L’art est écriture, l’écriture est art ; le tout est art-écriture
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Tout le long de cet article, l’écriture sera désignée par le vocable « art-écriture », plus représentatif de son essence avant qu’elle ne se scinde en « art » et « écriture » vers la fin du Néolithique.
Cette essence, elle l’adirera à jamais dans de nombreuses écritures natives.
Préambule
Il a toujours été aisé de présenter l’histoire de manière linéaire et hermétique : les langues apparaissent soudain au Néolithique, le chien domestique descend directement du loup, le chat a été domestiqué pour la première fois par les Égyptiens, l’art paléolithique n’est qu’art pour l’art et apparaît en Europe, et l’écriture apparaît soudainement en Mésopotamie et en Égypte vers -3500 ou -3000.
Tout comme le langage, dont on peut entrevoir les prémices à l’apparition progressive du genre Homo il y a environ 2 millions d’années, voire de ses prédécesseurs, et sa lente évolution jusqu’à nos temps, l’art-écriture parcourt un long chemin.
Elle évolue de manière concomitante à la langue et ses mœurs : de rocailles en coquillages, de parois en calames, elle permet de garder une trace de la langue orale que l‘on souhaite transmettre à la génération prochaine.
Si nous pensons au concept contemporain de l’écriture, le plus souvent des lettres formant des phrases écrites sur un support quelconque, il sera difficile de se projeter plus loin que l’Âge du Bronze voire le Néolithique. Ce schéma archaïque et trop fortuit de l’apparition soudaine de l’écriture perdure toutefois éternellement, limitant les esprits verts mais aussi plus chenus. Cet article rompra avec ces traditions et croyances limitantes pour s’essorer vers les véritables sphères de l’art-écriture.
Ainsi, si l’on se questionne sur la perception de l’art-écriture par les hommes du Paléolithique, qui serait peut-être comme une griffade sur une paroi rocheuse ou un coquillage, ou encore un récit pariétal, notre vision peut cette fois se porter aux origines les plus lointaines de l’art-écriture.
Nous en comprendrons alors la lente évolution, fortement liée au changement des mentalités et aux vicissitudes du temps, incluant notamment les migrations humaines, l’évolution de la technologie et les métamorphoses du paléoclimat.
En guise d’exemple, un homme du Paléolithique n’eût sûrement guère considéré l’écriture moderne comme telle car elle n’eût répondu à sa vision du monde. À l’inverse, un homme du Néolithique n’eût point considéré les peintures rupestres et autres signes du Paléolithique comme véritable écriture, désormais qu’il demeure en des lieux autres que des grottes et commence à inventer des signes natifs distincts pour garder des traces écrites plus précises de la langue orale.
Il n’existe ainsi guère qu’une seule forme d’écriture, un vocable qui à l’époque actuelle se voit peinturluré de visions étroites et presque dogmatiques. Cette façon d’archiver la langue orale par l’écrit n’a évolué de manière rectiligne que dans l’esprit de certains qui ont désappris à chercher pour se contenter de l’existant.
L’art-écriture semble au contraire fortement lié à son évolution accrue et expédiente au Néolithique ; mais il ne semblait guère présenter la même essence au Paléolithique ni au Mésolithique.
L’art-écriture se transmue, de manière non uniforme et non rectiligne, au cours d’une lente évolution débutant par des gravures et griffades anciennes, puis de splendides scènes pariétales du Paléolithique mais aussi maints autres signes et symboles que notre esprit d’Homo sapiens contemporain nous empêche le plus souvent de comprendre comme écriture et dont on ne saisira probablement jamais le sens véritable.
Dès le Néolithique (environ -6000), ces formes ancestrales de l’art-écriture iront se transformer, parmi des centaines d’autres exemples probants d’art-écritures natifs, en alphabets et écritures mi-phonétiques mi-sémantiques et s’adéquater aux langues indo-européennes, en sinogrammes pour le chinois, puis, à l’époque médiévale, en kana pour le japonais et à l’époque moderne en hangul pour le coréen.
L’auteur ne peut ici que citer quelques exemples épars de la foisonnante diversité des (art-)écritures du monde, qui témoignent d’adaptations locales et conformes aux langues et locuteurs d’un certain endroit de la Terre.
Ces écritures natives viennent se jouxter au développement des langues depuis le Paléolithique inférieur jusqu’à nos temps durant environ 3.3 millions d’années ; elles passeront notamment par les différentes formes de la langue boréenne, l’ancêtre de toutes les langues de l’hémisphère nord, et subiront un phénomène de nativisation idoine aux langues et à leur écriture.
Quelques définitions
Écriture (Littré) :
« Ce qui est écrit. » « L’art d’écrire ; reproduction de la parole par des lettres. »
Lettre (Littré) :
« Chaque caractère de l’alphabet. »
Caractère (Littré) :
« Signe tracé ou écrit. »
Malgré le grand respect témoigné à Émile Littré, la définition de l’écriture à l’européenne en propose une version totalement arbitraire qui ne s’adéquate guère aux écritures non européennes et semble ainsi se cantonner aux écritures natives (indo-)européennes.
En chinois, japonais et coréen, nous lisons, tout en constatant l’absence d’un mot équivalant à « écriture » :
우리말샘 (글 (écrit ; lettre)) :
말을 적는 일정한 체계의 부호.
(Signe médiateur défini pour écrire les mots)
コトバンク (文字 (lettre)) :
言葉を表記するために社会習慣として用いられる記号。
(Signes employés par habitude sociétale pour écrire les mots)
Zdic (文字 (lettre)) :
记录语言的符号,如汉字、拉丁字母。
(Symboles servant à écrire les langues, comme les sinogrammes ou les lettres latines)
Après avoir pris connaissance de ces différentes définitions, il convient désormais de redéfinir le mot « (art-)écriture », pour qu’il reflète davantage une essence mutable, et non une pâle vision (indo-)européenne de ce qu’il semblerait être :
« Ensemble des signes, gravures, représentations artistiques et symboles employés pour garder une trace écrite de la langue orale, et évoluant selon les besoins du temps. »
Cette définition permet de diluer la vision uniforme et archaïque européeano-américaine prônant avec acharnement que l’écriture apparaît soudainement en Mésopotamie et en Égypte vers -3500 ou -3000.
Certains hommes du passé, qui plus est (indo-)européens, insinuaient déjà fortement que l’écriture moderne pouvait provenir de formes d’écritures paléolithiques :
I) Édouard Piette, « Les écritures de l’âge glyptique » (1905) :
[…] les caractères sont choses de convention ; au lieu d’être des images simplifiées, ils peuvent avoir été dès le début des figures formées de lignes géométriques. […]
II) Jacques de Morgan, « L’humanité préhistorique : esquisse de préhistoire générale… » (1921)
[…] Quand l’homme fut sorti de la vie uniquement matérielle, dès que son esprit s’affina quelque peu, il éprouva le besoin de fixer sa pensée, afin de la pouvoir transmettre par des signes intelligibles pour tous ; et le premier moyen qu’il trouva fut de représenter par le dessin les idées simples qu’il concevait. […]
III) Docteur A. Morlet, « Origines de l’écriture » (1955) :
L’hypothèse d’une origine hiéroglyphique des écritures a été calquée beaucoup trop théoriquement sur le mode égyptien. […]
Une vision boréenne de l’art-écriture
Le boréen (environ -300 000 à -10 000), l’ancêtre de toutes les langues de l’hémisphère nord, est la langue d’Homo sapiens, soit l’idiome de nos ancêtres, dont l’auteur dresse les contours dans cet article et qu’il peaufine dans le présent document.
À cette langue se sont sûrement confondus des bribes, fragments ou autres patrons linguistiques d’autres représentants du genre Homo qu’aura côtoyés Homo sapiens ou bien avec lesquels il se sera accouplé durant le laps de temps de leur histoire commune, soit au moins plusieurs milliers d’années.
Les mots boréens « brosse », « écrire » et « ocre » ci-dessous corroborent la théorie soutenant que l’écriture appartient premièrement à un ensemble de signes et symboles principalement gravés sur divers supports comme la roche, les coquillages ou encore le bois.
Les racines de ces mots témoignent de l’état d’esprit de leurs locuteurs, nos ancêtres, principalement Homo sapiens, lors de leurs représentations graphiques : des signes et symboles gravés à l’aide d’un outil pointu.
Mot (entrée) | Proto-boréen (moyen-supérieur) (environ -60 000 | -30 000 à -10 000) | Proto-indo-européen (environ -10 000 à -3500) | Proto-transeurasien (environ -15 000 à -6000) | Proto-sino-tibétain (environ -10 000 à -6000) | Chinois archaïque (environ 2200 à 300) et médieval (600 à 1300) | Chinois mandarin (à partir de 1918) | Proto-coréen-japonais (environ -3500) | Japonais contemporain (vers 1900) | Coréen contemporain (vers 1900) |
324) écrire (to write) | *« kira » (gratter (pour délimiter les contours)) et ( ?) (racine très irrégulière, contaminée par plusieurs étymons) | *(s)kreybʰ- (déchirer, griffer : écrire) et *wreyd- (graver, contourner : to write) | *« kirka » (gratter) et *« piuso » (signe, gravure) | *« krek, grek » 畫 et 劃 (délimiter ; gratter) Cognat avec 紀 (inscrire) et *« s(t)a » (書) (écrire) d’où 寫 (écrire) | /*ɡʷreːɡ/ /*ɡʷˤrek/ /ɦˠwɛk̚/ (畫 et 劃) et /*hlja/ /*s-ta/ /ɕɨʌ/ (書) | 畫 et 劃 [huà] 書 [shū] | *« ka(l)k » et *« pseu » (perdu en japonais) | kaku (かく | 書く) (écrire) et ( ?) | kalkda 갉다 ou 긁다 (gratter) et sseuda 쓰다 (écrire) |
325) brosse (brush) | *« bret ; pret » | *bʰers- (sommet, pointe : brosse, brush) | *« pudye » (possible emprunt au chinois) | *mrut, brut ou *b-rəj (dessiner ; délimiter)聿 qui donne 筆 (brosse) Cognat avec 理 (couper le jade ; délimiter) | /*b·lud/ /*[N.]rut/, /*[m-]rut/ /jiuɪt̚/ (聿) | 聿 [yù] | *« pud(e) » | fude (ふで | 筆) (brosse) | but 붓 (brosse) |
326) ocre | *« guaja » | *gʰer- (jaune, orange : ocre) | *« kio(j)bu » (pâle) et *« bena » ou « pona » (argile rouge) | *hwaŋ ou *qhʷā (-ŋ) (briller, jaune) (黃) 赭 (ocre) *t(i)ă(H) ( / *taj(H)) cognat avec *(m)ƛă(j) (地) (terre ; sol) et *tă(j) (土) (soil ; earth) | /*ɡʷaːŋ/ /*N-kʷˤaŋ/ /ɦwɑŋ/ (黃) | 黃 [huáng] | *« kwu(ri) » et *« pani » (perdu en coréen) | ki (き | 黄) (jaune) et hani (はに | 埴) (argile rouge) | kuri 구리 (cuivre) koguryeo ancien 桂婁 (계루) (jaune) et ( ?) |
Notons également que le mot « signe » provient de la racine *sek- (couper) en proto-indo-européen, et que sa logique semble identique au sinogramme 理 qui possède les nuances de « couper le jade » et « délimiter les choses ».
Quant au suffixe « glyph(e) » signifiant « (art-)écriture gravé(e) », il provient de l’indo-européen *glewbʰ- (séparer ; graver), qui possède la forte nuance de « graver quelque chose à l’aide d’un objet pointu », comme en témoignent les mots « to cleave » en anglais et « cliver » en français qui descendent de cette racine.
En indo-européen, à nouveau, la racine *gʰer- (jaune, orange : ocre) semble se rattacher à la nuance de « grattement » ou « frottement », probablement car on frottait une pierre pour en obtenir un pigment minéral tel que l’ocre, l’une des premières peintures de l’humanité.
Le mot « art » provient de l’indo-européen *h₂er- qui signifie « joindre », soit le fait de combiner diverses représentations (glyphiques) pour en obtenir un art, « l’art-écriture ».
Quant au mot « art » en sino-tibétain, qui s’écrit à notre époque 藝術 [yìshù] et s’utilise à présent en coréen et japonais également, il semblait autrefois séparé en deux racines : 藝 (art) et 術 (technique).
Ces deux sinogrammes présentent une personne plantant un arbre (藝) ou du millet glutineux (術), dont le sens de « planter » a dérivé en « compétence (requise pour planter) », puis en « compétence » et enfin en « art ». Le fait de pouvoir planter un arbre ou des céréales et leur permettre de croître semblait une compétence remarquable, donnant naissance au concept d’art.
L’art-écriture est-asiatique stricto sensu ne possède ainsi guère la même essence que son homonyme indo-européen ; il s’agit d’un autre reflet de la psyché propre aux homininés est-asiatiques et de leur vision de l’art-écriture.
En transeurasien, également, l’ancêtre du coréen, japonais, turc, tongouse et mongol, les racines pour la couleur « jaune » semblent relativement proches d’autres racines désignant un frottement ou grattement : *« kio(j)bu » (pâle), *« bena » ou « pona » (argile rouge), *p῾ajo (frotter, enlever), *piopo (couper, frotter) ou encore *kelco (gratter, frotter).
Une brève histoire du genre Homo (revisitée)
Les connaissances actuelles ont permis d’affiner les appellations employées pour désigner les grands singes et les hommes du Paléolithique ; aussi utilisera-t-on « hominidé » comme appellation générale des grands singes et des espèces prédatant le genre Homo puis « homininé » pour désigner le genre Homo.
Les hominidés se séparent de leur cousin chimpanzé vers 7-6 millions d’années, pour évoluer en préhumains, de manière non linéaire en divers endroits du continent africain.
De ces hominidés de haute ancestralité descendent, bien avant le genre Homo, les australopithèques (2.5 millions d’années), nos lointains cousins qui ont évolué sur le continent africain et semblaient déjà maîtriser la fabrication d’outils lithiques.
Cette maîtrise de l’outillage laisse supposer une possible forme de proto-langue archaïque, permettant de transmettre ce savoir ancestral voire de possibles échanges techno-culturels entre communautés. Le genre Homo semble avoir dérivé de ces espèces archaïques il y a environ 2 millions d’années ; et il est désormais caractérisé par sa bipédie stricte, la taille de son cerveau et son comportement. Malgré ces critères et les diverses définitions qui existent, même les plus grands chercheurs semblent hésiter quant à ce qui nous caractérise en tant qu’humains.
Il ne faudrait en outre interpréter le genre Homo comme un homininé tout-puissant, car lui-même, nous-mêmes Homo sapiens, une partie de cette descendance encore vivante, sommes issus de croisements ethniques entre divers homininés connus et inconnus et d’une lente évolution de notre genre pendant des centaines de milliers d’années.
Le lecteur ne devrait guère plus fantasier en son esprit une histoire de l’Humanité linéaire au fil de laquelle tous les homininés se succèdent les uns après les autres et proviennent d’une seule espèce ancestrale.
La diversité humaine du Paléolithique était bien plus complexe que cela ; aussi les continents africain et eurasien semblaient-ils peuplés de davantage de cultures d’homininés ayant permis d’engendrer la richesse culturelle et cognitive actuelle, probablement pour des raisons climatiques et sociales mais aussi proprement humaines, comprenant la curiosité.
Les homininés, connus et inconnus, habitant diverses régions de l’Eurasie allant des îles indonésiennes jusqu’aux confins de l’Europe actuelle ou de la Sibérie, semblent par surcroît s’être mélangés entre eux avant l’arrivée d’Homo sapiens. Ces accouplements ancestraux compliquent davantage l’histoire d’une humanité qui ne semble guère plus aussi rectiligne que les théories d’autrefois le souhaitaient.
Homo erectus était l’un des premiers homininés du genre Homo à quitter l’Afrique au sens strict. Il explora le continent eurasien, aux environs de 1.8 à 1.6 millions d’années, et l’on retrouve ses traces en Asie et en Europe principalement, mais aussi au cœur de certaines îles indonésiennes.
Il sera intéressant d’observer qu’Homo erectus signifie « homme droit | debout », et que son nom, influencé par le boréen *« treka » (droit) pourrait receler des traces de sa propre langue en boréen, étant donné qu’on ne sait à quel point les langues d’homininés archaïques ont influencé le boréen et qu’Homo sapiens et erectus ont vécu à la même période durant plusieurs centaines de milliers d’années (environ -300 000 à -100 000).
Cette courte révélation soulève une question fort intriquée : comment Homo erectus s’appelait-il lui-même ?
On peut notamment suivre les traces d’Homo erectus jusqu’en Asie de l’Est jusqu’au bassin de Nihewan (Hebei, Chine) dont la multitude de cultures paléolithiques témoigne d’une occupation entre 1.7 à 1.1 millions d’années, sans toutefois présenter d’ossements humains.
À Java, on a retrouvé des os remontant à près de 1.5 millions d’années, et appartenant probablement à Homo erectus.
À Atapuerca dans le nord de l’Espagne, une mandibule de cette espèce du genre Homo lui a appartenu il y a près de 1.3 millions d’années.
Dans la grotte de Zhoukoudian (non loin de Pékin) en Chine, on trouve cette fois des ossements datant d’environ 400 000 ans. Étonnamment, cette grotte, et sa voisine de Tianyuan recelaient également des ossements d’humains récents, appartenant à une population d’Homo sapiens remontant à -45-40 000, et présentant des traits génétiques similaires aux Asiatiques de l’Est actuels et populations natives américaines (locuteurs du déné-daïque, une branche précoce du boréen).
La langue d’Homo erectus a par conséquent dû exister en sons et patrons linguistiques simples car migrations et adaptations hors du continent africain, à travers le vaste territoire de l’Eurasie requièrent une certaine coordination, d’où une forme supposée de langue archaïque.
Certains chercheurs remarquent avec précision que la transmission du savoir permettant la taille des outils lithiques a dû nécessiter un idiome quelconque.
Homo erectus a disparu vers -400 000 ou -100 000 pour quelques individus isolés et résilients et a été suivi par Homo sapiens (-300 000 à notre ère), Néandertal et Dénisovien ainsi que d’autres homininés qui nous sont connus de la génétique seule, et dits « populations fantômes ».
Néandertal, notre cousin du genre Homo, semblait demeurer dans de vastes régions de l’Eurasie, s’étendant de l’Europe à l’Asie de l’Est jusqu’au sud de la Sibérie voire même du sud du Moyen-Orient ; tandis que Dénisovien, son cousin, semblait peupler une vaste région de l’Asie de l’Est à l’Asie du Sud-Est.
Cette étendue territoriale fortement asiatique doit se rapprocher des populations actuelles vivant dans ces lieux et portant davantage de gènes de ces deux homininés (mais aussi d’autres populations encore non identifiées par l’archéologie mais détectées par la génétique) que les populations européennes, et cela depuis la scission des populations européennes et asiatiques vers -40 000 avant notre ère.
On estime l’origine de ces deux populations homininées importantes vers -800-600 000, dérivant (au moins d’un) de leur ancêtre Homo heidelbergensis, et qui se sont séparées l’une de l’autre vers -400 000 (Néandersovan), jusqu’à leur chute aux environs de -40-30 000, à l’arrivée d’Homo sapiens.
La génétique nous permet depuis une dizaine d’années de savoir qu’Homo sapiens s’est accouplé avec au moins deux des populations archaïques qui demeuraient en Eurasie, et dont il a hérité certains avantages.
Dénisovien et Néandertal eux-mêmes, auraient pu s’accoupler avec des populations d’Homo erectus ou Homo heidelbergensis voire d’autres homininés qui nous sont présentement inconnus mais demeurent présents dans les gènes.
Il sera intéressant de noter que Dénisovien nous est seulement connu par une phalange et trois dents fossiles retrouvées parmi d’autres objets de cette espèce homininée dans la grotte de Denisova (Sibérie méridionale), comprise dans un site ayant abrité Néandertal de l’Altaï et Dénisovien aux environs de -200 000 à -50 000.
L’archéologie et la génétique actuelles nous aident désormais à déterminer son identité avec plus de précision, principalement par comparaison et triangulation de domaines. Déjà au sein du genre Homo, les dents présentent des différences cruciales qui aident à déterminer leur appartenance à une espèce existante ou encore inconnue.
Homo sapiens, l’espèce la plus connue du genre Homo, et la nôtre, a commencé à s’aventurer sur le continent africain vers -300-100 000, mais vers -100-60 000 en dehors de ses frontières naturelles, probablement au travers de plusieurs migrations de l’Afrique sub-saharienne dues à des changements climatiques comme des sécheresses extrêmes, mais aussi par un très probable facteur de curiosité, grand moteur de l’humanité.
Cette espèce, qui est maintenant principalement la nôtre, a prévalu sur d’autres comme Néandertal ou Dénisovien et d’autres homininés qui demeurent encore mussés dans les limbes de l’histoire.
Certaines théories maintenant dépassées prônaient qu’Homo sapiens avait contribué, en les massacrant, à la chute des autres espèces du genre Homo, telles que Néandertal et Dénisovien, qui ont trépassé vers -40-30 000.
