 6115
Ce mois-ci, jâai dâautant plus ressenti les bienfaits de la mĂ©thode holistique qui ne nĂ©glige aucune compĂ©tence cependant quâelle immerge son utilisateur dans la langue toute entiĂšre dĂšs les premiĂšres secondes et crĂ©e une synergie mĂ©liorative.
Au mois de dĂ©cembre, je regardais la chaĂźne YouTube dâune ThaĂŻ vivant en CorĂ©e du Sud et cultivant paisiblement des lĂ©gumes dans une ferme de campagne ; je nâarrivais alors mĂȘme pas Ă en lire le titre ni les sous-titres, et ne comprenais que 20% des vidĂ©os ; dĂ©sormais jâen comprends 70% et peux suivre plus en dĂ©tail lâaction de chaque vidĂ©o aidĂ© des sous-titres ! Cela me semble trĂšs prometteur pour la suite.
Pour raconter au lecteur victoires mais aussi dĂ©faites dans lâapprentissage dâune langue, les premiers mois, je ne pouvais que rassembler en ma base de donnĂ©es les mots de maniĂšre imprĂ©cise, sans parfois vraiment savoir si leur sens Ă©tait bien traduit ou si jâavais choisi le mot juste ; je me suis donc Ă©vertuĂ© ce mois-ci Ă bien retransmettre les nuances des mots similaires dans leur traduction française, en mâaidant du dictionnaire unilingue et du contexte, ce qui a apportĂ© beaucoup de prĂ©cision ainsi quâapprofondi ma comprĂ©hension de la langue.
Cela mâa aussi aidĂ© Ă discriminer les registres des mots et expressions : argot, familier, neutre, soutenu, littĂ©raire. Comprendre ces catĂ©gories de mots permet de sâexprimer librement ainsi que de manier une langue vivante et imagĂ©e.
De plus en plus Ă©galement, lors des conversations, lorsque nous parlions anglais avec des amis thaĂŻs, jâarrivais Ă comprendre les mots quâils cherchaient Ă haute voix quand leur mĂ©moire leur faisait dĂ©faut ; je pouvais alors les aider comme ils mâavaient auparavant octroyĂ© leur aide dans lâoptique inverse. Certains semblaient mĂȘme tout Ă fait surpris que mon niveau en thaĂŻ eĂ»t soudainement dĂ©passĂ© leur niveau en anglais.
Ă lâinstar du mois prĂ©cĂ©dent, je nâai plus ressenti de profonds dĂ©verrouillages spirituels, mais plutĂŽt Ă©prouvĂ© la sensation que je gagnais en profondeur.
Il mâest nĂ©anmoins difficile de mesurer concrĂštement le nombre de mots appris ce mois-ci, car jâai plutĂŽt jouĂ© sur la profondeur, en comprenant plus en dĂ©tail les synonymes et expressions, et rajoutant des mots similaires dans les mĂȘmes entrĂ©es. Estimons donc les nouveaux mots Ă prĂšs de 1000 (nouvelles entrĂ©es) et environ 300-500 synonymes rajoutĂ©s dans des cartes similaires.
Ainsi, dâĂ©checs en victoires, de victoires en Ă©checs, tirant profit de la frustration et apprenant de ses erreurs, le lecteur aura bien entendu quâune langue ne sâapprend quâĂ travers force patience, persĂ©vĂ©rance et dĂ©termination, dâautant plus lorsquâil sâagit de mots non indo-europĂ©ens.
Parler avec les ThaĂŻs
Avant dâapprendre le thaĂŻ, je nâavais sans doute jamais vraiment parlĂ© avec ses locuteurs, et ne connaissais rien Ă la ThaĂŻlande, hormis le fait que câĂ©tait un haut lieu de villĂ©giature pour des EuropĂ©ens la plupart du temps fortunĂ©s (et malheureusement pĂ©nibles).
En apprenant lâidiome local, je me suis rendu compte que les ThaĂŻs Ă©taient dâune grande gentillesse, toujours prĂȘts Ă aider et Ă lâĂ©coute, mĂȘme lorsque jâarticulais avec les plus grandes peines des phrases en cette langue, avec le pire des accents.
