Cet article a été inspiré par Rei, un fervent membre de la communauté NicoDico, tandis qu’il créa un nouveau sinogramme en combinant deux autres.
Si vous aimez NicoDico et ses pages, pensez à les soutenir sur Tipeee. La page Tipeee vous permet aussi de réserver des cours de chinois, japonais et coréen.
🇯🇵🇰🇷🇨🇳🇰🇵🇲🇴🇭🇰🇸🇬🇲🇾🇹🇼
Après avoir lu cet article, vous savez désormais que l’écriture chinoise est née il y a environ 6000 ans, et n’a pas apparu soudainement à l’époque des Shang (1570 à 1045 avant notre ère) comme bon nombre de chercheurs à l’esprit étroit le pensent.
Cette écriture séculaire est issue d’une longue évolution du milieu du Néolithique (6000-4000 avant notre ère) jusqu’à ses premières formes réellement recensées (car connues et étudiées) datant de l’époque des Shang.
Mais avant de comprendre l’écriture chinoise, il nous faut tout d’abord en comprendre la langue qui, elle, est issue d’une longue évolution du Paléolithique jusqu’à nos temps.
La langue chinoise
La langue chinoise appartient avant toute chose à la langue boréenne (environ 200 000 à 10 000 avant notre ère), l’ancêtre de toutes les langues de l’hémisphère nord. Cette langue ancestrale était principalement parlée par Homo Sapiens, de laquelle la langue chinoise a dérivé, de la famille des langues déné-daïques (environ 30 000 à 10 000 avant notre ère), qui inclue aussi les langues des premières populations indigènes du continent américain ou encore la langue basque.
Au Néolithique (environ 12-10 000 à 2000 avant notre ère), l’agriculture semble avoir provoqué une scission au sein des langues, comme le sino-tibétain (environ 10 000 à 6000 avant notre ère), l’ancêtre le plus proche des langues chinoise, tibétaine, et une quarantaine d’autres langues apparentées.
Du sino-tibétain découle notamment la langue chinoise qui évoluera durant plus de 3000 ans parmi les civilisations néolithiques du bassin du Fleuve Jaune, jusqu’à la montée en puissance progressive de la civilisation chinoise à proprement parler, et qui a grandement influencé ses pairs coréens et japonais, comme expliqué dans cet article.
Cette langue chinoise, appelée chinois archaïque (environ 6000-3000 à 300 avant notre ère), diffère grandement du chinois mandarin standard formaté et promu par les lettrés depuis le siècle dernier.
Il demeurera cependant ardu de dater avec précision la période de temps durant laquelle on communiquait en chinois archaïque au sein du bassin du Fleuve Jaune ; mais une langue prenant plusieurs centaines voire milliers d’années à évoluer, nous la situerons entre trois dates clefs où elle pourrait avoir commencé à se transformer :
- – 6000 avant notre ère (chinois archaïque inférieur), arrivée de l’agriculture dans le bassin du fleuve Jaune ;
- – 3000 avant notre ère (chinois archaïque moyen), montée progressive de la civilisation chinoise ;
- – 300 avant notre ère (chinois archaïque supérieur), uniformisation de la langue et de l’écriture par l’Empereur Qin Shi (Huangdi) comme expliqué dans cet article.
S’ensuivront des formes plus récentes de la langue chinoise : - 300 avant notre ère à 600 de notre ère (chinois médiéval inférieur) ;
- 600 à 1200 (chinois médiéval) ;
- 1200 à 1600 (chinois moderne inférieur) ;
- 1600 à 1900 (chinois moderne) ;
- 1900 (chinois mandarin)
Après avoir compris l’évolution de la langue chinoise, revenons désormais à l’écriture chinoise.
L’écriture chinoise
Les plus anciennes traces de l’écriture chinoise sur des céramiques présentant des symboles néolithiques pourraient correspondre à la scission du sino-tibétain et du chinois archaïque et à la propagation des langues et de l’agriculture. Afin de communiquer avec plus de précision et de faire montre de son pouvoir, il fallait inventer un medium puissant et efficace : l’écriture.