Il semble néanmoins plus probable que ces deux dernières espèces se soient révélées incapables de s’adapter au paléoclimat changeant de la Terre, ou encore que les animaux qu’elles chassaient pour leur subsistance aient disparu ; mais la raison principale semble résider en la sélection naturelle, le caractère épars de leurs populations et Homo sapiens dont l’apparence en Eurasie coïncide vers -50-40 000 avec le déclin des deux autres par sélection naturelle. Il faudra toutefois noter les contributions génétiques, et probablement linguistiques, de ces peuplades archaïques à Homo sapiens, et qui sont expliquées ci-dessous.
Homo sapiens a ainsi été l’espèce qui a survécu et s’est imposée sur les autres jusqu’à l’ère contemporaine. Comme précédemment mentionné, la génétique nous permet à présent de savoir qu’il s’est reproduit avec d’autres espèces telles que Néandertal ou Dénisovien, voire même d’autres qui nous sont encore inconnues faute d’ossements mais révélées par les travaux de la génétique.
Ces mâtinages archaïques, ayant notamment pris place durant au moins 5000 ans d’histoire commune de Néandertal, Dénisovien et d’Homo sapiens, se perçoivent encore dans nos gènes ; car les populations eurasiennes possèdent entre 4-6% de gènes de Néandertal et celles de l’Asie du Sud-Est et océaniennes, quelques infimes pourcentages de Dénisovien, de l’ordre de 2 à 5%.
Les découvertes de fossiles de ces homininés du genre Homo autres qu’Homo sapiens semblent néanmoins limitées en Asie car la fossilisation s’avère plus difficile à cause du climat tropical sud-asiatique, ou encore des ères glaciaires du quaternaire (période géologique) ayant affecté l’Asie de l’Est entre -100 000 et -50 000.
Les Dénisoviens possèdent une mutation génétique qui diminue leur taux d’hémoglobine et leur permet de se mouvoir avec aisance dans les hautes montagnes comme l’Himalaya.
Ce gène ayant par la suite été transmis à Homo sapiens, lors d’hybridations au moins aux environs de -40 000, dont la descendance locale a entre autres engendré les ancêtres des locuteurs du sino-caucasien puis sino-tibétain demeurant en partie dans le bassin du fleuve Jaune, et en partie dans les montagnes de l’Himalaya pour les populations isolées, il faudrait considérer davantage la contribution génétique et linguistique des Dénisoviens.
Tout particulièrement auprès des populations natives himalayennes prédatant l’arrivée des locuteurs du sino-tibétain vers -6000 lors du développement et de la propagation de l’agriculture (riz, millet).
La question suivante semble donc se poser : quel est le pourcentage des contributions linguistiques des Dénisoviens auprès des locuteurs du sino-tibétain (et sino-caucasien) qui ont quitté le bassin du fleuve Jaune pour s’exiler dans les hautes montagnes de l’Himalaya ; et qu’en est-il exactement de celle des locuteurs du sino-tibétain demeurés dans ledit bassin ?
Néandertal semble lui aussi être venu indirectement en aide aux Homo sapiens car son gène produisant la kératine a protégé ces derniers des basses températures du paléoclimat du Paléolithique supérieur, après avoir été transmis par hybridation. Sa couleur de peau, influencée par les mêmes climats froids eurasiatiques, semble également avoir influé fortement sur celle des Européens actuels.
Il ne faudrait non plus oublier l’héritage du système immunitaire des Dénisoviens ou Néandertaliens qui s’étaient adaptés aux maladies locales durant plusieurs centaines de milliers d’années avant Homo sapiens qui a en bénéficié grâce aux hybridations.
En revanche, dans l’optique inverse, certaines maladies actuelles ou propensions à celles-ci semblent liées à ces homininés antérieurs aux Homo sapiens.
Quant à la linguistique, le boréen, semblait être la langue principale d’Homo sapiens. Cet idiome séculaire devait servir à communiquer et assurer entre autres le succès des migrations et adaptations sur Terre ; mais il demeure difficile de déterminer avec précision combien de formes de boréen étaient réellement parlées dû à un manque cruel de données sur le sujet.
On supposera, au vu de la stabilité des racines en proto-langues et des mots boréens reconstruits, que les variantes locales du boréen ne devaient varier que légèrement, à l’instar du chinois de Chine et de Taïwan, ou de l’anglais d’Angleterre et des États-Unis.
À présent, il semble possible de reconstruire une seule forme de boréen, le boréen moyen-supérieur (environ -60 000 à -10 000), en comparant entre elles les proto-langues et en analysant avec précision la sémantique et la phonétique des racines. Les racines boréennes peuvent cependant témoigner de profondes scissions linguistiques dans les mots basaux, ainsi qu’expliqué dans cet article.
Compte tenu de l’admixtion d’Homo sapiens à d’autres espèces connues et inconnues et de la continuité des langues humaines depuis le Paléolithique inférieur, les formes du boréen parlées de par l’Eurasie doivent avoir consisté en un mélange, peu ou prou homogène, de langues ancestrales des ancêtres d’Homo sapiens incluant des patrons de la langue du vénérable Homo erectus mais aussi probablement quelques fragments des idiomes de Néandertal et Dénisovien, ainsi que d’autres homininés dont on n’aurait encore décelé de traces autres que génétiques.
Quoique la quantité exacte de ce mélange linguistique soit désormais quasiment impossible à déterminer avec précision, on pourrait conjecturer qu’au moins quelques mots ou patrons linguistiques des ancêtres d’Homo sapiens se retrouvent en boréen qui nous a été transmis oralement jusqu’à l’invention de l’écriture, stricto sensu, notamment des langues indo-européennes et afro-asiatiques vers -3500 ou encore au moins vers -6-5 000 en Chine si l’on considère les signes néolithiques chinois. L’écriture nous a permis de spécifier et d’enregistrer les contours des langues, et a eu pour rôle d’empêcher la disparition des mots mais aussi d’assurer une meilleure transmission des traditions.
Nonobstant les sorties d’Homo sapiens d’Afrique vers -300-100 000, il ne s’est répandu sur Terre qu’aux environs de -60-40 000, d’où une probable stabilité dans sa ou ses langue(s) et mouvements avant cette époque, comme précédemment expliqué.
Homo sapiens a atteint l’Asie de l’Est au moins aux environs de -40 000 par des routes septentrionales et méridionales détaillées dans cet article, et via lesquelles il a pu rencontrer une espèce séculaire de Néandertal de l’Altaï et de Dénisovien, ainsi que d’autres hommes préhistoriques encore non recensés de l’archéologie mais détectés dans les gènes.
On peut par conséquent supposer qu’avant qu’Homo sapiens ne s’aventurât sur Terre, il parlait (au moins) une forme ancienne de boréen, le boréen supérieur (vers -300 000 à -100 000), ensuite alors qu’il s’est séparé en groupuscules et a colonisé la Terre, ses langues se sont séparées en boréens moyens (vers -100 000 à -60 000) et boréens inférieurs (vers -60 000 à -10 000), jusqu’à la grande scission néolithique des langues, entre -10 000 à -6000, principalement causée par l’agriculture et le développement de nouvelles technologies.
Une nouvelle question fondamentale se pose à présent : quid de la vraie essence du patrimoine linguistique (Homo erectus, Néandertal, Dénisovien, etc.) qui s’est perpétuée de manière insoupçonnée jusqu’à présent dans toutes les langues du monde via le boréen ?
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Homo_sapiens_lineage.svg
L’art-écriture du Paléolithique (inférieur, moyen, supérieur)
(environ -3.3 millions d’années à -14 000)
Ce court chapitre n’a pas vocation de citer de manière exhaustive toutes les formes paléolithique d’art-écriture (rupestre, pétroglyphe, Vénus, gravure, entaille, incision, etc.) provenant de l’entièreté des grottes du monde. Il s’efforce d’en donner un aperçu solide permettant de corroborer la continuité de l’art-écriture depuis ces temps éloignés.
Dès le Paléolithique inférieur (environ -3.3 millions d’années à -300 000), nous observons des signes, des gravures, des stries, des encoches, des symboles divers sur des outils archaïques (sagaie, flèche, etc.) et supports comme des coquillages ou encore des parois de cavités anciennes, sur tous les continents du monde, à l’exception de l’Amérique du Nord et de l’Antarctique.
La très grande ancestralité, périssabilité voire simple disparition des reliques de cette période empêchent de les connaître de manière aussi détaillée que les périodes qui suivront.
Pour en donner quelques exemples, Homo erectus a gravé, à l’aide d’une dent de requin, d’anciennes gravures sibyllines dans un coquillage, et qui remontent à 500-400 000 ans.
Il nous est à présent fort ardu de deviner le sens qu’elles revêtaient, mais elles semblent indiquer qu’Homo erectus a voulu laisser quelque message ou indiquer quelque chose.
Ce coquillage est observable ici ou encore ici.
Nous penserons également à la grotte bulgare de Kozarnika où l’on a trouvé près de dix os de bovidés marqués d’une dizaine de sillons et ayant entre 1.4 et 1.1 millions d’années.
En Allemagne cette fois, le site préhistorique de Bilzingsleben détenait un tibia d’éléphant gravé et ayant près de 350 000 ans.
La grotte chinoise de Zhoukoudian, en Chine près de Pékin, nous livre des cristaux de quartz dont un prisme, probablement liés aux éventuels messages qu’Homo erectus voulait véhiculer.
Cette période très reculée dans l’histoire de l’Humanité demeure peu documentée, tout particulièrement dans son art-écriture, mais qui annonce néanmoins ce qui suivra.
https://en.wikipedia.org/wiki/File:Bilzingsleben_bone.jpg
Au Paléolithique moyen (-300 000 à -60 000), Néandertal et Homo sapiens nous laissent, entre autres, des peintures rupestres, vraisemblablement réalisées par des hommes et femmes de tous âges.
Cet art pariétal représentait des scènes de chasses, des symboles mystérieux (grotte Chauvet) pour notre époque ainsi qu’une multitude de motifs zoomorphes et d’animaux de la mégafaune d’antan, allant du bison, au rhinocéros laineux, au mégacéros (cerf aux bois gigantesques), aux ours ou lions des cavernes, à l’auroch sans oublier le mammouth.
Ils dépeignaient également des chevaux ou autres bouquetins et rennes mais aussi la flore de cette époque, qu’ils semblaient exploiter à bon escient, avant de la domestiquer réellement dès la fin du Paléolithique supérieur (vers -15 000).
Toutes ces représentations sont empreintes d’un grand symbolisme et appartiennent à l’imagerie et l’art-écriture paléolithique. Les chercheurs du siècle dernier, tels que de Jacques de Morgan (1857-1924), écrivaient déjà que les productions écrites de l’humanité détenaient le rôle de véritables aide-mémoire.
Le plus remarquable semble toutefois l’augmentation de coquillages peints d’ocre et d’autres incisés vers -100 000, en corrélation avec les premières migrations d’Homo sapiens.
L’ocre, cette couleur terreuse oscillant entre le jaune et le rouge, fut l’une des premières peintures de l’humanité, ce dont semble témoigner le mot boréen précédemment reconstruit.
Les coquillages incisés ou percés ainsi que d’autres perles en ivoire de mammouth ou encore des dents de loups ou renards semblaient utilisés comme parures, pendeloques ou bijoux ; ces objets symboliques témoignaient du statut social, lequel véhiculait, selon certains chercheurs, un message à autrui, servant une forme d’art-écriture millénaire indirecte.
Dans la grotte de Blombos en Afrique du Sud, on a retrouvé une roche de silcrète sur laquelle on avait dessiné avec de l’ocre, et ayant près de 73 000 ans. Cette grotte sud-africaine livre également des ormeaux remplis d’ocre, révélant des préparations de peinture de cette couleur ancestrale, ayant près de 100 000 ans.
Sur le site archéologique de Oldisleben en Allemagne, on constate plusieurs gravures ayant plus de 100 000 ans sur des os, et dont l’une ressemble fortement à un homme.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AbaloneInside.jpg
L’art de Néandertal, également produit à l’aide de pigments naturels tels que l’ocre, semble cependant plus mobilier que pariétal, aussi retrouve-t-on des coquillages et perles, plutôt que des représentations rupestres, principalement attribuées à Homo sapiens.
On observe toutefois dans la cavité de la Pasiega (Espagne), des peintures rupestres réalisées à l’ocre par Néandertal et remontant à près de 64 000 ans, devançant de près de 20 000 ans l’arrivée d’Homo sapiens. Ces peintures ont remis en cause l’intellect de Néandertal que de nombreux chercheurs croient incapable de ce type d’art-écriture, toujours exclusifs à Homo sapiens. Sa structure mentale était uniquement différente de la nôtre, mais il était tout aussi capable qu’Homo sapiens.
L’art de Néandertal se compose également de signes et symboles qui nous semblent toujours obscurs. Ces derniers pourraient traduire son état d’esprit ; car son cerveau était d’un volume supérieur au nôtre mais d’une forme divergente, dénotant ainsi une intelligence différente de celle d’Homo sapiens.
Ce fut également le cas de Dénisovien, le cousin de Néandertal, dont on n’a encore retrouvé que de maigres fragments physiques et peu s’apparentant à de l’art-écriture.
Au Paléolithique supérieur (environ -60 000 à -14 000), Néandertal et Dénisovien disparaissent vers -40 000 et Homo sapiens nous laisse des récits entiers de chasses, des formes peintes de mains dites « positives » et « négatives » sur les parois rocheuses — les mains sont utilisées comme pochoirs sur lesquels on souffle de l’ocre —, de nouveaux symboles ardus à interpréter mais aussi des motifs géométriques ou numératifs (points, lignes, etc.).
Cette écriture ancestrale apporte des preuves pariétales du côtoiement de ces hommes avec une mégafaune qui s’est éteinte il y a environ -20 000 ans, comme le mammouth ou le mégacéros (Europe) ou encore des marsupiaux géants (Sahul-Australie).
Les hommes du Paléolithique dépendaient en effet fortement des troupeaux d’animaux qu’ils chassaient et qui migraient au fil des saisons ; ces bêtes transhumantes entretenaient un rapport intime avec les traces écrites racontant ces migrations, et le rapport homme-animal qui se dégrade dès le Mésolithique. Les représentations pariétales témoignent de ce lien indéfectible par la maigreur des motifs humains mais la splendeur des animaliers.
Pour mêler à nouveau linguistique et histoire, nous penserons au mot boréen *mowa signifiant « se mouvoir » et dont est issu, via le latin, le mot « motif », en rapport avec les mouvements, probablement dépeints sur les cavernes paléolithiques ou observés par les homininés anciens.
Cette entrée corrobore davantage les liens intimes entre art-écriture, langue et vie paléolithique :
Mot (entrée) | Proto-boréen (moyen-supérieur) (environ -60 000 | -30 000 à -10 000) | Proto-indo-européen (environ -10 000 à 3500) | Proto-transeurasien (environ -15 000 à -6000) | Proto-sino-tibétain (environ -10 000 à -6000) | Chinois archaïque (environ 2200 à 300) et médieval (environ 600 à 1300) | Chinois mandarin (à partir de 1918 ) | Proto-coréen-japonais (environ -3500) | Japonais (environ 1900) | Coréen (environ 1900) |
330) se mouvoir ; motif (move: motif) | *« mowa » | *mew- (bouger : to move, mouvoir, motif) | *“iomke” (bouger, ramper) (métathèse) “ke” semble être un suffixe (cf. entrée 37) | *mow (bouger ; travailler) 務 Cognat avec 懋 (travailler durement) | /*moɡs/ /*m(r)o-s/ /mɨoH/ (務) | 務 [wù] | *“ungek, umgek” | ugoku (うごく | 動く) (bouger) | umjikida 움직이다 (bouger) |
Les migrations d’Homo sapiens vers -60-40 000 provoquent une véritable explosion de créativité, dont témoignent les art-écritures rupestres européen, australien et indonésien sur sol, mur et plafond. Il faut ajouter à cela les objets aux gravures abstruses retrouvés notamment en Asie, et les cupules (dépressions dans la roche) présentes dans certaines cavités australiennes ou asiatiques.
Certains signes comme le soleil, l’arbre, l’homme, la main semblent également universels et se retrouvent dans de nombreux art-écritures du monde, mais auparavant dans la langue boréenne, véritable reflet de la vie sur Terre. Ces signes sont mis en exergue plus en avant de l’article.
Cette créativité paléolithique semble en effet une manière mi-picturale mi-écrite (art-écriture) de transmettre une information concernant un concept abstrait ou concret à l’aide de pigments naturels comme l’ocre ou bien de charbon de bois (fusain), voire même d’oxyde de manganèse (couleur noire).
L’ocre rouge semblait en outre posséder une symbolique spéciale car elle était associée aux pratiques mortuaires que l’on retrouvera encore au Mésolithique puis Néolithique. On observe également des représentations arborant des nuances de jaune et de brun ainsi que du blanc tiré du kaolin, une argile blanche.
Dès le Paléolithique supérieur, on voit apparaître des pétroglyphes, des gravures dans la roche pour indiquer une information ou représenter quelque message d’art-écriture désormais oublié. Notons à nouveau que l’étymologie du suffixe « glyphe », présenté plus haut, conforte la légitimité du vocable « art-écriture » du Paléolithique.
Les pétroglyphes australiens découverts sur les sites de Yunta Springs, Red Gorges, Panaramitee et maints autres endroits, ont été estimés à un nombre total dépassant les dix millions. Cette forme d’art-écriture agit parfois comme de véritables cartes des zones lacustres et de la mégafaune d’antan, et cela sur plusieurs générations.
Ces indications séculaires permettaient de repérer des points d’eaux en temps de sécheresse ; elles témoignaient aussi de bêtes, souvent disparues comme le crocodile, que l’on chassait dans les diverses régions présentant ces incisions lithiques.
On retrouve également des pétroglyphes auprès des premières civilisations du continent américain livrant des scènes du Paléolithique supérieur dont aucun texte ne pourrait témoigner à l’exception de ces preuves lithiques. Les glyphes mayas notamment s’apparentent fortement à cette branche de l’art-écriture.
Les pétroglyphes paléolithiques sont les prémices de ceux que l’on retrouvera plus tard au Mésolithique puis Néolithique à travers le monde.
L’art-écriture paléolithique ne s’arrêtant néanmoins à des gravures et des incisions sur roche, il comprend également les « tracés digitaux », une industrie unique impliquant plusieurs auteurs.
La grotte de Koonalda en Australie nous en dévoile une fresque, qui consiste en des traces des doigts emprunts de mondmilch | moonmilk (« lait de lune »), un dépôt minéral fortement aqueux (appelé spéléothème) qui durcit et se conserve à travers les âges.
Ces tracés ancestraux auraient été exécutés entre 30 000 et 15 000 ans dans cette cavité.
Les quelques cinquante grottes ayant hébergé les premiers aborigènes australiens vers -60 000 à -30 000 et recelant de l’art-écriture paléolithique nous livrent entre autres des traces de doigts enfantins, des sortes de cannelures ou tracés digitaux, qui semblent délibérément imprimés pour laisser une trace. On retrouve des impressions identiques en Nouvelle-Guinée.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Aboriginal_rock_art_on_the_Barnett_River,_Mount_Elizabeth_Station.jpg
Tracés digitaux d’une grotte française, source Wikimédia :
https://en.wikipedia.org/wiki/File:GargasFlutings.jpg
Malgré l’évolution apparente de l’art-écriture, l’art pariétal ne semble guère considéré comme une forme ancienne d’(art-)écriture par de nombreux contemporains.
Or cette manifestation humaine mi-artistique mi-écrite répond aux besoins des hommes du Paléolithique de raconter et de transmettre ; elle se pratiquait dans les cavités où séjournaient ces hommes, soit principalement des antres d’une certaine profondeur.
Il s’agit, depuis les racines ancestrales du mot « art », d’un assemblage de représentations en un lieu donné, soit d’une forme d’art-écriture au sein d’une cavité où demeuraient les hommes du Paléolithique.
Ne possède-t-on nous aussi chez nous, Homo sapiens contemporains, des œuvres d’art accrochées aux murs ou bien quelque objet décoratif posé sur une étagère ? Ce parallèle nous permet de nous figurer l’esprit des hommes du Paléolithique.
Cet art pariétal agissait probablement comme l’une des formes d’art-écriture les plus prééminentes des membres du genre Homo, particulièrement Homo sapiens ; elle est formée telle qu’il l’entendait et la nécessitait pour raconter et transmettre aux générations futures les manières de vivre de son époque.
Une question se pose à présent : quelle était pour les hommes du Paléolithique l’intention réelle de leur art-écriture ? Narration, chamanisme, décoration ? Vraisemblement un mélange de diverses utilisations.