Sur Tandem, je dois avoir contactĂ© environ une centaine de personnes, soit deux ou trois par jour, jusquâĂ atteindre saturation. Notre monde nâĂ©tant point toujours idĂ©al, environ 10% de ces personnes se sont montrĂ©es fort peu sympathiques, parlant sans cesse en anglais sans mâaider en thaĂŻ, ou bien ne souhaitant en fait pas me porter secours et se taisant presque lorsque lâon parlait thaĂŻ. Lâapprentissage mutuel et lâentraide sont un jeu rĂ©ciproque qui nĂ©cessite patience et bienveillance.
Fort heureusement, cette engeance ne reprĂ©sentait que 10% des gens, soit quelques rares personnes, le reste Ă©tant si bienveillant, dĂ©vouĂ© et agrĂ©able que certains sont devenus de trĂšs bons amis. Je nâoublierai jamais ceux qui ont pris le temps de parler plusieurs heures avec moi, ou qui mâont aidĂ© dĂšs le dĂ©but, mĂȘme si jâĂ©prouvais les pires difficultĂ©s, mâexprimant avec des tons tout Ă fait incorrects.
Certains prenaient mĂȘme de leur temps personnel tard le soir, ou bien aprĂšs le travail ; dâautres ne souhaitaient mĂȘme pas parler anglais ou français mĂȘme aprĂšs avoir insistĂ©, leur souhait principal Ă©tant de mâaider en thaĂŻ uniquement, une chance inouĂŻe il faut le dire. Â
Au dĂ©but, je ne pouvais pas vraiment discuter, mais au fil des semaines et des mois, je commençais Ă pouvoir causer â le vrai intĂ©rĂȘt dâune langue ! â, et chaque semaine dĂšs la fin du mois de mars, avec les plus bavards, nous discutions entre 1h30 et 2h en anglais-français et thaĂŻ.
Chose Ă©trange, certains ont tout simplement disparu sans laisser de trace aprĂšs un ou deux Ă©changes, ne rĂ©pondant ni sur Tandem, Skype ou Messenger. Il va sans dire que dâautres â quoique cela sâapplique Ă toutes les langues â nâĂ©taient pas assez assidus ni diligents que pour Ă©changer chaque semaine et ont vite baissĂ© les bras, oubliant les Ă©changes ou disparaissant bien vite.
Quant aux observations purement linguistiques, jâai remarquĂ© que les ThaĂŻs maintenaient une forme de rhotacisme ancestral, soit une difficultĂ© gĂ©nĂ©rale Ă prononcer les « r » en fin de mot, ce qui Ă©taie parfaitement la thĂ©orie prĂŽnant une origine commune au chinois et au thaĂŻ, puisque le transhimalayen a dĂ©rivĂ© du borĂ©en local, en aplanissant les « r » finaux en « n », comme expliquĂ© ici. Le thaĂŻ conserve cette habitude langagiĂšre ancestrale, aussi bien pour des mots natifs que dâautres Ă©trangers provenant du sanscrit ou du pali, deux langues indo-europĂ©ennes. Â
Les ThaĂŻs sont ainsi des Eurasiatiques de lâEst (sud-est) parlant une langue austroasiatique de mĂȘme origine que le transhimalayen (chinois) mais employant de trĂšs nombreux vocables indo-europĂ©ens (sanscrit, pali) dĂ» Ă lâinfluence du bouddhisme. Ce mĂ©lange linguistique fortuit ressemble fortement aux pĂ©ninsulaires corĂ©ens qui parlent une langue transeurasienne (le corĂ©en sud et nord) mais font usage dâenviron 60% de vocables chinois ou sino-corĂ©anisĂ©s dĂ» Ă lâinfluence persistante et ancestrale de la Chine.
Jâadore dĂ©sormais la langue thaĂŻ, une vraie dĂ©couverte qui mâa dessillĂ© les yeux sur cette partie du monde, ses heurs et ses malheurs. Mais le lecteur devra toutefois Ă©viter de sâimaginer quâaprĂšs seulement six mois, jâeusse « maĂźtrisé » cette langue : malgrĂ© tous ces efforts, il me semble nâen possĂ©der encore et toujours quâune connaissance superficielle.