Ces symboles néolithiques représentaient tout d’abord de simples dessins fortement influencés par le boréen et la nature.
https://en.wikipedia.org/wiki/Neolithic_signs_in_China#/media/File:Banpo_pottery_symbols.svg
Cela nous évoquera la genèse de la lettre « m » qui représentait tout d’abord des flots et a été fortement influencée par le mot boréen *« m(w)er ; m(w)ur » signifiant « grande étendue d’eau (mer) » qui a par la suite influé sur les Égyptiens et les Phéniciens dans la conception de la lettre « m ».

Le chinois archaïque a sûrement dû être influencé par la nature et ses racines boréennes qu’il avait alors probablement oubliées lorsque l’on a dépeint les premiers fragments de l’écriture chinoise sur céramique, mais aussi plus rarement sur des carapaces de tortue.
Cette écriture évoluera par la suite durant près de 3000 ans jusqu’à la naissance de la civilisation des Xia (environ 2500 à 1600 avant notre ère), une congrégation de petites communautés néolithiques.
Les premières formes de l’écriture chinoise réellement connues furent plus précisément retrouvées dans l’ancienne ville de Yinxu, l’une des capitales des Shang, désormais le petit village de Anyang, province du Henan. On appelle cette première forme recensée de l’écriture chinoise, écriture ossécaille, qui est expliquée en détail dans cet article et dans ce livre.
Les sinogrammes sont souvent étudiés de manière linéaire par les chercheurs : on cherche leur forme ancienne mais semble oublier leur prononciation archaïque, et vice versa.
En revanche, en combinant désormais la prononciation en sino-tibétain et chinois archaïque et les formes anciennes des sinogrammes, nous allons voir que l’écriture chinoise est un miracle qui est conçu spécifiquement pour l’écriture de la langue chinoise et nulle autre.
Cette écriture native a été en effet transmise entre autres à la péninsule coréenne (Ier avant au IIIe siècle de notre ère), au Japon (IIIe au IVe siècle de notre ère), sous l’influence et le prestige des civilisations chinoises anciennes des Hans. Cette écriture native ne pouvait en revanche se prêter à l’écriture du japonais et du coréen qui sont deux langues transeurasiennes — dont l’histoire est expliquée dans cet article —, et étaient d’ores et déjà fondamentalement différentes du chinois.
Le transeurasien et le sino-tibétain proviennent en effet toutes deux de la langue boréenne, mais si l’on observe l’arbre des langues, il sera aisé de constater qu’elles se placent loin l’une de l’autre et que leur logique diffère ainsi grandement, d’où l’impossibilité d’utiliser l’écriture de l’une pour écrire l’autre. Les Japonais et les péninsulaires coréens ont par conséquent dû employer l’écriture chinoise de manière mi-phonétique mi-sémantique (idu, manyôgana, kugyeol) pour tâcher d’écrire leur langue avant l’invention de leur écriture native, les kanas et les hanguls.
Cette conception sur mesure de l’écriture chinoise en accordance à la langue s’observe tout particulièrement auprès des sinogrammes composés, qui semblent parfois illogiques à notre époque, mais s’adéquatent parfaitement les uns aux autres si l’on y fait contraster les prononciations sino-tibétaine et chinoise archaïque.
Les sinogrammes composés
1) 語 [yǔ] |ㄩˇ (parler ; langue) est composé de 言 [yán] | ㄧㄢˊ (mot ; parole) et de 吾 [wú] | ㄨˊ (moi ; je).
Dans la forme ossécaille de 言 (mot ; parole), on observe une langue ou du son qui sort de la bouche, d’où le sens ; et 吾 (moi ; je) semble un sinogramme phonétique issu de 五 (cinq), où l’on voit ce chiffre noté à l’aide de cordes entrecroisées.
La prononciation sino-tibétaine de 語 (parler ; langue) est *ŋăH / *ŋăk, donnant celle de 言 (mot ; parole) /*ŋan/ et intimement liée à celle de 吾 (moi ; je) *ŋa-j ~ ka.
Ce sinogramme semble raconter une histoire : un narrateur en « je » parle ou raconte quelque chose, d’où le sens.
語 (parler ; langue) est influencé par le mot boréen*« prina(t) » (parler).