Les cultures françaises paléolithiques supérieures s’étendant de l’Aurignacien (-43 000 à -35 000), au Châtelperronien (-38 000 à -32 000), Gravettien (-34 000 à -25 000), Badegoulien (-23 000 à -20 500), Solutréen (-22 000 à-17 000), Magdalénien (-17 000 à -12 000), que l’on observe au sein des grottes de Lascaux (Dordogne), la Marche (Nouvelle-Aquitaine), ou encore de Font Serein ou des Fadets (Nouvelle-Aquitaine), pour passer les frontières à Escoural (Portugal) et Altamira (Espagne) ainsi que de nombreuses autres principalement françaises ou ibériques, témoignent de scènes paléolithiques d’une époque désormais révolue, et qui fascinent les Homo sapiens du présent.
Cette floralie de peintures rupestres constitue le chef-d’œuvre des débuts de l’art-écriture européen ; mais il ne faudrait voir cet art comme un apanage uniquement européen.
Sources, Wikimédia :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lascaux_painting.jpg
https://fr.wikipedia.org/wiki/Grotte_Chauvet#/media/Fichier:Lions_painting,Chauvet_Cave(museum_replica).jpg
Sans jamais se limiter à la France souvent prise avec l’Espagne comme parangon (de l’art-écriture) du Paléolithique dans le monde, la grotte de Bacho Kiro en Bulgarie nous livre une plaque de schiste ayant entre 60 et 50 000 ans et marquée de zigzags. D’autres grottes européennes, mais aussi australiennes nous dévoilent également l’étendue de cet art universel.
Hormis l’art pariétal, il existait aussi un art mobilier paléolithique. Les Vénus paléolithiques allemandes ou françaises, toutes datées d’entre -35-25 000 ans semblent également nous suggérer une certaine volonté de narration ou de transmission.
Ces Vénus exacerbent les courbes féminines et s’observent également auprès de la culture paléolithique japonaise de Jômon. Elles témoignent ainsi de la très probable matriarcalité des sociétés paléolithiques et d’un véritable culte de la femme.
Le boréen témoigne lui aussi de cette importance féminine dans les sociétés paléolithiques par les deux mots suivants : *hama (mère) et *mawa (mer).
Ces deux vocables semblent depuis longtemps noués de liens intimes qui s’observent toujours en français avec « mer » et « mère ».
En chinois également, sous influence boréenne, on constate auprès des sinogrammes 母 (mère) et 海 (mer) que le dernier contient le premier et semble insinuer que la mer était la mère de toutes les eaux, une métaphore datant sûrement des prémices de l’humanité, en référence au liquide amniotique.
Une grande d’attention semble accordée à l’art-écriture paléolithique européen, mais peu à son homonyme est-asiatique, fort rare.
Celui-ci pourrait n’être que peu représenté sur les parois des grottes car elles regorgeaient probablement d’animaux dangereux et venimeux (serpents, scorpions, etc.) et s’avéraient ainsi peu propices à cette forme d’art-écriture.
Il faudra également déplorer le manque d’efforts déployés pour investiguer les cavités australiennes ou encore reconnaître l’art paléolithique est-asiatique ; cependant qu’en Europe on rassemble davantage d’efforts et de fonds pour thésauriser le patrimoine local.
La vision des homininés est-asiatiques semble en outre diverger de leurs pairs (indo-)européens au moins depuis le Paléolithique moyen. Cette différence expliquerait les disparités inhérentes aux transitions Paléolithique-Mésolithique-Néolithique et à l’art-écriture de ces périodes, mais également le fait que les appellations et divisions, souvent françaises, ne peuvent s’appliquer au Paléolithique est-asiatique dans la plupart des cas.
Cette perception du monde semble due au mélange Homo sapiens-Dénisovien et Néandertal de l’Altaï (ainsi que d’autres homininés encore inconnus), les deux dernières populations étant indigènes de plusieurs centaines de milliers d’années du continent eurasien, précédant ainsi d’autant d’années l’arrivée d’Homo sapiens.
Cette familiarité des territoires est-asiatiques semble avoir façonné leur vision des lieux.
L’Asie de l’Est et du Sud se distinguant de l’Europe en de nombreux facteurs climatiques et géographiques, il semble légitime que les homininés s’y soient adaptés localement et que les cultures paléolithiques puis néolithiques ne présentent pas les mêmes caractéristiques.
Un point clef de cette divergence s’observe déjà dans l’emploi du bambou, la plante endémique et prolifique de l’Asie, que l’on consomme et utilise comme matériau, quoique périssable.
L’industrie lithique semble avoir cependant perduré depuis le Paléolithique inférieur mais s’être adaptée et développée localement dès -40 000, répondant probablement à des changements paléo-environnementaux, que l’on constate notamment via l’industrie microlithique retrouvée près de l’Altaï en Sibérie, non loin du lac Baïkal, et propre à ces régions montagneuses.
Cette industrie fine semble s’être par la suite répandue en Asie de l’Est pour influencer les populations locales telles que celles du Nord de la Chine vers -26 000, notamment au Hebei (bassin de Nihewan) qui avaient probablement déjà réalisé l’abondance de la région du bassin du fleuve Jaune.
La taille du microlithe se transmet également à l’homme de Jômon, l’un des ancêtres les plus connus des Japonais actuels, au moins vers -30-25 000, avant qu’il ne migre définitivement vers l’archipel japonais via le Nord d’Hokkaïdô. En effet, encore antérieurement à cela, cet homme du Paléolithique se rendait en terres japonaises via le sud de la péninsule coréenne vers l’île de Kyûshû aux alentours de -40 000, comme en témoigne l’un des plus anciens sites paléolithiques supérieurs daté avec assurance.
Cette industrie de grande précision marquant la transition entre deux périodes distinctes du Paléolithique est-asiatique semble avoir façonné l’intellect de ces homininés durant près de 20 000 ans, au vu des connaissances requises pour obtenir ce type de taille.
Le façonnement de ces pierres de haute précision précède son homonyme européen de près de 30 000 ans car on ne retrouvera que les premiers microlithes au Mésolithique (au moins 15 000 après) en Europe, laissant ainsi supposer un éventuel transfert de technologie ancestral.
Ces populations est-asiatiques ouvrageront par la suite les premières poteries du monde (jusqu’aux prochaines découvertes), dont on a retrouvé une centaine de tessons présentant des traits et des marques abscons dans la grotte de Xianrendong (Jiangxi, Chine) ayant près de 20 000 ans d’histoire.
Les premières poteries japonaises de l’époque Jômon sont datées de 15 000 ans et démontrent déjà une grande maîtrise de la cuisson du biscuit. Les premières poteries du Paléolithique servaient tout d’abord à cuire et stocker des aliments, avant de devenir des objets décoratifs au Mésolithique-Néolithique, comme cela s’observe notamment en Chine, où des objets usuels deviennent rituels et engravés de sinogrammes.
Toutes ces poteries témoignent déjà d’une certaine adresse, vraisemblablement liée à la précision de l’industrie lithique qui préexistait, et distante de 10 000 ans de la sédentarisation progressive des Homo sapiens au Mésolithique-Néolithique.
L’augmentation drastique de la fabrication des poteries dès le Paléolithique supérieur, démontre à nouveau l’inclassabilité du Paléolithique de l’Asie de l’Est à l’aide d’appellations européennes.
Pour confirmer ces dires, il faudra aussi noter les pétroglyphes mongols de Baga-Oygur en Mongolie récemment documentés et ayant près de 15 000 ans et représentant des mammouths et rhinocéros laineux.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2a/Petroglyphic_Complexes_of_the_Altai%2C_Mongolia.jpg
Tessons de céramique de Xianrendong, source Wikimédia :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Xianrendong_Cave_Pottery_-_2.jpg
Les cavités paléolithiques chinoises datant du Paléolithique moyen à inférieur (-150 000 à -10 000) sont particulièrement bien documentées et de nombreux artéfacts lithiques mais aussi des parures et ossements y ont été découverts.
Ces trouvailles contribuent activement à la documentation des diverses périodes régionales du Paléolithique est-asiatique et leurs transitions, ainsi qu’à sonder la pensée des hommes locaux du passé.
La grotte de Xinglongdong (Chongqing) recelait des défenses de stégodon, un grand éléphant disparu, qui arboraient des marques et ayant entre 120 et 150 000 ans.
La grotte de Shuidonggu (Liaoning) nous livre des perles en fragments d’œufs d’autruches ayant au moins 25 000 ans.
Ce type de perle semble intimement lié à d’éventuels rituels locaux pratiqués lorsque l’on inhumait les défunts. On en retrouve également un très petit nombre à Hokkaïdô, au Japon.
Le site de Zhaozhuang (Henan) daté de 35 000 ans présente une remarquable pile de quartz assemblés délibérément en cercle présentant en son milieu une tête et des défenses d’éléphant, une forme locale d’art-écriture paléolithique.
La grotte de Shiyu (Shanxi) a livré des os gravés ayant près de 30 000 ans.
La grotte de Longgu (Jiangxi) accentue tout l’intérêt de l’art pariétal chinois ; car nous y trouvons un bois de cerf gravé de motifs géométriques ayant près de 13 000 ans.
Ces œuvres d’art-écriture ancestrales semblent étayer la différence fondamentale entre Paléolithique européen et est-asiatique où l’un peint sur des parois rocheuses et l’autre produit plutôt du mobilier artistique. Les mots boréens précédemment reconstruits témoignent également de cette essence divergente.
Pour terminer, l’homme de Jômon semblait effectuer des aller-retours sur des îles à petites distances de la péninsule coréenne, dont les îles japonaises de Kozu et Iki, où il se fournissait en obsidienne, une pierre très résistante désormais utilisée en médecine japonaise de pointe pour son tranchant.
Cette pierre probablement symbolique semblait revêtir une grande importance pour ces populations pour qu’elles se hasardent à franchir des mers agitées par de forts courants et en ramènent sur le continent, et cela au moins dès -40 000.
Obsidiennes (taille microlithique) de Jômon, source : Wikimedia
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Obsidian_blade_microliths_Imari_Shirohebiyama-Iwakage_site.jpg
Chamanisme et art écrit
Le chamanisme semblait être une pratique déjà répandue au Paléolithique supérieur en Eurasie au vu du nombre de représentations pariétales, êtres anthropomorphes et objets à vocation potentiellement cultuelles.
Suite à la sédentarisation des Natoufiens (-15 000 à -11 500), probablement la première civilisation à réaliser la transition paléolithique-mésolithique dans le monde, le chamanisme se localise plus précisément en Iran.
Il semble par la suite se répandre en Asie de l’Est, probablement à mesure que s’ouvrent les réseaux de commerce mésolithique-néolithique, comme en témoigne la quantité de mots présents en transeurasien (ancêtre du japonais, coréen, mongol, turc) concernant cette pratique rituelle séculaire :
*mebo (dance chamanique), *samu ((empereur-)shaman), *papa (chamane, sorcière), *one (chamane, esprit), *ituk (sacré ; chamane), etc.
Selon les racines et les représentations paléolithiques, le « chaman » désigne une personne, le plus souvent une femme de pouvoir pouvant communiquer avec les esprits et des mondes au-delà de celui des humains ; il est fortement lié à la nature et à divers animaux puissants de l’animisme comme le bison, le lion ou l’ours (des cavernes), dont l’ombre-portée du dernier s’observe toujours dans la culture ainue et les légendes coréennes.
Cette forme de communication mystique semble avoir influencé jusqu’aux grands souverains d’Asie de l’Est, car nombre d’entre eux étaient chamans ou bien faisaient appel aux pouvoir de chaman(e)s pour gouverner ou connaître les bons augures.
Cela était particulièrement vrai pour les rois des Trois Royaumes coréens de Shilla (-57 à 668) ou Baekje (-18 à 660), les puissants des Chinois Shang (environ -1600 à -1046) ou encore l’impératrice japonaise Himiko du pays de Yamato (environ 200 de notre ère).
Les sinogrammes liés à la pratique chamanique sont également nombreux et présentent des formes anciennes (ossécailles et bronzes), dont 靈 (âme), ou encore 巫 (chamane), ce dernier étant un cognat avec les mots 母 (mère (femme)) et 舞 (danse (chamanique)) dérivant de 無 (rien).
Les racines nous racontent ainsi d’elles-mêmes l’histoire des chamanes : des femmes pratiquant des danses rituelles pour invoquer ou entrer en transe avec des esprits animaux ou surnaturels. Les chamanes coréennes témoignent encore de la véracité de ces racines à notre époque.
Au vu du caractère matriarcal prédominant des sociétés est-asiatiques du Paléolithique à la fin du Néolithique (culte de la femme, Vénus, impératrice et femmes de pouvoir dans les clans et tribus), il semble peu étonnant que le rôle de chamane fût plutôt réservé aux femmes.
Le développement du culte des ancêtres en Chine dès les Shang (environ -1600 à -1046) mais aussi du confucianisme (environ -600) aura raison de cette matriarcalité, préconisant une société patriarcale. Cela n’empêchera toutefois le chamanisme de se perpétuer auprès d’empereurs coréens, souvent assistés de chamanes.
La racine boréenne témoigne de cette pratique et de ses diverses nuances sus-mentionnées :
Mot (entrée) | Proto-boréen (moyen-supérieur) (environ -60 000 | -30 000 à -10 000) | Proto-indo-européen (environ -10 000 à 3500) | Proto-transeurasien (environ -15 000 à -6000) | Proto-sino-tibétain (environ -10 000 à -6000) | Chinois archaïque (environ 2200 à 300) et médiéval (environ 600 à 1300) | Chinois mandarin (à partir de 1918) | Proto-coréen-japonais (environ -3500) | Japonais (environ 1900) | Coréen (environ 1900) |
278) chaman, mage (chaman, magus) | *« sehma(n) » Il sera intéressant de remarquer que le sinogramme 舞 est parfaitement appliqué au mot japonais まう (mau) | *seh₁- ou *ser (mettre en ordre, attacher (magie) : sort, sorcier, sorcière) cognat avec *sh₂em- (chanter, ode, hymne) et *megʰ- (aider (à l’aide de pouvoirs magiques) : mage, magicien, magique) | *« samu » (-empereur-)chaman) et *« mebo » (danse chamanique) | *s[ă]n (immortel) (仙 | 僊) et *m(ɨ)a (chaman(e) ; sorcière) (巫) Cognat avec 誣 (CA *ma, “tromper”), 舞 (CA *maʔ, “danser”), 母 (CA *mɯʔ, “femme (mère)”), d’où “femme dansante qui pratique la magie” et possiblement 禪|䄠 | /*sen/ /*[s]a[r]/ /siᴇn/ (仙) et /*ma/ /*C.m(r)[o]/ /mɨo/ (巫) | 仙 [xiān] 巫 [wū] | *« sumia » et *« mapa » | sumera (すめら| 皇) (empereur (appellation polie)) et mau (まう | 舞う) (danser) | chachaung 차차웅 ou 차충 (souverain -chaman) (mot de Shilla) se composant peut-être de *samu (chaman) et *one (chaman ; esprit) gut 굿 (rituel chamanique) provient du sinogramme 鼓 (tambour) utilisé pour les rituels chamaniques et se prononçant /kuoX/ en chinois médiéval, d’où une tranmission peut-être vers les colonies chinoises. À lier à 장구 (長鼓) tambour rituel |
En Europe, les chamanes sont plus particulièrement dépeintes sur les parois des cavités paléolithiques mais leur pouvoir semble s’être amoindri voire d’avoir disparu, influençant moins les grands souverains.
Il sera toutefois intéressant de constater que la croyance en l’existence de sorcières semble ressembler fortement à une forme européenne de chamanisme relativement récente.
Cette croyance médiévale, jadis considérée comme une hérésie, semble vivement étayée par la première partie du mot indo-européen *seh₁- ou *ser (mettre en ordre, attacher (magie)) provenant du boréen (natoufien) *« sehma(n) » (chaman(e)) et donnant les mots « sort », « sorcier » et « sorcière ».
On supposera que le mot boréen s’est scindé en deux au fil des transmissions orales, mais qu’il fut réimporté intact plus tard dans l’histoire sans soupçon aucun, à l’instar des doublons chinois en japonais et coréen. Sans écriture fixe au sens strict, un mot voyage et peut grandement changer.
Les représentations paléolithiques, principalement localisées dans des régions septentrionales du globe, nous présentent seulement une dizaine d’êtres thérianthropes, mi-homme mi-bête sauvage ou encore mages ou sorcières.
L’ambiguïté de ces représentations laisse libre cours à l’imagination et à maintes interprétations possibles parfois fort diffuses. Des figurines thérianthropes, dont l’homme-lion de culture aurignacienne ayant près de 40 000 ans et retrouvé en Allemagne, semblent témoigner de la diversité et de l’importance de ces cultes chamaniques.
Les objets comme les bâtons percés en T, qui forment en réalité des Y, sont également présentés comme des baguettes magiques ou autres bâtons et sceptres rituels, tandis qu’il s’agirait plutôt d’objets pragmatiques servant à maintenir des objets suspendus.
Sculptés dans des bois d’élan et leur andouiller, ils semblent parfois représenter des motifs zoomorphes voire même des têtes d’élan. Cet animal chassé pour sa chair et sa peau semblait également investi d’un symbolisme animiste qui disparaît à mesure que cet animal est chassé, et qu’il est remplacé par l’ours brun.
« Dagmar Hollmann / Wikimedia Commons », License: CC BY-SA 4.0
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4c/Loewenmensch1.jpg
Bâton en T, source : Wikimédia
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Baton_Lartet_MHNT_PRE_.2010.0.1.2_Seul_noir.jpg
Il faudra noter que les cavités paléolithiques s’enfoncent parfois fort profondément dans les entrailles de la Terre, arborant puits et dépressions, et sembleraient connecter le monde des humains et le monde de l’au-delà.
Le noir et l’absence de lumière faisant référence à une forme certaine d’inconnu, voire peut-être même de trépas. Au Mésolithique (environ -14 000 à -8000), cette forme de communication avec l’outre-monde semble se perdurer via des pétroglyphes, notamment par des personnages anthropomorphes étayant l’hypothèse de rituels chamaniques ou encore de cultes animistes plus spécialisés.
Certains chercheurs évoquent même que les outils employés pour tailler, sculpter, inciser, peindre et représenter ces scènes chamaniques lithiques seraient eux-mêmes sacrés.
Le lecteur associera peut-être cette information aux nombreux objets saints qui perdurent toujours dans le monde contemporain : livres saints et écriture divine, ou encore objets et lieux sacrés, tous en lien intime avec les croyances et religions.
Au Sahara, on notera les représentations anthropomorphes de personnages mi-humains mi-animaux, témoignant de quelque culte, probablement chamanique ou rituel.
En lien intime avec le boréen, le chamanisme du Paléolithique supérieur et sa première vraie localisation au Levant, il faudra remarquer la sépulture d’une chamane retrouvée en Israël et datant de l’époque de la civilisation très avancée des Natoufiens (environ -15 000 à -11 500).
Une femme chamane est ainsi enterrée avec quelque cinquante carapaces de tortues et d’autres restes d’animaux (aile d’aigle, martre, sanglier, queue d’auroch) tous investis d’un sens ou rôle chamanique.
Cette tombe ancestrale prédate de près de 10 000 ans les rituels chamaniques chinois pratiqués par les Xia-Shang-Zhou et l’écriture ossécaille (environ -2200 à -1046), d’où la supposition de l’auteur quant à l’axe de transmission de ces rituels, du Croissant Fertile vers l’Asie de l’Est.
Les carapaces de tortue étaient également employées en Europe du Nord au Mésolithique ; on les décorait parfois de motifs hexagonaux ou triangulaires, s’inspirant peut-être de patrons de forme identique et naturellement présents chez la tortue.
Les hommes du Paléolithique puis Mésolithique connaissaient parfaitement la nature et les animaux, aussi la tortue et sa carapace devaient-elles refléter un sens particulier et précieux, probablement lié à une certaine forme de protection (carapace) ou de chamanisme (animal relativement rare), comme en témoignent les deux exemples natoufiens et chinois ci-dessus.
Quant à l’ours des cavernes, il semblait faire l’objet d’un culte et vivait dans les profondeurs des grottes (en témoigne notamment les griffades de la grotte Chauvet), et était dépeint sur les parois, tout comme le lion des cavernes.
Ces deux animaux, ours et lion, font toujours l’objet de cultes chamaniques en Afrique et en Asie de l’Est, dont en Corée du Sud (cf. mythe de Tangun) et dans la culture ainue (cf. Jômon).
Au Japon, les « onmyôji (陰陽師) » adeptes de la doctrine du Yin et du Yang sont de puissants chamans versés dans les arts de la divination ou encore de l’astronomie ; ils possédent des pouvoirs surnaturels pouvant repousser les être surnaturels comme les démon-renards qui se changent en humain pour leur méfaire.
Avant de devenir de simples charlatans, ils ont persisté jusqu’à l’époque d’Édo (1600 à 1868), organisant également toutes sortes de rituels et de cérémonies sacrificielles, calquées sur celles des Xia-Shang-Zhou. Leur emprise était telle qu’ils s’étaient immiscés au sein de la cour des nobles d’Heian (794 à 1185) ou encore dans des maisons de nobles, souvent de puissants seigneurs locaux.
La forte croyance shintoïste des Japonais en l’existence de divinités immanentes à la nature n’aura que conforté le pouvoir de ces chamans avant leur déclin.