Conclu-discussion
MĂ©connaissant complĂštement au dĂ©but la langue et pouvant en six mois, lire nâimporte quel texte en thaĂŻ et discuter avec les gens Ă propos de trĂšs nombreux sujets, cette avancĂ©e semble augurer un dĂ©but fort prometteur.
La mĂ©thode holistique combinant chaque jour la pratique des quatre compĂ©tences sus-citĂ©es engendre une synergie mĂ©liorative qui requiert environ un mois pour se crĂ©er, mais qui, une fois en place, Ă©lĂšve le niveau de lâapprenant chaque mois.
De certaines personnes considĂ©reraient cette avancĂ©e de zĂ©ro Ă C1 comme une victoire, car elles auraient dĂ©sormais « parlĂ© couramment » ou « maĂźtrisé » la langue et sâempresseraient alors de publier une vidĂ©o bien vite compilĂ©e sur leur chaĂźne YouTube ou encore une publication triomphante sur Instagram.
Or, cette pensĂ©e semble tout Ă fait primesautiĂšre, reflĂ©tant bien lâego indo-europĂ©en qui domine une grande partie du monde ; cette hĂ©gĂ©monie langagiĂšre et culturelle semble tout aussi terrible que les apprenants qui sâimaginent que rĂ©ussir le plus haut niveau du JLPT, TOPIK, HSK prouverait un certain niveau.
HĂ©las, ce nâest guĂšre le cas : aprĂšs avoir atteint le niveau avancĂ©, soit une grande aisance dans toutes les compĂ©tences, le vrai apprentissage dĂ©bute dĂ©sormais !
Je vais dorĂ©navant mâĂ©vertuer Ă lire rĂ©guliĂšrement le thaĂŻ, discuter chaque semaine avec mes amis natifs et tenter dâatteindre autant de profondeur que les autres langues, en sondant chaque vocable, la culture, lâhistoire, tout en amĂ©liorant mes phrases, ma prononciation et surtout mes tons.
Il sâagit dâores de rĂ©aliser un travail sur le trĂšs long terme afin dâenseigner sĂ»rement cette langue dans plusieurs annĂ©es, rĂ©ellement lâuser Ă bon escient et possĂ©der autant, si ce nâest davantage, de connaissances que la plupart des natifs.
Au cours de cette aventure, jâai en outre remarquĂ© que si lâon lisait dâordinaire de nombreux livres et avait lâhabitude de lire et dâĂ©crire, cette compĂ©tence sâamĂ©liorait fort vite, eĂ»t-on toutefois possĂ©dĂ© les mots en langue cible. Je pratique en effet presque tous les jours depuis dix ans mon Ă©criture et lis chaque jour depuis prĂšs de vingt ans des livres en toute langue ; ces habitudes littĂ©raires affectent de maniĂšre sensible lâapprentissage dâune nouvelle langue, quelle que fĂ»t sa famille linguistique.
Une derniĂšre observation pour rassurer le lecteur : lâoral et lâĂ©coute Ă©tant les compĂ©tences les plus locales et diffĂ©rentes de notre langue maternelle, celles-ci demandent un temps considĂ©rable et un apprentissage dâune plus grande profondeur. Six mois ne suffisent que de justesse pour atteindre un niveau jugĂ© « élevé » par beaucoup, et qui permet de communiquer avec relativement dâaise.
Mon niveau actuel doit par consĂ©quent se situer entre les standards C1-C2 pour la lecture et lâĂ©criture, mais seulement vers B2 pour lâĂ©coute et lâoral ; considĂ©rons de ce fait le niveau gĂ©nĂ©ral devers C1.
En guise de comparaison, ignorant antan l’efficacitĂ© extrĂȘme de cette mĂ©thode et apprenant parfois convenablement parfois de la plus pĂ©nible maniĂšre, j’ai atteint le mĂȘme niveau en chinois, japonais et corĂ©en en un an et demi voire deux ans.
Mais tout ne fait Ă prĂ©sentâŠque commencer !