2) 鰐 | 鱷 [è] |ㄜˋ (crocodile) est composé de 魚 [yú] |ㄩˊ(poisson) et de 噩 | 咢 (surpris ; effrayé) [è] |ㄜˋ .
Dans la forme ossécaille de 魚 (poisson), on observe clairement un poisson ; dans la forme bronze de 噩|咢 (surpris ; effrayé) on aperçoit probablement un tambour archaïque en peau de crocodile frappé lors de rituels pour invoquer la pluie sur les prochaines cultures.
L’alligator de Chine émettant un bruit semblable au tonnerre lors de la saison des amours et lorsqu’il va pleuvoir, sa peau semble avoir été utilisée pour ces rituels. (cf. Cent histoires de sinogrammes II)
La prononciation sino-tibétaine de 魚 (poisson) est *s-ŋja et celle de 噩|咢 (surpris ; effrayé) *ŋāk / *ŋāŋ , d’où probablement 鰐 |鱷 (crocodile) prononcé /*ŋaːɡ/ en chinois archaïque.
Ce mot nous raconte son histoire : le poisson (魚) qui fait peur (噩|咢).
Les trois mots semblent influencés par les mots boréens *« (p)orek » (peur), *« niorkeh » (?) (crocodile) et *« diagu » (poisson).
3) 船 [chuán] | ㄔㄨㄢˊ (bateau) est composé de 舟 | ㄓㄡ [zhōu] (bateau) et de 㕣 | ㄧㄢˇ [yǎn] (marais ; nom d’une rivière).
Dans la forme ossécaille de 舟 (bateau) on observe un esquif ou une sorte de canoë et 㕣 (marais) ne semble pas posséder de forme archaïque mais fait référence à un marais (au pied d’une colline), ou une rivière, soit un territoire aqueux.
La prononciation possiblement Proto-Mon-Khmer de 舟 (bateau) est *ɗuuk ~ *ɗuk et la prononciation archaïque de 㕣 (marais) est /*lon/, d’où probablement leur association pour donner la prononciation du sinogramme 船 (bateau) : *m-lawŋ (sino-tibétain) puis /*Cə.lo[n]/ (chinois archaïque).
Les deux sinogrammes composant 船 (bateau) semblent influencés par les mots boréens *“kelom ; uklom” (colline ; tertre (au bord de l’eau)) et *« dew(l)ki » (grand bateau).
4) 聲 [shēng]|ㄕㄥ(voix ; son) est composé de 声 (son), 耳 (oreille) et de 殳 (action de la main), mais autrefois de 磬 (percussion chinoise) (糸 (fil) et 石 (pierre) stylisés en 声 (voix ; son) et 殳 devenant 殸) et de 耳 (oreille) ou 口 (bouche) car on y voit une personne qui frappe des percussions chinoises.
Ce sinogramme est plutôt culturel et associatif ; il se révèle d’autant plus adapté à la langue chinoise et uniquement à celle-ci.
Ce sinogramme est fortement influencé par le mot boréen *“wokw; kweob” (voix ; son), d’où sa prononciation archaïque *xeŋ ou *k(w)eng.
5) 杲 [gǎo] | ㄍㄠˇ (clair) et 杳 [yǎo] | ㄧㄠˇ (sombre), deux sinogrammes assez littéraires, sont composés de 日 (jour) et de 木 (arbre).
Dans le premier, le soleil se situe au-dessus de l’arbre, et dans le deuxième le soleil est couché sous l’arbre.
Il faudra sûrement associer le premier à 高 [gāo] (grand ; élevé) prononcé *k(r)ā̆w ou *m/s-gaw en chinois archaïque et au mot boréen *“k(w)eo(k) ; k(w)a(k)” signifiant « grand ; élevé » car 杲 (clair) se prononçait /*kaːwʔ/ en chinois archaïque.
Le deuxième, 杳 (sombre), sera associé au mot chinois archaïque *muːŋ ~ r/s-muːk (brouillard ; sombre) (aussi associé aux sinogrammes 霧, 霾, 霢,蒙, 瞀, 濛, 矇, 霂) lui-même influencé par le mot boréen *“munga” (brouillard ; brume ; crachin) car 杳 (sombre) se prononçait /*ʔmeːwʔ/ en chinois archaïque.