Quelle que soit l’interprétation exacte des scènes rupestres mêlant animaux et chamanes, le chamanisme semble exister au moins depuis le Paléolithique supérieur (-40 000 à -10 000), a influé sur les sociétés est-asiatiques du Néolithique et pèse encore à présent sur les cultures ainues et coréennes.
L’absence totale de texte relatant ces cultes ou rites et la richesse d’interprétation du mobilier dit « chamanique » et représentations picturales du Paléolithique ne pourront exposer au grand jour les secrets du chamanisme que si l’on essaie de les interpréter en comparant diverses disciplines et examinant avec grande rigueur toutes les pratiques chamaniques encore existantes.
L’art-écriture du Mésolithique
(environ -12 000 à -8 000)
Le Mésolithique (« pierre médiale ») est une période peu connue qui se situe entre le Paléolithique et le Néolithique soit vers -12 000 à -8 000, marquant la transition entre les périodes géologiques du Pléistocène et de l’Holocène.
Ce très court laps de temps à l’échelle de l’humanité témoigne de la transition de la chasse-cueillette-pêche à l’agriculture. Une grande partie de la mégafaune disparaîtra, tandis que les paysages se métamorphoseront profondément, subissant changement climatique et activité humaine. Les forêts de pins ou de bouleaux caractéristiques des sylves européennes feront leur apparition progressive.
Cette modification de l’activité humaine ne pouvant s’effectuer immédiatement, les chasseurs-cueilleurs-pêcheurs ont coexisté (et coexistent toujours en communautés très ténues) et se sont mélangés avec les peuples agriculteurs, dont les premiers migrent progressivement du Croissant Fertile (Anatolie, Syrie) vers l’Europe, ce que confirme la génétique et le sens de transmission de certains mots liés à cette pratique nouvelle.
Nombre de chercheurs négligent tout simplement le Mésolithique et présentent le Néolithique comme le Saint Graal, expédient mélioratif de l’humanité.
Il faudra néanmoins s’éloigner de cette théorie aisée à prêcher car toutes les cultures du monde ne peuvent se formater aux concepts de Mésolithique et Néolithique (voire même aux divisions du Paléolithique) : un grand nombre de régions du monde évoluent de manière indépendante jusqu’à leur interconnexion récente, datant plutôt du Néolithique.
En guise d’exemple, les sociétés paléolithiques d’Asie de l’Est ne semblent pas connaître de transition aussi marquée que leurs voisines européennes et développent leur propre technologie de manière indépendante.
Les sociétés de Jômon (au moins -15 000 à environ -1000) combinaient des aspects paléolithiques (chasse-cueillette-pêche, absence de grandes cités-états) avec d’autres plutôt mésolithiques-néolithiques (agriculture partielle, petits hameaux) avant l’arrivée des Coréens de Mumun-Yayoï vers -1000, témoignant ainsi d’une adaptation locale probablement influencée par l’isolation.
Le foisonnement des ressources halieutiques et forestières de l’archipel japonais aura sûrement permis aux sociétés de Jômon de se passer d’agriculture.
La période charnière du Mésolithique assiste au réchauffement de la Terre à la fin de la dernière ère glaciaire (appelée le Dryas récent) qui permet progressivement à l’agriculture d’exister, soit à la fin du Pléistocène (2.58 millions d’années à 11 700) et le début de l’Holocène (11 700 au présent).
La tradition de chasse-cueillette-pêche ayant perduré durant des centaines de milliers d’années, la transition Paléolithique-Néolithique n’a pu se produire que graduellement durant les quelques millénaires que représentent le Mésolithique.
Le climat de la Terre devint plus clément dès la fin du Paléolithique supérieur (-40 000 à -10 000), et les homininés des continents affectés par ce réchauffement se sédentarisent.
Ils commencent à planter des herbes alimentaires ou médicinales de manière contrôlée (horticulture) mais aussi à récolter et stocker des céréales poussant à l’état sauvage, changeant ainsi profondément leur diète et imprimant leur marque sur l’environnement.
Les études paléobotaniques témoignent de ces modifications internes dans les gènes des plantes qui subissent l’influence humaine. La consommation nouvelle de céréales ou de produits laitiers exercera également une profonde influence sur le métabolisme humain.
Les hommes du Mésolithique ne délaisseront néanmoins leurs habitudes paléolithiques si profondément ancrées ; ils continueront pêche, cueillette et chasse, tout en raffinant leurs outils lithiques.
Ce raffinage de l’outillage paléolithique engendrera notamment l’apparition du microlithe, une taille de pierre de haute précision qui semble avoir joué un rôle majeur au sein des populations ancestrales de l’Asie de l’Est 10 000 ans avant sa découverte (ou sa transmission) parmi les populations européennes. On pourrait en supposer une transmission de savoir-faire à haute ancestralité, au sein de l’axe eurasien, de l’Asie de l’Est vers l’Europe.
En Europe du Nord, les grands glaciers ont désormais fondu en majeure partie ; les terres sont donc inondées et favorisent davantage la navigation, via des embarcations comme le canoë.
Des techniques de navigation de haut vol avaient déjà permis aux hommes du Paléolithique moyen-supérieur d’accéder aux terres de l’Australie (alors continent du Sahul) (au moins) vers -50 000, mais aussi la probable récolte d’obsidiennes par les ancêtres des hommes de Jômon.
La navigation mésolithique semble par conséquent la continuité de cet art maritime ancestral, facilité par la fonte des glaces.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kebaran_culture_microliths_22000-18000_BP.jpg
Pirogue de Pesse, source Wikimédia :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Boomstamkano_van_Pesse,_Drents_Museum,_1955-VIII-2.jpg
Cette période du Mésolithique semble définir plus généralement l’Europe, car en Asie de manière générale, la transition Paléolithique-Néolithique semble irrégulière et locale selon les peuples.
Rappelons que les hommes de Jômon ne pratiquaient toujours pas l’agriculture de manière régulière quand les péninsulaires coréens de Mumun leur apportèrent agriculture, tissage et langue (proto-japonais) vers -1000. L’agriculture semble en outre avoir apparu localement dans le bassin du fleuve Jaune en Chine, au moins vers -6000, avant de se transmettre dans la péninsule coréenne puis au Japon, tandis qu’elle a été apportée en Europe par les migrants du Levant, au moins vers -8000.
C’est au Mésolithique que les peuples commencent à domestiquer les animaux, notamment le chat, pour s’occuper des souris qui s’attaquaient aux garde-manger et silos à céréales, tout en profitant des déchets qui déjà s’amoncelaient dans les villages.
Quant au chien, il avait été déjà domestiqué au moins au Paléolithique supérieur à partir d’une espèce commune au loup et au chien, mais la sédentarisation progressive des peuplements humains accroîtra sa docilité et sa présence bénéfique, en tant que gardien et compagnon.
Grâce à la taille des microlithes, l’invention de l’arc à flèches permet de chasser la faune nouvelle qui s’était mis à foisonner dans les forêts primaires d’Europe.
L’art-écriture mésolithique témoigne de ce changement, notamment par des pendentifs en ambre gravés de motifs (ou ici) qui semblent imiter les robes des faons ainsi que les ours bruns, qui existaient en plus grand nombre en Europe jadis.
L’auroch (Bos primigenius), l’ancêtre de la vache, fut le premier bovidé domestiqué par l’homme et son élevage se répandit vers différentes peuplades qui devinrent agropastorales, exploitant ainsi plaines et steppes naturelles, mais également les ressources de ces vaches anciennes telles que sa viande ou encore son lait. Des peintures rupestres algériennes du Tassili n’Ajjer datées d’environ -10 000 témoignent de ce changement sociétal.
Le Mésolithique, période charnière de l’humanité, s’avère de ce fait très intéressante à étudier, particulièrement dans son art-écriture : celui-ci présente des aspects paléolithiques comme des peintures rupestres aux motifs nouveaux, tout en se détachant progressivement des grottes.
Cet art-écriture se spécialisera entre autres en poterie dont les premières réalisations avaient déjà apparu vers -20 000 en Chine, comme précédemment mentionné.
On constatera également la recrudescence des pratiques rituelles chamaniques et lieux de cultes tels que le temple ou observatoire de Göbekli Tepe en Turquie, ou encore la tour de Jéricho en Cisjordanie, un gratte-ciel mésolithique permettant d’asseoir le pouvoir local en jouant avec les ombres et le soleil, à l’instar des civilisations mésoaméricaines.
Ces pratiques correspondent à la lente et nouvelle sédentarisation des peuples et à l’émergence de dirigeants fortement influencés par le chamanisme, tout particulièrement au Croissant Fertile puis en Asie de l’Est.
Le Sahara, lorsqu’il fut vert à quelques reprises cycliques, permettait aux hommes d’inscrire dans ses roches la faune qui y rôdait, allant des créatures aquatiques aux grands mammifères qui existaient il y a près de 10 000 ans.
Au Niger, il s’agit même de girafes gravées directement dans la roche il y a 10 000 ans et dépeignant ce noble animal en de belles représentations immémoriales.
Dès le Mésolithique, on constate une multiplication des Vénus ou figurines démontrant l’importance du culte de la femme et assurant la continuité des Vénus paléolithiques précédemment citées. Ce site montre leur diversité, avec grand détail.
Ces petites statuettes en os d’animaux ou en bois, dont peu nous sont parvenues à cause du caractère impermanent de leur matériau, indiquent la douce montée de la natalité pour atteindre des pics d’un enfant par an.
À titre de comparaison, au Paléolithique, une femme enfantait en moyenne tous les trois ans, mais son nouveau-né n’était garanti les mêmes chances de survie qu’au Mésolithique.
Ces idoles témoignent aussi parfois de la hausse de la mortalité corrélée aux diverses maladies transmises par les animaux et la promiscuité humaine, ainsi que le changement d’alimentation.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lat%C3%A9nium-dame-Monruz.jpg
Pétroglyphes du Niger, source : Wikimédia
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:DabousGiraffe.jpg
Au nord de la Norvège, l’art-écriture s’adapte localement dans la roche sous forme de pétroglyphe et l’on y dépeint des élans, un animal endémique.
Certains sites scandinaves dévoilent de véritables récits rupestres gravés de manière éparse dans les roches : on y observe des animaux endémiques, des formes anthropomorphiques mais aussi des hommes, tout simplement.
Continuant notre promenade en Europe, partons désormais en France. Le préhistorien du siècle dernier, Édouard Piette avait découvert quelque trente galets peints du Mas-D’Azil (Occitanie), et ayant près de 10 000 ans.
Ces cailloux plats témoignent d’un art-écriture non figuratif sur des galets porteurs d’un sens qui nous est désormais difficilement intelligible.
Quittant désormais les terres européennes, voyageons en Inde. Les abris-sous-roches de Madhya Pradesh du centre de l’Inde nous livrent des pétroglyphes datés d’environ -10 000 symbolisant les chasses et danses d’antan, mais également un bestiaire impressionnant.
Il pourrait s’agir de la forme d’art-écriture qui a précédé les sceaux de l’Indus, expliqués ci-après.
Ces trois exemples situés en divers endroits du monde incarnent le développement de l’art représentatif du mésolithique-néolithique : le pétroglyphe.
Très présent au Mésolithique, le pétroglyphe (inscription dans la roche), une autre forme d’art-écriture, semble incarner la transition Paléolithique-Néolithique en elle-même : les hommes délaissent peu à peu les grottes, leur habitat paléolithique par excellence, pour se tourner vers des habitats plus découverts, sans cesser toutefois de maintenir une attache profonde avec le premier habitat.
Preuve en est l’augmentation à cette époque du nombre de pétroglyphes sur des surfaces s’y prêtant ou types de roches jugés adéquats mais presque toujours à l’extérieur : l’art-écriture et l’esprit s’éloignent pied à pied de l’habitat ancestral pour se tourner vers un mode de vie nonpareil.
La roche ayant occupé un rôle prépondérant depuis le Paléolithique antérieur, les hommes du Mésolithique devaient avoir hérité de leurs ancêtres de connaissances de premier ordre en roches et taille de la pierre.
Ceux-ci pourraient ainsi avoir attribué une fonction distincte à certaines pierres et aux surfaces rocheuses, tout comme on distingue à présent les types d’aliments que l’on consomme et leur usage (sucré-salé, dessert-plat) et les pièces d’une maison (chambre, cuisine, buanderie, etc.).
Certains chercheurs semblent également établir des relations entre les roches anciennes et le culte des ancêtres, notamment par la distance entre carrières de pierre et habitation.
Ce lien culturel s’apparente fortement à la tradition japonaise consistant à garder une petite pièce traditionnelle (washitsu) dans une maison contemporaine techno-coconisée ou bien au non-dit qui veut que l’on évite de bâtir des cimetières juste à côté des habitations.
La cosmologie inconsciente de l’humanité d’antan fascine encore les Homo sapiens du présent qui l’étudient et la détaillent avec une précision qui croît à l’aune de leurs découvertes et des évolutions technologiques.
Nous aventurant à présent dans la péninsule coréenne, on y dénombre pas moins de quatorze sites méso-néolithiques présentant de l’art sur roche, particulièrement dans les régions sud-est. Ces inscriptions ancestrales datées d’environ 10-9000 ans se retrouvent sur des saillies rocheuses ou encore des ruisseaux ou rivières.
Les plus célèbres d’entre elles sont les pétroglyphes d’Ulsan, figurant plus de 250 images et une centaine d’animaux sur un long pan de roche, avec une prépondérance de la baleine qui semblait une ressource marine fortement exploitée.
https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9troglyphes_d%27Ulsan#/media/Fichier:Bangudae3.jpg
Sujet plus fâcheux, mais tout aussi séculaire, la mort, un mot également présent en boréen *« mara » (mourir), cognat du mot *« mawa » (mer) demeure un sujet central des peuples mésolithiques.
Il sera intéressant de remarquer que la tradition paléolithique de l’ocre rouge saupoudré sur le défunt ne se perd point au Mésolithique ; le trépassé sera soit inhumé, soit livré aux eaux, dernière nuance qu’insinue les deux racines boréennes ci-dessus.
On accompagnera également les défunts d’os d’animaux gravés ou incisés, en quantité équivalente à leur statut, une pratique funéraire qui s’observera au Néolithique chez les puissants mais ayant déjà débuté au Paléolithique.
À notre époque également, la taille du cercueil, son emplacement ainsi que la somme allouée à l’enterrement témoigne du statut social d’un individu : cette pratique est séculaire.
Certains chercheurs pensent qu’il s’agirait également d’une pratique apotropaïque (qui repousse les mauvais esprits), compte tenu du placement de certains objets en os comme des amulettes dans des tombes de juvéniles ou de femmes plutôt que d’hommes adultes.
Ces objets souvent incurvés et couverts de motifs en zigzags protégeraient les défunts du mauvais œil, dont on se protège toujours en Turquie.
Dans le quartier de Vedbaek-Bogebakken à Copenhague au Danemark, une tombe mésolithique abritait une femme ayant fait fausse couche et dont le petit mort-né avait la tête posée sur une aile de cygne. Un acte puissant et symbolique d’art-écriture, à défaut de testament rédigé sur papier.
Cette image magnifique, retransmet avec force cet acte ancien.
Les êtres humains portent en eux cette essence immanente qui leur est propre depuis les temps ancestraux du Paléolithique ; ils sont soumis à la jalousie, la convoitise mais aussi à d’autres vices comme le vol et les combats, concepts dont témoignait déjà le boréen moyen-supérieur.
La promiscuité des hommes au Mésolithique provoquée en partie par les changements paléoclimatiques exacerbera ainsi les tensions et fera se rengréger les maux les plus sombres de l’humanité.
Ce désarroi mésolithique ira se renforçant au Néolithique, à mesure que les populations augmentent et les conflits s’intensifient.
Souvent présentée comme la période salvatrice de l’humanité, le Néolithique apparaît également comme une période d’exploitation impunie et affolie de la Terre et de ses ressources.
La vision de l’animal que les hommes du Paléolithique semblaient considérer comme source de nourriture pour leur survie mais aussi de fascination semble de la sorte se transmuter ; les animaux deviennent alors de simples ressources carnées ou commerciales, plutôt que de captivants êtres vivants.
Il s’agit probablement du début de l’anthropocène (« ère des hommes ») stricto sensu.
L’art-écriture du Néolithique
(environ -10 000 à -2000)
Le Néolithique suit le Mésolithique où l’on y voit se développer l’agriculture de manière plus intensive, au cours de plusieurs millénaires, en débutant très probablement au Croissant Fertile, une vaste région du Proche-Orient, mais plus particulièrement en Anatolie (Turquie) et en Syrie.
Cette période témoigne de la prolifération des Homo sapiens à travers le globe, tandis que ces populations se sédentarisent, fondent des villages puis villes étatisées et domestiquent plantes et animaux.
À partir du Néolithique, Homo sapiens générera un profond impact sur son environnement, qui n’a que grandi pour s’exacerber terriblement à l’ère contemporaine.
Les femmes enfanteront une fois par an au lieu d’une fois tous les deux à trois ans comme au Paléolithique d’antan. Cette natalité accrue haussera la courbe de la population mondiale et contribuera à la formation de cités de taille de plus en plus importante, mais également à une agriculture de plus en plus intensive, s’arrogeant impunément les écosystèmes. Les langues subiront également de profonds changements en corrélation avec cette période : la scission néolithique.
À mesure que les productions agricoles s’accroissent et que les peuples grandissent, un besoin de communiquer et de transcrire par écrit de manière universelle et méthodique se fait sentir. En Mésopotamie, au Croissant Fertile, mais également en Égypte et en Chine, on inventera alors respectivement l’écriture cunéiforme, les hiéroglyphes, ainsi que les sinogrammes, en se basant sur des représentations ancestrales datant du Paléolithique.
Le sumérien, qui fut la langue écrite en cunéiforme ne semble appartenir à aucune catégorie linguistique précise, mais semble issue de plusieurs formes de langues descendantes du boréen.
Les Égyptiens sont également influencés par la tradition paléolithique représentant les choses qui nous entourent de manière picturale, donnant naissance aux hiéroglyphes puis influençant les Phéniciens et les Grecs dans la création de l’alphabet qui nous est parvenu.
Quant aux Sino-Tibétains, peu d’informations est disponible au sujet des symboles néolithiques à la base des sinogrammes, mais des motifs séculaires et terriens tels que le soleil ou les yeux sont également influencés dans leur prononciation par les mots boréens ancestraux et la tradition d’art-écriture paléolithique.
L’art-écriture néolithique s’émancipe progressivement des arts paléo-mésolithiques ; sa représentation sur poterie occupera désormais une place importante. La céramique se fera le témoin des scènes antiques et des premières formes d’écriture telles qu’on les connaît à l’heure actuelle. Art et écriture se scinderont à cette époque, rompant avec la tradition paléo-mésolithique.
Les Homo sapiens du Néolithique abandonnent ainsi peu à peu leur culture rupestre pour se tourner vers l’art de la céramique, correspondant à la croissance des peuplements humains et de l’expansion des villes.
L’essence même de la chasse s’altérera qui fut autrefois un moyen de survivre lors des grands périodes glaciaires qui s’abattirent sur le monde du Paléolithique moyen au supérieur.
Au Néolithique, on survient dorénavant à ses besoins alimentaires par le biais principal de l’agriculture ; la chasse devient alors superflue et le domaine des puissants et autres élites, qui pourront ainsi se récréer tout en élevant leur prestige auprès du peuple, en fonction de l’animal chassé et de la difficulté de son pourchas.
Ces chasses, faisant totalement fi du monde animal et de l’écosystème, iront jusqu’à décimer des populations animales telles que le rhinocéros et le tigre en Chine, le jaguar en Mésoamérique, le mammouth en Eurasie, ou bien à les conduire au bord de l’extinction comme l’élan ou le loup. Cette disparition de masse se nomme la disparition de l’holocène, dont témoigne l’art-écriture du Néolithique.
À cette période également la notion d’écologie, préoccupation des Homo sapiens contemporains, ne semblait guère exister ; le statut social et les richesses primaient sur le reste, un héritage délétère et vénal dont nous avons hérité de ces temps assez récents de l’histoire de l’humanité.
La fine cloison qui sépare dans nos esprits animal domestique et animal sauvage semble également s’enraciner dès cette période, où l’on continue à chasser et consommer de la chair animale tout en élevant du bétail comme le cochon, le mouton ou encore le chien et le cheval.
Au Paléolithique, les animaux étaient considérés comme des êtres nobles permettant la survie des peuples humains, rythmant les migrations locales, ou extraterritoriales, mais aussi associés à des cultes animistes attestant leur préciosité ; ils semblent maintenant rabaissés au simple statut de possession permettant alimentation et commerce.
Le contraste des représentations animalières du Paléolithique et du Néolithiques sont frappantes qui témoignent de ce changement radical des mentalités.
Nous allons désormais examiner les prémices des grandes écritures de l’humanité, rompant partiellement ou totalement avec la tradition de l’art-écriture du Paléolithique-Mésolithique.
漢字 L’invention des sinogrammes 漢字
Ce texte est la préface du livre « Cent histoires de sinogrammes », disponible ici.
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Qu’est-ce qu’un sinogramme ?
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On entend souvent parler « d’idéogrammes », de « logogrammes », voire même de « hiéroglyphes » lorsque l’on aborde communément les « caractères chinois ».
Il faudrait cependant nommer ces « caractères chinois » plus correctement des « sinogrammes », car tous les sinogrammes ne possèdent pas un sens particulier ou n’expriment pas une idée comme les idéogrammes ou les logogrammes : certains agissent aussi comme des mots vides et grammaticaux. Tous les sinogrammes ne représentent pas non plus une idée par un dessin comme c’est le cas pour les hiéroglyphes.
On comprendra alors qu’il a fallu créer un nouveau mot pour les désigner : « sinogramme », venant de « sino » qui désigne la Chine, où ils sont nés, et « gramme » relatif à l’écriture.
Un sinogramme à notre époque représente un ensemble d’un ou de plusieurs traits dérivant d’une forme archaïque et qui possède une ou plusieurs lectures phonétiques, mais aussi un ou plusieurs sens.
Les sinogrammes dérivent pour beaucoup d’entre eux d’une forme plus archaïque que l’on appelle ossécaille et qui joue un rôle crucial dans la compréhension de leur forme actuelle.
La forme ossécaille découverte à la fin du XIXe siècle a remis en cause toute l’interprétation que nous avions des sinogrammes et maintenant leur apprentissage.
Les sinogrammes en chinois, japonais et coréen :
• Leur appellation chinoise est « hanzi », venant du mot 汉字 (chinois simplifié) [hànzì] ou 漢字 (chinois traditionnel) (ㄏㄢˋ ㄗˋ) ;
• Leur appellation japonaise est « kanji », venant du mot 漢字 ;
• Leur appellation coréenne est « hanja », venant du mot 한자 (漢字).
Des traits venus d’ailleurs
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La plupart des sinogrammes provient du chinois classique, une langue écrite archaïque mais simple et parlante, datant d’il y a près de 4000 ans.
Bon nombre de ces sinogrammes étaient autrefois écrits pour la divination sur des os d’animaux ou des carapaces de tortue dans leur forme la plus ancienne — cette pratique s’appelle la scapulomancie —, avant d’évoluer au fil des siècles sous les formes que nous connaissons (peut-être déjà) à l’heure actuelle.
Les sinogrammes ont peu à peu migré vers la péninsule coréenne, environ vers le Ie siècle avant notre ère, soit le début de l’histoire coréenne écrite, puis vers le Japon, environ vers la fin du IVe siècle de notre ère.
Avant cela, dans ces deux pays, on gravait très probablement des symboles dans le bois ou on nouait des cordes entre elles pour garder une trace écrite.
C’est uniquement par l’exportation chinoise des kanjis que les kanas — le syllabaire fondamental de la langue japonaise —, ont pu exister. Ces derniers sont expliqués plus en avant dans l’article.
Quant au coréen, vers le XIVe siècle, le roi Séjong, aidé de ministres lettrés, a créé les hanguls, lettres coréennes en se fondant sur la prononciation réelle du coréen de l’époque.
Il déplorait en effet que les gens du peuple ne pussent apprendre les sinogrammes si difficiles à écrire. Il appela tout d’abord cet alphabet natif coréen le hunmin jeongum (훈민정음 | 訓民正音), soit littéralement « les sons corrects à enseigner au peuple ».
Cet alphabet se connut sous le nom de onmun (언문 | 諺文), une appellation toujours usitée en chinois pour parler du nom plus récent de hangul (한글 | 韓・) soit « lettres (글) de la péninsule coréenne (한 | 韓) », qui lui est courant en coréen.
Le sinogramme 倝 désignait le soleil se levant à l’est et était l’ancienne forme de 韓 désignant la péninsule coréenne, car il semblait aux Chinois d’antan que le Soleil se levait plus « tôt » dans la péninsule ou au Japon.
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Dans le monde des sinogrammes, certains sont faciles à se représenter comme 川 (rivière), 木 (arbre) ou encore 火 (feu) car très proches de leur forme initiale.
D’autres nécessitent une explication : le sinogramme 自 signifiait tout d’abord « nez » — que l’on pointe quand on parle de soi — et signifie maintenant « soi-même », par extension du sens.
Également le sinogramme 解 (« comprendre ») qui est composé de 角 (« corne »), 牛 (« vache ») et 刀 (« couteau ») et que l’on interprète comme suit : « prendre un couteau pour découper une vache et voir — par extension ‘’comprendre’’— ce qui se trouve à l’intérieur ».
Ces différents sinogrammes utilisés au sein d’un autre sont appelés « clefs » (部首). Il en existe 214 contemporaines (davantage en réalité, mais désormais désuètes) qui permettent de former tous les sinogrammes.
Les sinogrammes ont toujours été écrits sous leur forme la plus traditionnelle, que l’on retrouve encore (presque intacte) à Taïwan, Macao, Hong-Kong ainsi qu’en Corée du Sud et du Nord.
Au Japon, en Chine, à Singapour et en Malaisie, une simplification — partielle ou à grande échelle — des sinogrammes a été opérée au cours du siècle dernier, pour permettre à tout un chacun de les comprendre, après avoir appris à les lire et écrire.
Nous citerons l’exemple du sinogramme 賈 (« vendre ») : il s’écrit 賈 en chinois traditionnel et en coréen, mais est devenu 买 en chinois simplifié et 売 en japonais.
Il existe également des variantes de sinogrammes qui proviennent pour la plupart des temps reculés du chinois classique, lorsque l’on ne les avait pas encore unifiés et que la Chine était fractionnée en plusieurs petits États indépendants à l’époque des Zhou (1046 à 221 avant notre ère).
Cette époque est elle-même scindée en Printemps et Automnes (771 au Ve siècle avant notre ère) et Royaumes Combattants (Ve siècle à 221 avant notre ère). L’unification datant en effet de l’époque du grand Empereur Qin, soit vers le IIIe siècle avant notre ère.
Ces variantes sont plus précisément soit des sinogrammes archaïques, soit des formes plus littéraires de certains sinogrammes. Elles livrent également des indices cruciaux sur la forme archaïque de certains sinogrammes.
À titre d’exemple, le sinogramme 法 (« loi ; ordre »), sa variante archaïque est 灋 (cf. son histoire) ou encore 窗 (« fenêtre »), les variantes sont : 䆫, 囪, 牎, 牕, 窓 ou encore 窻. Les variantes sont expliquées plus en avant du texte.
Dans nos recherches et tentatives de compréhension des sinogrammes, il ne faudra pas toujours chercher un sens à chaque partie de chaque sinogramme — et ce fut d’ailleurs l’erreur des anciens lettrés —, car certains sinogrammes se sont parfois vus ajouter tel ou tel sinogramme juste pour sa phonétique.
Les sinogrammes ont beaucoup varié dans le temps et ne ressemblent souvent plus du tout à leur forme sur les os d’animaux et carapaces de tortue.
Pour s’en rendre compte, on s’intéressera aux diverses formes d’écriture (style) de ces sinogrammes qui ont varié des temps les plus anciens jusqu’à l’époque contemporaine :
- Écriture de Jiahu et autres symboles néolithiques (賈湖文字) plus de 7000 ans, observée auprès de la culture néolithique de Jiahu. Nous observons d’autres symboles auprès de la culture de Yangshao, entre autres ;
- Écriture Taowen (陶文) ou Taofu (陶符), parfois appelée style sigillaire des Xia (夏篆), observée sur des céramiques de la culture de Longshan entre 2500 à 2000 ans avant notre ère.
(Ces deux premières écritures étant fortement soumises à controverse, l’histoire de l’écriture généralement acceptée ne commence réellement qu’à partir du style ossécaille et suivants. Mais les mentalités changent et il convient maintenant de plus en plus d’accepter que l’écriture chinoise n’a pas apparu soudainement à l’époque des Shang.)
- Écriture ossécaille (甲骨文字) utilisée entre 1600 et 1046 avant notre ère ;
- Style bronze (金文) utilisé entre 1046 et 256 avant notre ère ;
- Style sigillaire (篆書) composé de :
- Style grand sceau (大篆) ou ( 籀文) utilisé entre 500 et le IIIe siècle avant notre ère;
- Style petit sceau (小篆) inventé lors de la dynastie Qin 221 et 207 avant notre ère ;
- Écriture de chancellerie (隷書) ou simplification du petit sceau à la dynastie Qin ;
- Écriture semi-cursive (行書) utilisée pour la calligraphie depuis les Hans postérieurs (25 à 220 avant notre ère) ;
- Écriture cursive (草書) ou simplification du style sigillaire et semi-cursif, utilisé en calligraphie depuis les Hans ;
- Style régulier (楷書) utilisé depuis le VIe siècle de notre ère pour l’écriture manuscrite et à notre époque pour l’écriture dactylographique.
L’écriture ossécaille
La « légende » veut qu’en l’an 1899 de notre ère, l’épigraphe Wang Yirong, atteint d’une fièvre semblable à la malaria, but un jour une boisson préparée d’une poudre blanche appelée « os de dragon ». Trouvant en ce breuvage blanchâtre quelque fragment d’os, il s’enquit de l’origine de la poudre auprès du marchand qui le lui avait vendu, lequel lui montra les fragments osseux qu’il avait entreposés. C’est alors que Wang Yirong remarqua qu’ils étaient gravés de symboles fort similaires à ceux qu’il étudiait…
Cette légende n’a bien sûr pas d’existence dans les anciens écrits, mais son essence n’en demeure pas moins vraie.
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Avant l’écriture ossécaille et sa découverte
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Avant que Wang Yirong ne découvrît, près du petit village de Xiaotun (小屯) — où se trouvait l’ancienne capitale des Shang qui se nommait Yin (殷) — les fragments d’os comportant des caractères ossécailles, on doutait que la dynastie des Shang (1570 à 1046 avant notre ère) fût plus qu’une légende, comme celle des Xia (夏) (2100 à 1600 avant notre ère) avant elle.
Le célèbre historien de l’époque des Hans, Sima Qian (司馬遷) qui vécut de 145 à 86 avant notre ère, avait en effet répertorié les régents de ces dynasties légendaires. Toutefois, ne possédant pas de preuves concrètes, il s’était abstenu — en auteur très probe — de discourir à leur propos.
La découverte tout à fait fortuite, relevant de la sérendipité de Wang Yirong alors qu’il cherchait plutôt un remède à son mal, permit non seulement de confirmer l’existence de ces dynasties autrefois légendaires — car bon nombre de noms de souverains mentionnés par Sima Qian étaient inscrits en caractères ossécailles — mais aussi authentifier leur propagation près des rives de l’abondant et fertile fleuve Jaune, ce qui écrivit ainsi une préquelle historique aux sinogrammes.
Avant cette découverte, la plupart des lettrés et des gens pensait en effet que les sinogrammes provenaient de traces écrites gravées sur des objets en bronze, dans un style que nous appelons le « style bronze », mais celui-là relève plutôt de la dynastie des Zhou (1046 à 256 avant notre ère), par conséquent entre 500 à 1000 ans avant les caractères ossécailles.
L’écriture ossécaille ne commençant pas soudainement à la dynastie des Xia et des Shang puisqu’elle est de surcroît fort développée pour n’avoir été sous ces dynasties qu’à son stade embryonnaire, on constatera qu’il existe également une proto-écriture appelée Taowen (陶文) ou Taofu (陶符), qui aurait apparu 1000 ans avant l’écriture ossécaille, voire bien avant cela en considérant les symboles néolithiques.
Cette proto-écriture — découverte entre autres sur le site archéologique de Erlitou (二里头) en Chine — remonterait entre 2500 à 4500 ans avant notre ère, soit bien avant les Xia, mais surtout à des dates qui auraient témoigné de l’avènement de personnages légendaires de la Chine jadis.
Nous citerons, par exemple, Cang Jie (蒼頡) qui aurait inventé l’écriture chinoise vers 2750 avant notre ère et l’Empereur Jaune (黃帝) qui aurait vécu de 2698 à 2598 avant notre ère, et serait le père de la civilisation chinoise. Les fondations des mythes de ces deux personnages se voient ainsi terriblement secouées par les découvertes archéologiques assez récentes concernant les civilisations néolithiques chinoises qui co-existaient dans le bassin du fleuve Jaune au Néolithique, telles que Jiahu (7000 à 5700 avant notre ère), Liangzhu (3400 à 2250 avant notre ère), Longshan (2500 à 2000 avant notre ère), Yangshao (5000 à 3000 avant notre ère) ou encore Dawenkou (4300 à 2500 avant notre ère).
Ces civilisations — parmi d’autres encore ! — sont considérées comme les réelles inventrices de la proto-écriture et de l’écriture ossécaille, déjà développée, qu’employa la dynastie des Shang (1570 à 1046 avant notre ère).
Notons également que l’écriture ossécaille démontrait déjà la connaissance des anciens envers le ciel et la cosmologie. Le sinogramme 彗 (« comète ») possède, à titre d’exemple, une forme ossécaille en forme de balai (car la queue de la comète était comparée à sa forme) et était lui-même synonyme de bon augure.
「己卯卜,鼎(貞):今夕小子㞢(有)彗。」
Lors d’un jour Jimao (己卯) il fut demandé : ce soir les princes doivent exécuter un rituel sacrificiel pour la comète.
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L’essence de l’écriture ossécaille et son usage
L’écriture ossécaille était utilisée sous la dynastie des Shang (1570 à 1046 avant notre ère) pour la divination, par laquelle les hauts dignitaires posaient toutes sortes de questions pour s’enquérir des auspices concernant des événements futurs.
Un chaman — souvent une femme comme en témoignent de nombreux textes et sinogrammes — pouvant communiquer avec les dieux, employait comme support divinatoire des omoplates de bœufs ou encore des carapaces de tortues¹ sur lesquelles il — ou elle — gravait des inscriptions très éloignées de celles que l’on connaît à présent.
Ces inscriptions donnaient tout d’abord la date et le nom du chaman et éventuellement le nom du demandeur, puis le sujet de la question divine.
On perçait ensuite l’os employé de petits trous — un petit trou rond puis un autre plus profond juste à côté —, ensuite, on le chauffait à l’aide d’un tison ou sur le feu — probablement engendré par des plantes encore utilisées en moxibustion dont on observe parfois les points de brûlage sur les os — pour qu’y apparaissent des craquelures qui étaient interprétées comme de bon ou mauvais augure.
Notons par la même occasion que le sinogramme卜 (« divination ») représentait le (grand) bruit que faisait l’os d’animal en se craquelant en deux parties, une grande et une petite. Le sujet de la divination était auspicieux si la craquelure prenait cette forme de 卜.
En fonction de la direction de la craquelure, celui qui demandait audience aux maintes divinités anciennes — il était par ailleurs le plus fréquent que le souverain demandât lui-même cette aide divine lors d’événements importants — pouvait comprendre s’il était auspicieux (吉) ou omineux (凶) d’entreprendre tel ou tel projet tout à fait commun ou de plus grande ampleur. Ces deux sinogrammes sont en outre toujours employés dans les temples et autres pratiques religieuses pour parler de bon ou mauvais augure.
Une grande créance était accordée à cette pratique divinatoire à laquelle on semblait presque tout demander : issue des rituels sacrificiels — humains ou animaux (bœufs, chiens, chèvres, porcs mais aussi cochons sauvages, oiseaux, tigres et cerfs voire même buffles et rhinocéros issus de la chasse) pour apaiser les dieux si un résultat était omineux (凶) —, victoire ou défaite à la guerre, chasses, récoltes, climat, guérison d’une maladie, recherche de la bonne fortune, expédition lointaine, mais aussi pluies et sécheresses.
Le bœuf étant une possession précieuse pour un Chinois ancien et les tortues n’étant point monnaie courante, il est fort possible que ces pratiques divinatoires aient été plutôt commissionnées par des personnes de pouvoir, telles que des souverains comme précédemment mentionné.
¹ Rappelons ici l’importance et le symbolisme de la tortue dans la culture sinogrammique, qui était un symbole de bon augure — d’où son emploi en divination — mais aussi de longévité, surtout lorsque l’on sait que certaines tortues peuvent vivre jusqu’à 100 ans.
La tortue était par surcroît l’un des quatre animaux sacrés (四靈) avec le phénix (鳳), le dragon (龍), le tigre (虎) et par après la licorne (麟 ou 麐), tous symboles de bon augure et de prospérité.
Le plastron plat (ou le ventre) de la tortue symbolisait la Terre (Yin) telle que représentée dans le monde ancien, soit entièrement plate ; et sa carapace bombée semblait comme la voûte céleste, soit le ciel (Yang).
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《Un exemple d’écriture ossécaille》
「癸巳卜,殼貞:旬亡禍?王占曰:乃茲亦有祟,若稱。甲午,王往逐兕,小臣載車馬,硪馭王車,子央亦墜。」
Un jour Guisi (癸巳) il fut demandé (卜) : la catastrophe s’abattra-t-elle dans les dix jours à venir ? Le roi Wuding¹ (après avoir consulté les auspices et craquelures sur l’os ou l’écaille) prédit : catastrophe il y aura à nouveau dans la prochaine dizaine de jours. Lorsqu’au jour Jiawu (甲午) le roi s’en fut chasser le rhinocéros (ou le buffle), la voiture du courtisan Chu heurta celle du roi et le prince Yang tomba du véhicule royal.
¹Éminent roi des Shang ayant vécu de 1250 à 1192, très croyant des auspices, surtout lorsqu’il partait en chasse.
La scène ci-dessus est célèbre pour parler des auspices liés aux écritures ossécailles.
Les sites archéologiques à notre époque
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À présent le site de Yinxu (殷墟) — littéralement « ruines de Yin », ancienne capitale des Shang —, province du Henan (河南), ville-préfecture d’Anyang (安阳市), petit village de Xiaotun (小屯) constitue le site le plus important dans l’étude de ces écritures ossécailles, avec 100 000 à 150 000 fragments déterrés, parmi lesquels 4500-5000 comportant des écritures, dont 1500 ont été élucidés.
Ce qui signifie que l’étude des caractères ossécailles ne fait que commencer (ou bien se trouve être très limitée car la plupart des caractères existant n’étant que des noms de chamans, hauts dignitaires ou encore lieux et dates de divination).
Rappelons qu’avant la découverte majeure de ces fragments d’os comportant lesdites écritures ossécailles, les populations locales de Xiaotun avaient tout à fait conscience de leur existence tout en ignorant leur importance ; et les utilisaient ainsi sous le nom « d’os de dragon (龍骨) », comme cité précédemment, en tant que remède médical, en prenant auparavant bien soin de gratter les écritures avant de les réduire à l’état de poudre.
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Après l’écriture ossécaille
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Les lettres et les mœurs sont bien souvent emportés par les vicissitudes du temps et de l’histoire, et l’écriture chinoise ne fait pas exception.
La dynastie des Shang (商) (1570 à 1046 avant notre ère) — principaux adeptes de cette ancestrale écriture —, utilisait, comme nous l’avons vu, l’écriture ossécaille pour ses rituels divinatoires et sacrificiels, mais ce ne fut pas le cas des dynasties suivantes.
La dynastie des Zhou (周) (1046 à 256 avant notre ère) — ou du moins quelques personnes de haut rang de cette période — fit graver des formes archaïques de l’écriture chinoise sur des objets rituels, ou encore des chaudrons en bronze, dans un style que l’on nomma « style bronze (金文) ».
La période des Printemps et Automnes (春秋) (771 au Ve siècle avant notre ère) nous vit assister — avec le style sigillaire du Grand Sceau (大篆) — à une grande débâcle de l’écriture et à la formation de nombreuses variantes de sinogrammes, mais qui étaient parfois tout à fait remarquables car fort semblables au style ossécaille !
On écrivit, à la période des Royaumes Combattants (戰國) (du Ve siècle avant notre ère à la dynastie Qin) principalement sur de la soie ou des lamelles de bambou (簡帛 ou 竹帛) ou de bois, des matériaux fort peu durables. Ces lamelles en bambou ou bois sont par ailleurs très probablement à l’origine du sens de l’écriture chinoise (de haut en bas et de droite à gauche).
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Les Hans (漢朝) (206 avant à 9 de notre ère, puis de 23 à 220) puis avant eux l’Empereur totalitaire Qin Shi Huang Di (秦始皇帝) (221 à 206 avant notre ère) et sa dynastie Qin (秦朝) unifièrent l’écriture au IIe siècle avant notre ère par l’invention du style Petit Sceau (小篆). C’est pour cela que le mot « sinogramme » s’écrit « 漢字 », soit « lettres » (字) des « Hans » (漢).
Nous utilisons à notre époque le style régulier (楷書). L’écriture de chancellerie (隷書), (forme simplifiée de l’écriture petit sceau), l’écriture cursive (草書) (dérivée de l’écriture de chancellerie), et l’écriture semi-cursive (行書) étant plutôt réservées à la calligraphie.
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L’écriture ossécaille à notre époque
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En remontant à l’année de sa découverte, l’écriture ossécaille n’existe réellement dans nos esprits que depuis quelque 120 ans, et se trouve être de ce fait très récente pour l’une des formes les plus archaïques des sinogrammes.