6) 暑 [shǔ] |ㄕㄨˇ (chaleur) est composé de 日 (soleil ; jour) et de 者 (personne ; fonction).
Le premier sinogramme 日 (soleil ; jour) est fort simple et montre le disque du soleil, mais le deuxième, 者 (personne ; fonction), semble assez complexe à deviner.
Il pourrait s’agir d’une personne (larbin) qui avait fonction d’aller chercher des plantes comme la canne à sucre pour les mettre à bouillir dans un pot.
Le sinogramme 日 (soleil ; jour) est prononcé *s-nəj en sino-tibétain et /*njiɡ/ en chinois archaïque et 者 (personne ; fonction) /*tAʔ/ en chinois archaïque, d’où la fusion de deux en*(s)ta en sino-tibétain et /*s-tʰaʔ/ en chinois archaïque pour 暑 (chaleur) qui semble découler de *« keot ; kayt », le mot boréen pour « chaud ».
7) 腦 [nǎo] |ㄋㄠˇ (cerveau) est composé de 囟 (fontanelle), 巛 (cheveu ou pelisse) et de 肉 (chair) et non 月 (lune).
Le sinogramme 囟 (fontanelle) que l’on observe souvent dans les sinogrammes anciens se prononce /*[s]ə[r]-s/ en chinois archaïque et 肉 (viande) se prononce /*k.nuk/ en chinois archaïque, d’où la bonne adaptation sémantique et phonétique à 腦 (cerveau) prononcé *nūH / *nūk en sino-tibétain puis /*nuːʔ/ en chinois archaïque.
Les plus aguerris auront d’ores et déjà repéré la ressemblance avec le mot « nuque », provenant du mot boréen *« ni(k)ra ; nu(k)ra » (cerveau ; nuque ; moelle).
8) 呼 [hū] | ㄏㄨ (appeler) est composé de 口 (bouche) et de 乎 (appeler ; terme grammatical).
La bouche a toujours représenté une bouche que l’on prononçait *ku(w) en sino-tibétain puis *kʰˤ(r)oʔ/ en chinois archaïque. 乎 (appeler) étant la forme initiale de 呼 (appeler) où l’on voit un friselis stylisé ou bien du vent qui s’engouffre et hurle dans les branches d’arbre, ils ont tout deux la même prononciation.
Ces sinogrammes sont fortement influencés par le mot boréen *« g(r)a ; k(r)u » (appeler) qui pourrait provenir du cri que l’on fait quand on appelle quelqu’un et *« kwea(r) ; gwea(r) » (trou ; bouche).
9) 強 [qiáng] | ㄑㄧㄤˊ (fort, puissant) est composé de 弓 (arc) et de 虫 | 蟲 (insecte).
Ce sinogramme fait potentiellement référence au charançon du riz, un petit insecte ravageant les cultures de riz, d’où l’insinuation avec l’arc synonyme de puissance.
L’arc (弓) se prononçait *kuem en sino-tibétain puis /*kʷɯŋ/ en chinois archaïque et l’insecte (虫 | 蟲) *dyuŋ en sino-tibétain puis /*C.lruŋ/ en chinois archaïque.
Tous ces sinogrammes semblent fortement influencés par les mots boréens *« biogu ; kuem » (courbé) et *« d(y)em ; t(y)em»(insecte (terme général))
10) 瀧 [lóng] | ㄌㄨㄥˊ (cascade) est composé de 龍 (dragon) car il semble intimement liée aux légendes chinoises racontant qu’une carpe qui remonterait le courant se transformerait en dragon. Magicarpe évoluant en léviator !
Il s’agit par ailleurs de la forme ossécaille du sinogramme qui nous illustre parfaitement cette légende.
Le mot boréen correspondant semble être *« m(r)end » (monstre ; dragon).
Les sinogrammes de base
Le lecteur trouvera ci-dessous quelques sinogrammes de base et leur forme archaïque évoluant de leur mot boréen (mot natif).
Un mot natif est un vocable provenant d’un ou plusieurs mots boréens ancestraux dont la prononciation s’est adaptée localement ; il ne s’agit en aucun cas d’un mot isolé.