Elle a en effet été découverte en 1899 mais après cela, l’histoire n’étant alors pas favorable à l’étude — c’était alors le temps des révolutions et de la chute de la dernière dynastie chinoise — cette écriture n’a été exhumée puis examinée que dans les années 1920 et 1930. C’est en revanche réellement qu’après les guerres et la période maoïste que les chercheurs peuvent se pencher sur l’essence de cette écriture, et tout récemment que l’on en crée des bases de données.
Il se trouve aussi que très peu d’importance a été accordée à cette forme d’écriture car elle n’est pas matière enseignée à l’école et nos professeurs — et leurs professeurs avant eux — n’ont pas considéré assez son importance car ils méconnaissaient simplement ces sinogrammes archaïques.
Or, à notre siècle, des progrès et découvertes considérables ont été réalisés à propos de l’écriture ossécaille, dont l’existence permet de comprendre toute l’évolution et le sens de nombreux sinogrammes.
En tant qu’apprenants — mais aussi natifs — nous écrivons souvent les sinogrammes comme l’académisme des lettrés l’a toujours voulu : c’est la main et le cerveau qui s’en souviennent à force de nombreuses heures passées à les écrire sans contexte aucun.
Cet apprentissage dénué de sens peut maintenant être presque tout à fait obvié ; car l’écriture ossécaille permet non seulement de comprendre l’évolution des sinogrammes et leur étymologie, mais parfois d’en comprendre chaque trait ainsi que chaque changement et erreur dus aux mésinterprétations ou autres changements brusques survenus au fil du temps.
Cela représente ainsi une aide considérable pour les nouveaux apprenants et les autres plus chevronnés qui apprennent les sinogrammes ou cherchent à les comprendre.
Qui eût cru par exemple que le sinogramme 虹 (« arc-en-ciel ») était une aberration phonétique produite par le style sigillaire et ignorant complètement la forme ossécaille représentant, elle, un arc-en-ciel à lier à la mythologie chinoise ; ou encore que 萬 | 万 (« dix mille ») représentait un scorpion en style ossécaille ; ou même que 中 (« centre ; milieu ») représentait autrefois un pavillon de guerre dont le sens a dérivé.
Des centaines d’histoires qui remontent aux origines des sinogrammes nous attendent, pour ainsi conforter la compréhension que nous en avons. Les voir et les comprendre c’est saisir presque intégralement ce que l’on écrit à présent en chinois, japonais et coréen, soit accéder à des clefs majeures qui n’existent que depuis notre époque.
Pour effectuer vos propres recherches, l’écriture ossécaille s’appelle :
– 甲骨文 [jiǎgǔwén] ou (ㄐ—ㄚˇ ㄍㄨˇ ㄨㄣˊ) en chinois ;
– 갑골문 (甲骨文) en coréen ;
– 甲骨文字 (こうこつもじ) ou 甲骨文 (こうこつぶん) en japonais.
Mais attention les sources japonaises sont malheureusement très peu fiables et souvent pleines d’élucubrations basées sur la forme des sinogrammes au style sigillaire soit près de 1000 ans après l’écriture ossécaille.
Pour comprendre réellement un sinogramme, il faut se baser sur sa forme ossécaille, si elle existe ; sans ce faire, il serait équivalant de dire que l’histoire de l’écriture chinoise débute à l’époque des Hans.
Les six formes de sinogrammes
Traditionnellement, il existe six formes de sinogrammes que nous allons voir dans ce court chapitre. Le chinois classique et la calligraphie les appellent 六書, ou six (六) manières d’écrire (書).
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Première forme (象形)
Sinogrammes possédant une forme antique, soit ossécaille, soit bronze, et dits « représentatifs ». Ils ont toujours représenté le même concept parlant et possèdent en général une histoire en rapport avec leurs racines.
Nous voyons 火 (feu) et 水 (eau).
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Seconde forme (指事)
Sinogrammes désignant un concept abstrait, par l’insinuation d’une partie d’un objet ou d’un corps ; ils sont dits « suggestifs ». On désigne ainsi le sens du sinogramme par un trait placé dans un certain sens ou un point sur le sinogramme.
Nous voyons ici 中 (milieu ; centre (ancien drapeau de guerre, au « centre » de toute chose) et 殺 (tuer (personne se faisant couper un membre)
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Troisième forme (形声 | 形聲)
Sinogrammes utilisant une partie phonétique et sémantique ; ils sont en général composés de plusieurs sinogrammes de la première forme, et sont dits « phono-sémantiques ». Ces sinogrammes sont tout à fait artificiels et datent en général du style sigillaire.
Nous voyons 語 (langue) et 健 (robuste).
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Quatrième forme (会意 | 會意)
Sinogrammes possédant une forme antique et désignant un concept abstrait, dits « composés ». Il s’agit en général de deux sinogrammes possédant une forme ossécaille et bronze qui sont assemblés pour former un concept plus complexe.
Nous voyons ici 男 (homme (la force (力) des champs (田) étant un « homme »)) et 森 (forêt (où l’on observe trois arbres (木), trois étant synonyme de multitude).
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Cinquième forme (转注 | 転注 | 轉註)
Sinogrammes possédant une même origine mais un sens légèrement différent ; ils sont dits « semi-dérivés ». Ce sont les plus rares et les moins compris et il existe différentes théories à leur sujet.
Nous voyons ici 考 (examiner (vieille personne dont on met l’accent sur la tête) et 老 (vieux (vieille personne dont on met l’accent sur la canne et donc la vieillesse)).
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Sixième forme (仮借 | 假借)
Sinogrammes possédant un sens archaïque complètement oublié souvent au profit d’un sens tout à fait grammatical, dits « empruntants ». Cette forme semble souvent perturbante pour les chercheurs et autres sinologues qui se démènent parfois pour trouver un lien entre le sens premier et le plus récent, ce qui s’avère malheureusement souvent vain.
Nous voyons ici 然 (ainsi (autrefois griller, cuire (de la viande chien ou d’oiseau)) et 也 (aussi ; être (classique) autrefois un serpent mythologique).
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Les variantes
Dans notre apprentissage du chinois, japonais ou coréen, nous allons forcément rencontrer un moment ou un autre ce que l’on appelle des « variantes ».
Nous en croiserons également de nombreuses dans cet ouvrage, et tout le long de notre aventure sinogrammique. Voici avant tout leur nom originel :
- 异体字| 異體字 [yìtǐzì] ou —ˋ ㄊ—ˇ ㄗˋ en chinois ;
- 異体字 en japonais,
- 이체자 (異體字) en coréen.
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Ces sinogrammes, souvent très mystérieux, sont les dérivations de même sens et prononciation d’un seul sinogramme. Il en existe un nombre incalculable et c’est l’époque, les mœurs ou encore les différentes régions d’une Chine fragmentée dans l’histoire qui les ont engendrés.
Les variantes nous retransmettent ainsi — toutefois sans beaucoup d’espoir de compréhension — les visions et mœurs de la Chine d’autrefois. Jadis à l’époque des Printemps et Automnes puis des Royaumes Combattants (du Ve siècle à 221 avant notre ère), les variantes ont foisonné en ces temps durant lesquels la Chine était morcelée en sept petits États : chacun d’eux était indépendant et possédait donc bien souvent son propre style pour écrire les sinogrammes.
Le royaume de Chu fut d’ailleurs proéminent en ce genre. Sous les Hans (206 avant à 9 de notre ère, puis de 23 à 220), et notamment à l’époque de Qin Shi Huang Qi (de 259 à 210 avant notre ère) qui mit fin à l’époque des Royaumes Combattants, les sinogrammes furent unifiés par le style sigillaire du petit sceau (小篆). Le nom traditionnel des sinogrammes 漢字 (hanzi) provient par ailleurs de ces mêmes Hans, soit « lettres (字) des Hans (漢) », comme mentionné précédemment.
L’intérêt crucial des variantes est dû à ce que certaines se rapprochent fortement de la forme ossécaille ou bronze d’un sinogramme, ce qui les rend parfois beaucoup plus compréhensibles que leurs contemporaines, mais aussi tout à fait digne d’être observées.
Il ne faudrait en revanche pas confondre ces variantes avec les sinogrammes traditionnels, ces derniers étant le plus souvent issus d’une forme ossécaille ou bronze, et représentant par conséquent — le plus souvent — la forme la plus intacte des sinogrammes qui nous est parvenue.
Les variantes sont le plus souvent utilisées en littérature ou dans la poésie car elles possèdent un goût particulier qui se savoure bien mieux lorsqu’il est échampi au sein d’un texte littéraire. Nous avons déjà observé quelques variantes dans les histoires de sinogrammes de NicoDico, mais nous allons en revoir ici quelques-unes et certaines mises en contexte.
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L’invention d’une écriture native : entre nature et boréen
Alphabets et écritures syllabiques
Nous savons désormais que les langues du monde résultent d’une lente évolution depuis le Paléolithique inférieur jusqu’à nos temps et que nous parlons et écrivons les formes qui en descendent.
Le boréen (-300 000 à -10 000), la plus ancienne langue qu’il semble possible de reconstituer et l’ancêtre de toutes les langues de l’hémisphère nord, a grandement influencé l’invention des lettres de l’alphabet, des Égyptiens aux Phéniciens puis Grecs.
De A à Z, toutes les lettres de l’alphabet qui ont évolué des Égyptiens, aux Phéniciens puis Grecs et Latins dénotent l’influence prééminente du boréen. L’écriture native est ainsi une réflexion inconsciente d’au moins 40 000 ans qui se conscientise vers le Néolithique il y a environ 5000 ans.
Toutes les illustrations ci-dessous ont été réalisées par NicoDico (les glyphes antérieurs aux hiéroglyphes appartiennent plus à l’imagerie sapienne universelle plutôt qu’à l’imagerie afro-asiatique) :
Lettre | Boréen (environ -40 000 à -10 000) | Afro-asiatique (environ -10 000 à -6000) | Égyptien (environ -3000) | Proto-sinaïtique (environ -1750) | Phénicien (environ -1000) | Grec archaïque (environ -800) | Latin (environ -600) |
A | ![]() *« peka (bétail) (peinture rupestre de Lascaux (bison)) | ![]() *kaʔ-/*kaw- (bœuf) (perte initiale) ou *ʔirw/y- ~ *ʔawr- (bœuf ; veau) (pétroglyphe de Bi’r Hima) | ![]() “ka (kꜣ)” ou ỉr (bœuf ; agneau) | ![]() (perte initiale de la consonne devenant glottale) Le mot « calf » (veau) semble refléter ce mot emprunté | ![]() | A alpha | A (arabe = alif ( أ)) |
B | *« bata » (maison ; bâtir) | *bay-t- (maison, bâtir) | ![]() par (pr) (maison) (irrégularité phonétique) | ![]() bayt (maison) | ![]() bet | B beta | B (arabe = ba ( ب)) |
C | Cf. lettre « g » : « c » est une variante de « g » | ||||||
D | ![]() *« dagu » (poisson (mot ancien)) (poisson de la grotte de Niaux) | *da/ug- (poisson) | ![]() ʕdw ou bw (dat) (poisson (barbeau ou tilapia du Nile)) | ![]() (poisson) (On prend la nageoire du poisson !) | ![]() | Δ delta | D (arabe = da (ﺩ)) |
E | *hu, he, ge(w) (cri de joie) | *henay (joie, jubilation (barque d’Henou)) | ![]() | ![]() hll ou he (louer ; vanter) | ![]() he | E epsilon | E (arabe = ha (ه)) |
F (Y puis V, U, W) | * « hara » (casser ; briser) | *ḥaway- (casser) ou *hud- (casser) | ![]() *hud(j) (massue ; sceptre (pouvoir et destruction)) | ![]() uph | waw (contamination de deux racines) (massue ; sceptre) | ![]() | F digamma | F (arabe = waw (ﻭ)) |
G (C) | (?) | ![]() (pétroglyphe du Chad, Montagne de Tibesti) | ![]() gm(l) (?) Mot absent en égyptien ancien (tabou du dromadaire, chameau) Le mot est remplacé par un bâton de jet signifiant « pays étranger » d’où viennent peut-être les chameaux. | ![]() (chameau ; dromadaire) | ![]() | Γ gamma | G (arabe = dja (ﺝ)) |
H | *gera (enceindre) | ![]() (mur ; maison (palais)) (pétroglyphe nord-africain) | ![]() ((mur ; partie d’)un palais) | ![]() (court (palais)) | ![]() (les plus aguerris auront remarqué la ressemblance avec le sinogramme 日 (jour)) | H heta | H (arabe = kha (خ) et ha (ح)) |
I, J | ![]() *« adu » (main ; bras) (Chasseur paléolithique supérieur : monde) | ![]() (Bras de chasseur namibien) | ![]() (main) | ![]() (hand) | ![]() | I iota | I, J (arabe = ya (ﻱ)) |
K | ![]() *« gaupa ; kaupa » (creux du pied, de la main) (Mains négatives : monde) | ![]() (Main d’un caravaniste : pétroglyphe de Shuwaymis, Péninsule arabique) | ![]() est appliqué à ḏrt (djeret) (main) (contamination de deux racines) | ![]() kap (paume) | ![]() kaf | K kappa | K (arabe = kaf (ك)) |
L | * « hela » (branche ; bâton) | ![]() (bâton) (Bâton tenu par un chasseur, pétroglyphe de Wadi Baramiya-9 Égypte) | ![]() (aiguillon (bâton de berger)) | ![]() (aiguillon) | ![]() | Λ ou λ lambda | L (arabe = lam (ل)) |
M | ![]() *« mawa » (mer) (Symbole paléolithique pour la mer : monde) | ![]() (mer ; eau) (Possible continuité symbolique) | ![]() (eau) | ![]() (eau) | ![]() | M mu | M (arabe = mim (م))) |
N | ![]() *« nega ; naga » (serpent ; ramper) (Motif serpentiforme paléolithique : monde) | ![]() (serpent) (probable continuité symbolique) | ![]() (serpent) | ![]() | ![]() nun | N nu | N (arabe = nun (ن)) |
O | ![]() * « hena ; hana » (œil) (Grotte Chauvet : œil de lion des cavernes. Les yeux humains semblent très rares) | ![]() (œil) (Tête humaine dépourvue d’œil, pétroglyphe de Namibie) | ![]() (œil) | ![]() en (œil) | ![]() | O omicron | O (arabe = ayn (ع)) |
P | ![]() *« hapa » (bouche ; ouverture) (Bouche de rhinocéros laineux, Chauvet. Peu de bouches humaines.) | ![]() (Museau de girafe, pétroglyphe namibien) | ![]() (bouche) | ![]() pit (bouche) | ![]() | π pi | P (arabe= fa (ف)) |
Q | ![]() (Mot ancestral en « q ; g » perdu pour le singe) (Pétroglyphe de la vallée de l’Indus) | *gVḥ-gVḥ- (singe) | ![]() gjf ou gỉf (gwafa (?)) (singe (vervet bleu)) | ![]() qoba (chas (aiguille)) (contamination par une racine en qaf signifiant « chas d’une aiguille » (probable oubli du sens dès la simplification en proto-sinaïtique comme parfois en sinogramme)) | ![]() | Ϙ qoppa | Q (arabe = qaf (ﻕ)) |
R | ![]() *« kira » (?) (tête) ou ![]() *« nera » (soleil) (Tête de chasseur paléolithique et soleil levant : monde) | ![]() (tête) (perte initiale) ou ![]() *raʕ- (Ra, Re (dieu du soleil à la tête couronnée)) (Tête humaine, pétroglyphe de Namibie, Soleil, pétroglyphe sud-africain) | ![]() tp (twaba) (tête) contaminé par hA (nuque) ou rꜥ (ra) (Ra, Re (dieu du soleil)) | ![]() ra’s (tête) | ![]() | Ρ, ρ ou ϱ rho | R (arabe = ra (ﺭ)) |
S | ![]() *« tchenu » (objet pointu) (Corne de rhinocéros des cavernes, Chauvet) | *sin- (dent ; objet pointu) | ![]() t_s (tsa) (?) (dent) | ![]() (dent) | ![]() | Σ sigma | S (arabe = shin (ش)) |
T | ![]() *« tara » (tirer) et *« teku » ((Bruit du) rouet) (Signe cruciforme paléolithique : monde) | ![]() (surcharger (croix d’un faix)) venant de *tar- (tirer) (?) et *ṭaʔ/w- (tisser, filer) | ![]() (charger) (perte initiale) | ![]() taw (marque) | ![]() | Τ tau | T (arabe = ta (ت) et tha (ث)) |
U | Cf. lettre « f », dont elle est la variante | ||||||
V | Cf. lettre « f », dont elle est la variante | ||||||
W | inventée au VII ou VIIe siècle via la lettre « f » puis « v » | ||||||
X | ![]() (tenir (debout)) (racine très irrégulière probablement fort contaminée) (Chasseur aborigène australien, parc de Kakadu) | ![]() (tenir (debout)) (Chasseur soudanais, Karkur Talh) | ![]() ḏd (*djed) (stabilité) contaminé par la racine *smk (soutenir –> nourrir–> poisson) | ![]() samk (poisson) | ![]() | Ψ (Psi) et X (Chi) Trois lettres grecques existaient dont le son s’apparentait à « x » : Ξ (Xi), Χ (Chi), Ψ (Psi) mais seule la première a survécu | X (arabe = sin (س)) |
Y | Cf. lettre « f », dont elle dérive | Υ Upsilon, Ypsilon | Y | ||||
Z | *« djawa » (attacher) | *ʒaw/y- (corde) | ![]() izy (corde (; menottes) | ![]() zayt (menottes) | ![]() | Z zeta | Z (arabe = zayin (ﺯ)) |
Quelques observations
I) Les lecteurs aguerris auront repéré la ressemblance entre la lettre « zayin » en phénicien et le sinogramme 工 (travail ; outil) dont la forme ossécaille était probablement un outil, voire une arme !
II) Mais encore la lettre « hayt » en phénicien et le sinogramme 日 (jour ; soleil), démontrant à nouveau l’universalité des signes et symboles du monde, mais aussi les limites d’Homo sapiens.
III) Au vu de l’influence puissante de la mer, dont le mouvement semble avoir fortement imprégné l’inconscient d’Homo sapiens influençant jusqu’à la genèse de la lettre M, il semblerait peu étonnant que le mot boréen *mawa (mer) ait engendré le mot *mowa (mouvement), reconstruit ci-dessus.
Les vagues sont ainsi le mouvement (mowa) de la mer (mawa), influençant la lettre et les motifs dessinés.
Vers la fin du Néolithique, au début de l’Âge du Cuivre, aux alentours de -3500, les civilisations du Levant croissent progressivement et ressentent le besoin de recenser par écrit les denrées (végétales et animales) qu’elles collectent et stockent dans les temples, mais aussi d’archiver leurs transactions commerciales.
Les Sumériens de la ville d’Uruk en Mésopotamie (sud de l’Iraq actuel) seront ainsi les premiers à créer (au moins) vers -3200 une écriture native, le cunéiforme, en adéquation avec la langue orale et permettant de garder trace des informations.
Évitons toutefois la pensée dogmatique : cette écriture se basait déjà sur des formes d’art-écriture antérieures datant du Mésolithique (au moins -8500) et pratiquées à l’aide de symboles sur des petits jetons d’argile simples en forme de disques ou de pyramides, puis d’autres plus complexes, avant de créer des boules d’argile et enfin des tablettes d’argile.
Ces tablettes permettaient déjà d’y inscrire les biens d’une personne, et semblaient adaptées aux modes de vie paléolithique-néolithique, mi-chasseur-cueilleur-pêcheur, mi-agriculteur des habitants de la Mésopotamie.
L’écriture sacrée des chercheurs dits « orientalistes », le cunéiforme, est ainsi lui aussi issu d’une lente évolution (au moins) depuis le Mésolithique jusqu’à la fin du Néolithique ; une écriture native travaillée et réfléchie ne peut surgir soudain des limbes d’un passé récent.
Sur des tablettes d’argile mouillées, les Sumériens inscriront ainsi des sortes « clous », la forme la plus représentative du cunéiforme, à l’aide d’un calame avant de laisser sécher ces tablettes au soleil. Les premières formes de l’écriture cunéiforme demeuraient cependant très synthétiques et figuratives, plus proches de figures animalières et motifs naturels, ne reflétant ainsi que peu la langue orale.
Ce n’est qu’aux environs de -3000 que cette écriture native ne cède davantage la place aux sons de la langue orale et vers le deuxième millénaire qu’elle ressemblera aux « clous » qui la distinguent tant.
Un parallèle intéressant sera d’observer que les métallurgistes réalisant les bronzes de l’époque des Zhou (-1046 à -221) imprimeront des sinogrammes en forme « bronze » sur les vases caractéristiques de cette dynastie et pesant jusqu’à plusieurs centaines de kilos, d’une manière similaire aux Sumériens. Ils inscrivaient en effet des sinogrammes dans un bloc d’argile mouillé qu’ils pressaient sur un second qui s’encrait dans le moule de l’objet en bronze avant d’être fondu.
L’écriture cunéiforme servira également à écrire d’autres langues que le sumérien, en pratiquant quelques adaptations stylistiques ou phonétiques, comme l’akkadien ou encore le hittite, des idiomes avoisinants de culture proche désormais déchus.
À nouveau, il sera intéressant d’observer que ces adaptations ressemblent fortement aux variantes des sinogrammes, que les petits États de l’époque des Printemps et Automnes (771 au Ve siècle avant notre ère) puis Royaumes Combattants (Ve siècle à 221 avant notre ère) développeront tandis que les sinogrammes ne sont pas encore unifiés.
Les lecteurs les plus avertis auront également repéré la ressemblance étroite avec l’usage phonétique des sinogrammes que faisaient les péninsulaires coréens et les Japonais avant d’inventer leur écriture native.
Cette longue évolution depuis le Mésolithique du cunéiforme aura ainsi donné naissance à l’écriture native des Mésopotamiens, qui périclitera à l’effondrement de ces civilisations du Levant vers le premier siècle avant notre ère.
À nouveau, cette pratique antique mésopotamienne rappellera probablement au lecteur que la céramique du Néolithique était autrefois séchée au soleil, et que les Sino-Tibétains y auront marqué les premières formes des sinogrammes, antérieures aux formes ossécailles…
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https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bill_of_sale_Louvre_AO3765.jpg
Suivant un long développement depuis des pétroglyphes remontant au moins au Mésolithique, à diverses poteries marquées de signes et autres sceaux, les Égyptiens (peuples parlant une langue afro-asiatique descendant du boréen) élaboreront les hiéroglyphes vers -3000, un art-écriture parlant, au plus proche des choses terriennes, mais tout d’abord réservé à l’élite.
Rappelons au passage que les sinogrammes et les kanas japonais étaient eux-aussi tout d’abord réservés à certains priviligiés.
Le hiéroglyphe représente l’art-écriture par excellence que l’on engravait d’abord sur des temples et tombeaux, mais également sur des tablettes en ivoire, à l’instar des tablettes mésopotamiennes. Quelques siècles plus tard l’invention du papyrus suivra vers le IIe millénaire qui aidera grandement les scribes à garder des traces écrites.
Il sera à nouveau intéressant de tirer un parallèle avec l’invention des sinogrammes premièrement inscrits eux-aussi sur des poteries néolithiques puis évoluant en art-écriture réservé aux élites, au plus proche des choses de la nature et gravés sur os de bovidés et écailles de tortues.
Certains chercheurs pensent, au vu des similitudes apparentes, que les Sumériens auraient influencé les Égyptiens dans la conception des hiéroglyphes mais aussi des pyramides, au vu des échanges internationaux techno-culturels ayant pris place entre ces deux civilisations antiques.
Cette hypothèse semble corroborée par le caractère mi-phonétique mi-sémantique du cunéiforme et des hiéroglyphes, et l’antériorité des ziggurats par rapport aux pyramides qui s’élèvent toutes deux vers les cieux.
En notant quelques différences avec la vision des péninsulaires coréens et des Japonais de Yamato envers les sinogrammes, les Égyptiens n’ont guère emprunté l’écriture native des Mésopotamiens, mais semblent avoir créé la leur, recevant sans doute quelque inspiration levantine.
Observons enfin que l’écriture la plus dérivée des sinogrammes, les kanas, montre une dérivation qui ressemble fortement à celle du démotique égyptien en provenance des hiéroglyphes : les hiéroglyphes sont des symboles phonétiques et sémantiques natifs (sinogrammes), le hiératique est une simplification du premier (écriture sigillaire du petit sceau, cursive ou de chancellerie) duquel dérive le démotique (kanas), puis le copte désormais désuet.
L’influence mutuelle due à un passé commun engendre souvent de nouvelles idées qui se répandent.
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https://en.wikipedia.org/wiki/Egyptian_hieroglyphs#/media/File:Minnakht_01.JPG
Ci-dessous une comparaison des grandes écritures natives du monde et leur universalité sapienne commune :
Concept-Boréen | Chine (sinogramme) | Égypte (hiéroglyphe) | Mésopotamie (Cunéiforme) | Maya (Glyphe) | Indus (sceau) |
Oiseau *cipa ou *tshika (etc.) (vient de son cri) | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
![]() | ![]() | ![]() | |||
![]() Forme sigillaire | ![]() | ![]() | |||
![]() Forme régulière | ![]() | ||||
Poisson *dagu (etc) | ![]() Forme ossécaille | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
![]() Forme bronze | ![]() | ![]() Sumérien II | |||
![]() Forme sigillaire | ![]() Démotique | ![]() Babylonien | |||
![]() Forme régulière | ![]() | ||||
Soleil *nera ou *zawa | ![]() ou ![]() Symbole néolithique | ![]() Hiéroglyphe | ![]() Sumérien I | ![]() | ![]() |
![]() Forme ossécaille | ![]() Hiératique | ![]() Sumérien II | |||
![]() Forme bronze | ![]() Démotique | ![]() Babylonien | |||
![]() Forme sigillaire | ![]() Assyrien | ||||
![]() Forme régulière |
Vers le deuxième millénaire avant notre ère, les Phéniciens, un peuple de marchands du Levant se mettent à développer, dans la continuité des hiéroglyphes et du cunéiforme (mais aussi des glyphes méso-néolithiques et de l’art-écriture du Paléolithique), une écriture native qui ne soit cette fois pas syllabique mais garde un son pour un signe.
On écrivait par conséquent que les consonnes, une influence de l’égyptien dont les voyelles changeaient en fonction du mot qui suivait.
Cette tradition égypto-phénicienne se perpétue en proto-arabe (Ve siècle avant notre ère), puis en arabe (littéraire) un millénaire plus tard, où les voyelles sont notées pour les enfants, les mots rares et les apprenants par des signes appelés diacritiques.
Notons au demeurant que les Phéniciens parlaient une langue sémitique, le phénicien, appartenant lui aussi à l’afro-asiatique, une branche du boréen. Les locuteurs de l’arabe (proto-sémitique) descendent également de populations dont les langues se rattachent au boréen.
Au moins vers le XIXe siècle avant notre ère, les Grecs adoptent l’alphabet phénicien, et le dotent de voyelles, avant que les Romains le nativisent pour qu’il nous parvienne via le latin.
L’invention de l’alphabet fut certes révolutionnaire, mais rompit totalement avec la tradition méso-néolithique associant une syllabe à une forme d’écriture native, qui, selon certaines études neuroscientifiques, se révèle beaucoup plus efficace dans son acquisition et sa lecture.
Le lecteur, même s’il n’en connaît pas (ou plus) le son, peut en effet associer directement un sens à un sinogramme, un hiéroglyphe, du cunéiforme ancien, un glyphe maya ou un sceau de l’Indus, ce qui n’est plus le cas de l’alphabet, mais aussi d’écritures natives comme le tibétain ou le hangul, dont l’avantage réside certainement dans leur compactibilité.
Le caractère non pictographique et parfois non intuitif des écritures natives récentes semble conforter leur contemporanéité, lorsqu’on les compare à d’autres écritures natives plus anciennes.
Les sceaux de l’Indus
Le tableau comparatif ci-dessus mentionne les sceaux de la vallée de l’Indus, une grande civilisation datant du Néolithique dont la génétique et l’archéologie contemporaines commencent à démêler les entrelacs du passé.
Ces sceaux semblent également survenir de l’intérêt grandi des bureaucrates à garder une trace écrite de la langue orale ; ils sont aussi probablement liés au commerce ou encore au comptage des ressources, compte tenu de la quantité d’animaux gravés.
On compte près de 5000 objets anciens gravés et 400 symboles ; malgré cela, cette écriture native demeure mystérieuse.
Les civilisations de l’Indus étant également indo-européennes dans leurs gènes et influencées par cette langue avant de s’adapter localement, les sons liés aux sceaux administratifs ont dû subir l’influence lointaine du boréen.
Quiconque pourra réellement déchiffrer ces sceaux en révélera l’importance et l’influence.
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https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Indus_civilisation_seal_unicorn_at_Indian_Museum,_Kolkata.jpg
Les écritures mésoaméricaines
Vers la fin du Néolithique, les peuples mésoaméricains, descendants des peuples locuteurs du déné-caucasien (une branche précoce du boréen) qui ont franchi le détroit de Béring il y a au moins 15 000 ans ressentent également le besoin de concilier par écrit leur langue native.
Aussi les Mayas créeront-ils leur écriture native au moins vers -400, probablement dans la péninsule du Yucatan, l’endroit rassemblant le plus de ces civilisations mésoaméricaines. Descendant de la longue tradition d’art-écriture depuis le Paléolithique, l’écriture des Olmèques, une autre civilisation mésoaméricaine, semble quant à elle remonter au moins à -1000, et a probablement si ce n’est influencé, inspiré l’écriture maya.
Cette dernière se situe entre les écritures syllabiques et alphabétiques car elle consiste en des dessins symboliques (glyphes) dissimulant un son, principalement un ou plusieurs phonèmes. Certains symboles peuvent également s’employer de manière phonétique, comme en sinogramme ou en hiéroglyphe.
L’écriture maya se compose de plusieurs centaines de glyphes qui nous sont parvenus notamment par des milliers d’inscriptions gravées sur du jade, des monuments, des stèles, de la céramique, des os mais aussi du bois, du tissu et des peaux humaines et animales ; mais également par trois livres sacrés qui ont échappé à l’autodafé des conquistadors espagnols considérant les livres mayas comme hérétiques.
Cette écriture native des Mayas servait à tenir compte des échanges commerciaux entre tribus, des alliances mais aussi des évènements organisés par les puissants. On la retrouve inscrite sur des calendriers, d’une haute précision mathématique, qui s’observe également dans les constructions.
L’écriture maya a ainsi perduré durant au moins 2000 ans, avant l’arrivée des colons européens et l’effondrement de nombreuses civilisations mésoaméricaines dû aux maladies importées du vieux continent ou encore aux pillages et massacres des Européens.
Les civilisations mésoaméricaines ne se limitant aux Mayas, il existait maintes autres écritures reflétant la pensée des Déné-Caucasiens, dont les descendants partageaient une culture similaire en cette partie de l’Amérique Centrale.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Palenque_glyphs-edit1.jpg
Codex maya, source : Wikimédia
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dresden_codex,_page_2.jpg
Les glyphes de l’île de Pâques
Tout comme les civilisations mésoaméricaines, les populations polynésiennes descendent des locuteurs du déné-daïque (une branche précoce du boréen), qui ont rayonné vers le milieu du Néolithique à partir de l’île de Taïwan, pour peupler les terres exondées de l’Asie du Sud puis le Pacifique, d’îles en îlots.
Ces populations, dont la culture dite de « Laputa » ressemble fort à celle des aborigènes de Taïwan, étaient des navigateurs chevronnés ; ils connaissaient les vols des oiseaux et la signification de leurs trilles, pouvaient se repérer de nuit par la position des étoiles dans la Voie Lactée, et maîtrisaient parfaitement la navigation en eaux profondes. Cette aisance maritime leur permit de conquérir en quelques millénaires les îles du Pacifique.
La Nouvelle-Zélande, dont ils avaient conscience en observant les nuées d’oiseaux et leur origine ne les accueillit que vers 1500, à cause des courants pélagiques et dangereux qui l’entouraient. L’arrivée des peuples polynésiens en Nouvelle-Zélande fut dévastatrice, pour une terre insulaire si longtemps isolée, mais moindre comparée aux dégâts causés par les Européens, grands destructeurs du monde ancien et oblitérateurs de civilisations.
Ces populations unies à l’océan ont voyagé jusqu’au continent américain ; elles en ont rapporté la patate douce, un légume racine qui leur a permis de se sustenter davantage compte tenu de son adaptabilité aux terres insulaires de l’Océan Pacifique.
Ces conquérants des mers se sont même rendus jusqu’à l’île de Pâques (aussi appelée Rapa Nui), on l’on a retrouvé au XIXe siècle, une tablette en bois contenant de mystérieux glyphes.
Au vu de la situation isolée de l’île et de la forte emprise des eaux du Pacifique sur ces peuples, les 120 glyphes uniques de cette tablette semblent également influencés par cet environnement aqueux, un marqueur déterminant dans la création d’une écriture native.
Nous y observons donc des animaux marins mais également des palmiers et des oiseaux.
Il s’agit probablement de la seule écriture native du Pacifique qui nous est parvenue avant l’arrivée des colons européens.
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https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Rongorongo_B-v_Aruku-Kurenga_(color)_edit1.jpg
かな L’invention des kanas かな
Les kanas (katakanas et hiraganas) désignent l’écriture native japonaise et permettent d’écrire la langue orale en retransmettant avec fidélité ses sons natifs. Ces lettres sont intimement liées à la transmission des sinogrammes de la Chine au Japon (via la péninsule coréenne) et à leurs concepts inhérents.
Déjà depuis l’époque des Hans (206 avant à 9 de notre ère, puis de 23 à 220), les Japonais de l’époque de Yayoi-Kofun (-200 à 250) avaient conscience de ce qu’il existait une forme d’écriture en Chine car la cour des Hans avait offert au souverain de Yamato (l’ancien nom du Japon) un sceau en or marqué d’inscriptions en style sigillaire. Ce sceau, désormais trésor national, est un marqueur historique témoignant des relations sino-japonaises d’époque.
Les péninsulaires coréens eux-mêmes semblent avoir été profondément influencés par ces sinogrammes en forme sigillaire et prononcés en chinois médiéval lorsque les Chinois hans ont installé des colonies dans la péninsule durant près de 400 ans (environ -100 à 300).
Les péninsulaires coréens ont par la suite aidé à la transmission des sinogrammes au Japon de manière concomitante au bouddhisme vers le IVe ou le Ve siècle, premièrement via deux scribes coréens et ensuite lors d’échanges entre le royaume de Baekje (-18 à 660), dont la religion d’État était le bouddhisme. La prononciation coréenne d’antan des sinogrammes semble également avoir influé sur la lecture on (音読み), dite « lecture chinoise des sinogrammes ».
Il semble ardu de conférer une date précise à l’apprentissage des sinogrammes par les Japonais et à leur propagation au sein de la cour de Yamato (environ 250 à 700) par manque crucial de textes historiques tant bien dans la péninsule coréenne qu’au Japon. Cet article relate en détail comment maints textes et archives historiques n’ont pas pu exister ou bien ont simplement été oblitérés par le temps.
On supposera toutefois que l’apprentissage des sinogrammes a demandé plusieurs siècles, car on ne possédait à l’époque aucun livre papier ni dictionnaire et le savoir se perpétuait principalement à l’oral ou sur des supports périssables (soie, bambou, bois) réservés à l’élite.
On obtient les premières traces écrites dans le Kojiki (古事記) (714) ou encore le Nihon shoki (日本書紀) (720), deux récits mythologiques (plutôt qu’historiques) du Japon. À l’instar des péninsulaires coréens desquels ils ont probablement appris ce savoir-faire, les Japonais utilisaient les sinogrammes de manière parfois phonétique parfois sémantique, comme expliqué en détail dans cet article.
L’usage le plus marquant et quantitatif de cette méthode fut dans le Manyôshû, une anthologie de 4536 poèmes classiques japonais en vingt volumes, hautement influencés par la poésie classique chinoise, mais nativisée par ses sujets propres à l’archipel. Cette anthologie fut compilée vers l’époque Nara (710 à 794), mais aurait été augmentée au début de l’époque Heian (794 à 1185). À nouveau, l’absence d’archives rappelle cruellement notre impuissance à connaître avec précision la genèse de ces documents historiques pourtant si récents.
Des sinogrammes en écriture cursive employée en calligraphie chinoise puis japonaise dérivent les kanas (仮名), plus particulièrement les hiraganas (平仮名), une forme encore simplifiée de la première écriture, et un syllabaire de 101 sons natifs dont certains sont influencés par le chinois médiéval.
Cette simplification rappellera certainement au lecteur la transmutation des sinogrammes chinois écrits en style sigillaire du grand sceau (大篆) vers le petit sceau (小篆) puis l’écriture de chancellerie (隷書), cursive (草書) et semi-cursive (行書), pour parvenir à l’écriture régulière (楷書) que l’on emploie toujours. D’autres lecteurs associeront en l’occurrence égyptien hiéroglyphique, hiératique puis démotique et enfin copte.
Des femmes lettrées de la cour d’Heian (794 à 1185) auront probablement créé les hiraganas, l’un des syllabaires des kanas, car elles ne pouvaient apprendre les sinogrammes, appelés kanjis au Japon et réservés aux hommes.
Ces kanas, lettres natives réservées aux femmes, leur servaient à lire et écrire les poèmes japonais Waka (和歌), à composer des journaux intimes ou autres lettres.
Les katakanas, l’autre partie du syllabaire kana, quant à eux seront créés par des hommes et servaient à annoter les soutras bouddhistes en leur donnant la lecture adéquate lors des récitations, mais aussi à lire les poésies classiques chinoises ou encore à rédiger des documents officiels. Certains chercheurs mentionnent même l’utilisation en Chine de symboles non natifs pour retranscrire la prononciation des soutras bouddhiques provenant d’Inde. Cette méthode se serait ensuite transmise au Japon, donnant naissance aux katakanas.
L’influence mutuelle due à un passé commun engendre souvent de nouvelles idées qui se répandent.
Chaque katakana provient d’une partie d’un kanji (sinogramme) dont il garde la phonétique mais guère plus le sens.
Les kanas s’opposeront aux manas (真名), une autre appellation des écrits en sinogrammes chinois japonisés, aussi appelés kanbun (漢文), écrits classiques chinois (japonisés).
Les Japonais intègreront dès cette époque de manière progressive les kanas aux kanjis à l’écrit, rendant ainsi la langue écrite fortement intriquée et mêlée de mots natifs, semi-natifs et sino-coréeano-japonais, tous comportant de nombreuses exceptions dans la lecture.
Il s’agit probablement de la plus grande difficulté du japonais : retenir toutes les lectures des mots en sinogrammes.
Certains kanas dits « archaïques » disparaîtront à l’époque Meiji (1868 à 1912), ne reflétant plus une prononciation moderne du japonais.
L’écriture native japonaise n’eût toutefois pu s’utiliser uniquement pour écrire la langue, au vu de la longueur et de la non compactibilité des phrases rédigées uniquement en kanas, un trait différant du hangul coréen abordé ci-après.
Les sinogrammes sont ainsi adoptés dans la langue japonaise par défaut, mais en font désormais partie intégrante. La pensée transeurasienne différant quelque peu de son voisin sino-tibétain, le créateur des sinogrammes, elle adaptera les sinogrammes en fonction de sa vision, un aspect que nous abordons au dernier chapitre de cet article.
Le lecteur sera également intéressé par cet article, qui lui permettra d’apprendre l’alphabet phonétique de Taïwan, le Zhuyin Fuhao, dont certains signes s’apparentent fortement aux kanas.
Ci-dessous un tableau de l’évolution de trois kanas (tous les sinogrammes et kanas sont réalisés par NicoDico) :
Boréen (environ -40 000 à -10 000) | Sino-tibétain (environ -10 000 à -6000) | Ossécaille (chinois archaïque (environ -2200 à 300)) | Bronze (chinois archaïque) | Sigillaire (chinois médiéval (environ 600 à 1300)) | Régulier (chinois médiéval) | Manyôgana (environ 400 à 900) | Kana (environ 900 à…) |
*mowke (poil ; laine ; fourrure) | *maw(h) | /*maːws/ | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() (usage phonétique) | ![]() も(mo) (particule も) |
*wenlewa (bon ; doux) | *ʔwal ou *ʔɨāɫ (paix ; paisible) (On observe une femme (女) sous un toit (宀), synonyme de paix.) | ![]() (calme ; paix) | ![]() /*qaːn/ | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() (a) |
*wesu (se vêtir) | *w(y)a-t ou wit (se vêtir) (On observe un habit ample et ancien.) | ![]() (se vêtir ; vêtement) | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() え (e) |
한글 L’invention du hangul 한글
Comme précédemment mentionné et expliqué dans cet article, les sinogrammes furent la première écriture non native qui pénétra dans la péninsule coréenne.
Durant près de 400 ans, les chinois Hans (206 avant à 9 de notre ère, puis de 23 à 220) installèrent des colonies dans la péninsule qui facilitèrent énormément, bon gré mal gré, la transmission de la culture chinoise.
Les sinogrammes s’y véhiculèrent, que les natifs coréens utilisèrent premièrement de manière phonétique pour écrire leur langue par le système élitiste du Idu (expliqué ici). Ces sinogrammes à l’usage coréanisé se retrouvent dans quelques poèmes épars qui nous sont parvenus mais également gravés sur des stèles historiques.
La pensée et l’élitisme chinois enchevêtrés aux sinogrammes et au confucianisme imprégnèrent profondément les péninsulaires coréens. L’invention d’une écriture native, le hangul, s’en vit fortement retardée ; cette dernière ne se créa que 1500 ans (au moins) après la pénétration de l’écriture chinoise dans la péninsule.