1) 木 (arbre) a subi la dérivation suivante : boréen *« beog ; meok », sino-tibétain *mōk, chinois archaïque /*moːɡ/, chinois médiéval /muk̚/ et chinois moderne [mù]
2) 火 (feu) a subi la dérivation suivante : boréen *« pwar ; bwar », sino-tibétain *mējH ou *mej, chinois archaïque /*qʰʷaːlʔ/, chinois médiéval /huɑX/ et chinois moderne [huǒ]
3) 水 (eau) a subi la dérivation suivante : boréen *« sheybo ; shubo », sino-tibétain *tsju, chinois archaïque /*s.turʔ/, chinois médiéval /ɕˠiuɪX/ et chinois moderne [shuǐ]
4) 金 (métal ; or) a subi la dérivation suivante : boréen *« geom(o) », sino-tibétain *gǝ̆m, chinois archaïque /*k(r)[ə]m/, chinois médiéval /kˠiɪm/ et chinois moderne [jīn]
5) 雨 (pluie) a subi la dérivation suivante : boréen *« piawre(g) », sino-tibétain *k-wa, chinois archaïque /*ɢʷaʔ/, chinois médiéval /ɦɨoX/ et chinois moderne [yǔ]
6) 衣 (vêtement) a subi la dérivation suivante : boréen *« mwet ; mwat », sino-tibétain *w(y)a-t ~ wit, chinois archaïque/*ʔ(r)əj/ (1), chinois médiéval /ʔɨi/ et chinois moderne [yī]
(1) Observons ici la ressemblance du chinois archaïque avec le mot « cloth ».
7) 鬥 | 鬭 (se battre) a subi la dérivation suivante : boréen *« dau(d) ; deou(t) », sino-tibétain *daw, chinois archaïque /*toːɡs/, chinois médiéval /təuH/ et chinois moderne [dòu]
8) 肺 (poumon) a subi la dérivation suivante : boréen *« p(w)ep ; p(w)ap», sino-tibétain *ph(r)ap, chinois archaïque /*pʰo[t]-s/, chinois médiéval /pʰʉɐiH/ et chinois moderne [fèi]
9) 骨 (os) a subi la dérivation suivante : boréen *« k(r)ost », sino-tibétain *kūt, chinois archaïque /*kˤut/, chinois médiéval /kuət̚/ et chinois moderne [gǔ]
10) 合 (adéquat) a subi la dérivation suivante : boréen *“kup ; keop”, sino-tibétain *kV̄p, chinois archaïque /*kuːb/, chinois médiéval /ɦʌp̚/ (1) et chinois moderne [gǔ]
(1) Observons la ressemblance du chinois médiéval avec le mot « to happen ».
La folie sigillaire
Après le style ossécaille et bronze vient le style sigillaire (environ 200 avant notre ère), qui est extrêmement intriqué mais stylisé pour pouvoir être employé dans les sceaux impériaux et autres documents administratifs. Il rompt le plus souvent l’harmonie ou le sens originel du sinogramme.
Le lecteur trouvera ci-dessous quelques aberrations dues au style sigillaire qui engendrent les pires moyens mnémotechniques pour les retenir.
Avant de vous fier à un moyen mnémotechnique, regardez les formes anciennes ; car elles révèlent souvent des indices cruciaux sur les sinogrammes.
聞 (écouter ; sentir) en forme ossécaille, on observe une personne à genoux (卩), avec les mains (手) portées vers les oreilles (耳). Au style sigillaire la simplification rajoute une porte (門) qui ne semble avoir aucun sens.
前 (devant) en forme ossécaille on observe un carrefour (行), un pied (止) et un bateau ou une charrette (舟), donc très probablement une personne qui pousse ou fait avancer un lourd objet vers l’avant.
Dès la forme sigillaire le bateau ou la charrette se simplifie tant qu’il devient un couteau (刀) et de la viande (肉) ou la lune (月). Le pied (止) se simplifie à l’extrême au-dessus du sinogramme.
風 (vent) en forme ossécaille on semble observer le phénix et ses ailes majestueuses qui engendrent le vent, sûrement une croyance ancienne.