En 1420, à l’époque Joseon (1392 à 1900), le roi Séjong (1397-1450), le plus fameux et quatrième souverain de cette dynastie, fit installer en son palais une annexe pour étudier les classiques chinois, le « Temple des Dignes » (집현전 | 集賢殿).
Cette annexe se basait fortement sur les rassemblements de lettrés qui étudiaient les classiques chinois au moins depuis l’époque Goryeo (918-1392), si ce n’est l’époque des Trois Royaumes (-57 à 668) lors des colonies hans.
Durant près de vingt ans, plusieurs dizaines de lettrés (et non l’unique souverain !) se penchèrent sur l’étude des classiques chinois confucianistes mais également sur l’invention d’une écriture native.
Les lettrés et l’illustre roi étaient conscients de ce que la péninsule coréenne tardait à créer une écriture native qui permettrait au peuple d’obvier la difficulté des sinogrammes.
Ce n’est qu’en 1443 que les lettrés et le roi Séjong purent résoudre ce dilemme en inventant ladite écriture native, le hangul. Ils ne la publièrent néanmoins que trois ans après cela, en 1446, sans doute après l’avoir testée afin de vérifier sa réelle application à l’écriture de la langue coréenne.
Même à cette couche si récente de l’histoire de l’art-écriture, le même phénomène multiséculaire s’observe : écriture et langue appartiennent à un long processus créatif où les deux doivent s’entremêler parfaitement.
L’invention d’une écriture native résulta de ce qu’il fallait en effet que le peuple pût comprendre et lire des informations transmises en coréen, autrement que par les sinogrammes, ardus (car inadaptés) pour les Coréens d’antan qui ne savaient guère les lire.
Cette création semblait presser le souverain qui avait connaissance des nouvelles écritures natives d’Asie comme le tibétain, les kanas ou d’autres écritures natives voisines d’Asie.
L’écriture native coréenne, création logique et magistrale, fut tout d’abord promulguée sous le nom de Hunmin Jeongum (훈민정음 | 訓民正音), ou « Sons corrects à enseigner au peuple » vers 1446. Les hanguls demeurant toutefois une écriture assez récente dans l’histoire de l’art-écriture, elle présente une essence récente ; un symbole natif ne possède pas de sens sémantique, mais juste phonétique.
Ce caractère divergent semble commun aux écritures natives relativement récentes, très pragmatiques, ne s’ancrant plus dans la tradition paléo-méso-néolithique.
Séjong se lamentait de la sorte de la difficulté des sinogrammes dans la préface de l’écrit présentant pour la première fois les hanguls :
« Les sons de notre pays diffèrent de ceux de la Chine, et communiquer avec leurs lettres ne fonctionne pas ; or la paysannerie souhaite parler, mais il s’avère qu’elle ne peut exprimer ses sentiments. Cela me semble si misérable que j’ai créé — avec l’aide de mes conseillers — vingt-huit nouvelles lettres qui seront faciles à apprendre par le peuple et donc pratiques pour un usage journalier. »
Le hangul ou « lettres (글) de la péninsule coréenne (한 | 韓) » étant en effet une écriture mûrement réfléchie et complexe dans sa simplicité, il ne peut avoir surgi de nulle part en 1443 ou 1446, comme on le véhicule çà et là de l’Internet ou le préconisent les dogmes nationalistes.
Même en tant qu’Homo sapiens au quotient intellectuel supérieur, il semble fort ardu de créer une écriture native aussi universelle et logique en l’espace de si peu de temps.
Cette écriture native se basait sur les sons du coréen médiéval d’antan (dont la graphie en hangul a désormais légèrement changé, mais peu les sons) pour retransmettre avec précision à l’écrit le coréen « standard » tel qu’on le parlait à la capitale, Hanyang (l’ancien nom de Séoul).
Quiconque étudie la langue coréenne ancienne pour en comprendre ses formes récentes réalisera la cristallisation des sons du coréen dans son écriture native, le hangul.
National Museum Korea Seoul
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hunminjeongeumhaerye_(cropped).jpg
L’écriture native coréenne s’appelle désormais hangul (한글), depuis le XXe siècle en Corée du Sud et Joseongul (조선글) (lettres de Joseon) en Corée du Nord.
Elle s’appelait avant cela Eonmun언문 (諺文), un terme qui perdure en chinois lorsque l’on veut parler du hangul (谚文)[yànwén]. Comme observé dans cet article, les sons du hangul ont grandement varié et plusieurs de ces lettres natives ont désormais disparu.
Il existe également de légères différences dans l’appellation des lettres du hangul au sud et au nord de la péninsule :
Toutes les doubles consonnes (ㄲ, ㅆ, ㅃ, ㄸ) s’appellent 쌍 (雙) (ssang) au sud et 된 (dwen) au nord.
Sud et Nord
쌍시옷 et 된시읏 (ㅆ)
쌍기역 et 된기윽 (ㄲ)
쌍비읍 et 된비읍 (ㅃ)
쌍디귿 et 된디읃 (ㄸ)
Les consonnes possèdent des noms légèrement différents. L’harmonie phonétique semble davantage maintenue au nord :
ㅅ (s) s’appelle 시옷 (shiot) au sud et 시읏 (shieut) au nord
ㄱ (g/k) s’appelle 기역 (kiyeok) au sud et기윽 (kieuk) au nord
ㄷ (d) s’appelle 디귿 (digut) au sud et 디읃 (dieut) au nord
Ce n’est que depuis 1912 que le hangul adopta cette appellation récente, lorsque le linguiste Ju Shi Gyeong (주시경) forgea et promut ce terme signifiant « lettres (글) de la péninsule coréenne (한 | 韓) ».
En 1896, la publication du premier journal en hangul, le journal de l’indépendance (독닙신문), également sous l’égide dudit lettré contribua grandement à la propagation des écrits en hanguls. Autrefois, le coréen natif et son écriture n’étaient que peu préconisés, voire dédaignés par les lettrés, qui subissaient toujours le joug du classicisme chinois.
Le hangul est une manière aisée de transcrire et lire le coréen natif.
La différence de perception transeurasienne et sino-tibétaine des sinogrammes
Comme observé précédemment, les locuteurs du sino-tibétain (déné-daïque puis sino-caucasien) et du transeurasien (boréen d’Asie de l’est) semblent issus de différents métissages entre Homo sapiens et d’autres hommes préhistoriques dont Homo erectus, Néandertal de l’Altaï, Dénisovien, mais aussi d’autres encore inconnus de l’archéologie et recensés comme « populations fantômes » par la génétique.
Cette divergence de haute ancestralité semble transparaître dans la syntaxe fondamentale du transeurasien et du sino-tibétain qui présentent de nombreuses différences (place du verbe, absence ou présence du sujet, etc.), mais également ressemblances (particules et prédicat, insinuation des choses, non conjugaison des verbes, etc.).
Sans toutefois s’arrêter à la linguistique pure et en considérant les sinogrammes, il semblerait exister des combinaisons transeurasiennes uniques, voire même typiquement coréennes des sinogrammes.
Plutôt que d’usage barbare voire illettré comme certains pourraient le prôner en référence à la diversité ethnique et aux mélanges divers qui ont engendré les péninsulaires coréens, il faudra probablement y voir une différence fondamentale dans la psyché de ces descendants des populations transeurasiennes.
Cette différence d’emploi et d’interprétation des sinogrammes pourrait céder quelques indices sur les mélanges eurasiatiques d’hommes antérieurs à Homo sapiens ou bien qui se sont accouplés avec lui après son arrivée. Dénisovien et Néandertal possédaient en effet un cerveau équivalent, voire plus gros que sapiens, mais sa structure semblait sensiblement différente.
Les Asiatiques de l’Est, en particulier les Transeurasiens étant les descendants de ces hybridations ancestrales, leur structure mentale pourrait avoir joué un rôle majeur dans cette interprétation différente des sinogrammes.
Il existe en effet des combinaisons sino-coréano-japonaises de mots en deux sinogrammes qui représentent 60% du vocabulaire des trois langues (soit plusieurs dizaines de milliers de mots).
Ces combinaisons remontent (au moins) au chinois médiéval et aux échanges sino-coréano-japonais du VIe au Xe siècle.
Les mots en deux sinogrammes étant relativement rares en sino-tibétain puis chinois archaïque, on devinera qu’ils apparaissent vers le chinois médiéval (environ 600 à 1300), lorsque le chinois rompt pied à pied avec la tradition classique.
Japonais, chinois (simplifié puis traditionnel), coréen :
préparer, préparatifs :
準備 (じゅんび | jumbi) | 准备 [zhǔnbèi] ou 準備 (ㄓㄨㄣˇ ㄅㄟˋ) | 준비 (junbi)
époque :
時代 (じだい | jidai) | 时代 [shídài] ou 時代 (ㄕˊ ㄉㄞˋ) | 시대 (shidae)
nature :
自然 (しぜん | shizen) | 自然 [zìrán] ouㄗˋ ㄖㄢˊ | 자연 (jayeon)
Il existe également des combinaisons coréano-japonaises (à forte essence transeurasienne) que les sinophones peuvent comprendre mais qu’ils ne réaliseraient de la même manière :
到着する (とうちゃく・・| tôchaku suru) et 도착하다 (到着・・| dochak hada) signifiant « arriver ; arrivée »
有料 (ゆうりょう| yûryô) et 유료하다 (有料・・|youryo hada) signifiant « payant »
気分 (きぶん| kibun) et 기분 (氣分 | kibun) signifiant « humeur »
On pourrait toutefois suspecter les deux derniers vocables d’être récents et ajoutés au vocabulaire coréen lors de la colonisation japonaise de la péninsule (1900 à 1940).
Il n’en reste pas moins que les mots formés par les descendants des Transeurasiens semblent s’adapter à leurs héritiers, mais peu pénétrer en chinois qui combine les sinogrammes à sa manière.
Quelques raisons à cette imperméabilité pourraient se citer : le mot formé s’adéquate à la logique transeurasienne mais point à la sino-tibétaine qui possède déjà ce même concept formulé autrement et le rejette donc inconsciemment.
Les Chinois et les Japonais actuels (mais aussi les péninsulaires coréens autrefois) peuvent en effet communiquer à l’aide des sinogrammes. Quoiqu’il existe des mots qui n’invitent pas à la compréhension mutuelle, ceux-ci ayant été forgés nativement par l’un ou l’autre locuteur.
Cette logique et nativisation des sinogrammes semblent intimement mêlées à la différence idéelle des deux locuteurs (sino-tibétain et transeurasien) et qui semble remonter à la divergence de leurs ancêtres.
Il existe également une perception tout à fait coréenne des sinogrammes, que sinophones et Japonais peinent parfois à saisir.
Cette nativisation propre aux péninsulaires coréens s’aperçoit encore dans l’emploi unique de certains mots composés de sinogrammes devenus courants en coréen, soit par oubli du sens même de ces sinogrammes, soit par différence ancestrale et fondamentale de psyché :
Prenons en guise d’exemple le mot 생각하다 ( saengkak hada | penser)
Il est fort possible que ce mot non natif provienne de l’une des combinaisons suivantes de hanjas (appellation des sinogrammes en coréen) :
「生覺」ou encore「省覺」 ajoutés du verbe à tout faire 하다 (hada).
La première (生覺) est une interprétation tout à fait coréenne du mot — que Japonais et sinophones peuvent comprendre mais qui n’existe pas telle quelle — car 生 signifie « vie ; vivre ; naître », mais nous l’étendrons ici au sens de « réel », et 覺 signifie « ressentir ; sentir ».
La deuxième combinaison (省覺) peut s’interpréter 省 « considération, penser » et 覺 « ressentir ; sentir ».
Ce mot 생각하다 (saengkak hada) signifiant « penser ; pensée » en coréen se pourrait ainsi comprendre : « ressenti du réel ; naissance du ressenti » ou encore « considération du ressenti », soit ce qu’est la pensée de quelqu’un envers toute chose l’environnant.
Mais encore le mot 구경하다 (kugyeong hada) signifiant « visite ; visiter » qui provient très certainement des hanjas 求 (rechercher) et 景 (paysage) ou bien 境 (« paysage », mais « pays » par extension). Ce mot pourrait de ce fait désigner, d’une manière coréanisée, la recherche des anciens Coréens du divertissement par le paysage ou d’une nouvelle contrée, d’où le sens actuel.
Pour terminer, prenons l’exemple du très courant 이사하다 (移徙・・ | isa hada) signifiant « déménager », dont le deuxième sinogramme, 徙, est assez archaïque et signifie « migration », tandis que le premier 移 ((se) déplacer) s’avère assez littéraire.
Japonais et sinophones pourraient comprendre cet emploi tout à fait coréen des sinogrammes, quoique difficilement dans le sens de « déménager », un mot si peu soutenu pour deux sinogrammes si complexes.
Ainsi, il semblerait que la psyché transeurasienne puisse non seulement s’observer auprès des mots basaux (expliqués dans cet article) qui ont probablement différé lors de la première grande scission des langues vers -50 000 et les différentes migrations d’Homo sapiens partant vers l’Asie et l’Europe, mais également auprès des sinogrammes, plus récents.
Cette différence fondamentale et cruciale de ces locuteurs semblerait témoigner d’un mélange avec des populations ancestrales et locales qui auraient arboré un mental diamétralement différent de celui d’Homo sapiens, et variant légèrement de l’esprit des locuteuts du déné-caucasien.
Les recherches semblent maintenant devoir se diriger vers le cas suivant : malgré les dizaines, voire centaines, de milliers d’années de cohabitation en Eurasie de diverses populations ancestrales incluant Néandertal, Dénisovien, Homo erectus et d’autres présentement inconnues, quand la scission mentale entre les locuteurs du sino-caucasien et du transeurasien s’est-elle opérée ?
Était-elle antérieure à l’arrivée d’Homo sapiens ? Suivait-elle son arrivée tandis que mots et peuples se mêlaient en une lente transition des futurs peuples sino-caucasiens vers le bassin du fleuve Jaune et celles des Transeurasiens vers le Nord de la péninsule coréenne actuelle et l’archipel japonais, s’y installant cette fois durablement ?
Au vu des syntaxes nonpareilles des deux peuples mais aussi des pensées ancestrales et de leur évolution, il a dû se produire une scission à une période historique de haute ancestralité.
Ce changement fondamental semble encore affecter le présent, conférer ce caractère fascinant aux sinogrammes et à leur emploi natif ou non natif et approfondir davantage les abysses définissant les secrets du langage.
Minons toujours davantage dans les galeries du temps.
Une brève histoire de la calligraphie
L’art-écriture de la calligraphie incarne le mieux l’ambivalence de l’écriture pouvant assumer le rôle à la fois d’art mais aussi d’écriture.
Dès la fin du Néolithique, lors de la montée des civilisations chinoises des Xia-Shang-Zhou (environ -2200 à -1046), l’art-écriture prend un nouvel essor : déjà les formes anciennes de sinogrammes (ossécailles) de ces époques montrent brosses ou pinceaux permettant de les tracer.
Nous citerons 書 (écrire) où l’on voit en forme ossécaille une main écrivant sur un support, mais aussi 聿 (pinceau ; brosse) montrant un pinceau-brosse en bambou tenu par une main.
Nous avons déjà vu que l’écriture chinoise perpétue la longue tradition de l’art-écriture du Paléolithique, se traçant sur des poteries au Néolithique puis se gravant sur des os de bovidés et carapaces de tortue au moins dès les premières civilisations chinoises stricto sensu.
La forme ossécaille datant au moins de l’Âge du Bronze (-1600 à -1046), on peut supposer que la calligraphie des sinogrammes, les belles lettres chinoises, commence à se former dès cette époque-là, avec des outils archaïques.
Lors des temps mouvementés des Printemps et Automnes (771 au Ve siècle avant notre ère) et Royaumes Combattants (Ve siècle à 221 avant notre ère), la Chine était partitionnée en moult petits royaumes.
Nombre d’entre eux avaient créé leurs propres variantes des sinogrammes basaux, se rapprochant parfois des formes anciennes et livrant de précieux indices sur l’interprétation des sinogrammes. Aussi les puissants de ces royaumes commençaient-ils à utiliser le bambou sous forme de lames ou la soie pour calligraphier et cristalliser leur écriture native.
Dès ces temps reculés, on voit naître les débuts de la calligraphie à proprement parler, qui consiste tout d’abord à recopier et calligraphier les sinogrammes basaux, les plus ardus à équilibrer car simples, mais aussi les textes classiques, avant de pouvoir laisser parler davantage sa personnalité au sein de compositions personnelles.
La calligraphie est fortement empreinte d’une forme d’académisme chinoise : le novice doit tout d’abord tracer un nombre incalculable de fois les sinogrammes sans même en consulter les formes anciennes avant de pouvoir espérer laisser libre cours à sa créativité.
Cette calligraphie chinoise se transmettra à l’époque des Tang (618 à 907) dans la péninsule coréenne et au Japon.
La calligraphie mêle ainsi, en tant qu’art-écriture par définition, des sinogrammes (écriture) dotés d’un sens poétique ou plus conventionnel tracés de la manière la plus élégante qui soit, sublimant ainsi l’écriture et la portant devers les sphères de l’œuvre (art). Il s’agit bel et bien d’une forme toujours existante d’art-écriture.
Le nombre de styles, précédemment expliqués, employés en calligraphie ainsi que l’éventuel accompagnement d’une représentation artistique à l’encre de Chine (sumi-e) fait de cet art-écriture le plus représentatif du genre.
Si l’on calligraphie d’autant plus un sinogramme basal tel que le feu (火), l’eau (水), l’oiseau (鳥) ou encore l’étoile (星), très proches de leurs formes anciennes, on oscille invariablement entre art et écriture.
Sur la page Instagram de NicoDico, retrouvez chaque saison des sinogrammes calligraphiés par Midori, une calligraphe de grand talent.
Quelques conclu-discussions
Cet article s’est évertué à présenter les grandes lignes des principales écritures de l’humanité du Paléolithique jusqu’à nos jours, mais il ne le faudrait conclure par des lignes hermétiques.
Nombre de chercheurs et lecteurs n’auront probablement jamais associé gravures anciennes, art-écritures du Paléolithique-Mésolithique-Néolithique aux formes récentes de l’écriture comme l’alphabet, les sinogrammes ou encore l’écriture arabe.
Ce sujet doit être grandement approfondi et présenté de manière plus détaillée et illustrée : les esprits les plus verts mais aussi les plus âgés détiennent désormais toutes les clefs pour transmettre de nouvelles connaissances différant des savoirs presque dogmatiques souvent prônés.
Le lecteur l’aura désormais compris, écritures et langues sont noués par les liens du temps, auxquels s’entremêlent d’autres facteurs comme l’environnement, les influences entre civilisations, mais aussi l’évolution de la technologie et des moyens permettant l’existence de l’art-écriture.
À notre époque où tout semble réalisable, il est désormais temps de lier toutes les connaissances et de ne se plus contenter de la vision étriquée et linéaire du passé.
Un domaine ne peut évoluer sans être nourri d’un autre et vice versa ; ainsi en est-il pour l’art et l’écriture, l’art-écriture, une magnifique invention sapienne (?).
Ainsi, tout comme l’indo-européen qui s’est propagé vers -3500 en Europe et qui constitue un pourcent de l’évolution des langues au sein du boréen — lui-même un pourcent de l’évolution probable du langage —, l’écriture depuis les Chinois, Égyptiens, Mésoaméricains, Indiens et Mésopotamiens ne représente qu’un pourcent de l’évolution de l’art-écriture en corrélation avec le boréen.
Le boréen (-300 000 à -10 000) n’étant lui-même que la langue d’Homo sapiens, il faudra prendre en compte les différents homininés antérieurs à sapiens et les signes qu’ils nous ont laissés pour espérer comprendre les évolutions corrélées de l’art-écriture et du langage associées à moult facteurs terriens tels que l’histoire, le (paléo)climat mais aussi les migrations.
Le lecteur devra peut-être enfin éviter l’amalgame suivant presque dogmatique : toutes les écritures descendent d’une seule autre qui a influé sur les autres au fil de l’histoire.
Chaque peuple semble certes influencé par le boréen et l’évolution de l’art-écriture sapienne (?) depuis le Paléolithique, d’où une universalité ressentie au sein de nombreuses écritures natives de la Terre.
Nonobstant ce passé ancestral commun et certains signes universels (soleil, main, œil, oiseau, etc.), une écriture native s’ît de l’environnement dans lequel évoluent ses locuteurs, et garde un caractère toujours nonpareil.
Pour laisser champ libre à l’infinité de questions que posent ces conclu-discussions, il faudra également remarquer qu’au Néolithique la Terre n’est plus occupée que par Homo sapiens qui possède une universalité propre, inhérente à ses descendants, mais aussi ses limites mentales, d’où les ressemblances frappantes entre toutes les écritures natives du monde.
Qu’en eût-il été des écritures natives d’Homo erectus, Néandertal et Dénisovien (et les autres) s’ils avaient survécu et coexistaient avec nous ?
Les recherches continuent et s’approfondissent sans cesse ; minons les galeries du temps.
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