Dès le style sigillaire, on rajoute un insecte (虫) surmonté d’un trait. Seule la forme bronze manquante pourrait nous éclairer sur ce mystère.
虹 (arc-en-ciel) en forme ossécaille, on observe l’histoire du dragon qui créait le phénomène de l’arc-en-ciel, comme expliqué dans ce livre.
Dès la forme sigillaire, on associe deux composants mi-phonétique, mi-sémantique : 虫 (insecte ; serpent-dragon) et 工 (outil).
也 (mot grammatical) ne possède (pas encore) de forme ossécaille, mais la forme bronze semble nous montrer un serpent venimeux à la gueule ouverte dont le sens s’est perdu.
Dès la forme sigillaire, le sens du sinogramme se perd, et il s’emploie en tant que mot grammatical, une transition assez fréquente dans l’histoire des sinogrammes.
De la magie des langues
Il sera également intéressant de remarquer que l’indo-européen, l’ancêtre des langues européennes et indiennes, descendant lui aussi du boréen, semble parfois évoluer similairement au chinois médiéval. Il s’agit sûrement de la première fois que ces mots sont mis en exergue de la sorte.
Nous allons observer quelques mots en sinogrammes et leur pair indo-européen dont l’évolution semble étroitement liée en français, anglais et chinois médiévaux jusqu’à l’éloignement post-médiéval.
Ces mots sembleraient montrer que les langues s’éloignent au fur et à mesure qu’elles évoluent et deviennent incompréhensibles pour les peuples de la Terre qui divergent linguistiquement.
迢 (éloigné) /deu/ et « deux » venant du mot boréen *« twip ; dwip » signifiant « séparé ; éloigné », car « deux » donne le mot « distance », soit l’intervalle entre deux points éloignés.
召 (invoquer) /ɖˠiᴇuH/ et « dieu » venant du mot boréen *« tey ; dew » signifiant « dieu ; invoquer ».
宵 | 霄 (ciel) /siᴇu/ et « cieux » venant du mot boréen *« skew(g) » (ciel)
路 (route) /luoH/ et « route » venant du mot boréen *« reyg ; reyp » (route)
流 (ruisseau ; couler) /*ru/ (chinois archaïque) et « ru » (petit ruisseau) venant du mot boréen *« (g)rey ; (g)rua » (rivière)
Les doublons
Le grand hasard de l’histoire a immiscé plusieurs fois le même mot de manière insoupçonnée dans les langues japonaise et coréenne, lorsque les sinogrammes ont été introduits dans ces pays, comme mentionné plus haut et expliqué dans cet article.
Les mots natifs coréen et japonais sont âgés d’au moins 8000 ans, et la prononciation chinoise (lecture on en japonais et lecture chinoise en coréen) est introduite quelque 7000 ans plus tard, via la même racine ayant évolué en chinois.
Ci-après, le mot natif et la lecture chinoise :
火 (feu) donne ひ et カ, 불 et 화, deux prononciations venant du mot boréen *« pwar ; bwar » (feu), une fois nativisée et une deuxième fois importée via le chinois.
馬 (cheval) donne うま et ば, 말 et 마, deux prononciations venant du mot indo-européen *« mar(kos) » (jument ; cheval sauvage), une fois nativisée et une deuxième fois importée via le chinois.
Le cheval ayant été pour la première fois domestiqué par la culture indo-européenne de Yamnaya vers 3500 avant notre ère, l’origine du mot semble à associer à cette culture. Le mot a par la suite migré à travers le monde.
雀 (moineau ; oiseau) donne すずめ et しゃく, (참)새 et 작, deux prononciations venant du mot boréen *”(t)seor” (passereau), une fois nativisée et une deuxième fois importée via le chinois.
鴎 | 鷗 (mouette) donne かもめ et おう, 갈매기 et 구, deux prononciations venant du mot boréen *“gwarmo ” (mouette), une fois nativisée et une deuxième fois importée via le chinois.
海 (mer) donne うみ et かい, 바다 (autre racine) et 해, deux prononciations venant du mot boréen *« m(w)er ; m(w)ur » (mer), une fois nativisée et une deuxième fois importée via le chinois.
Il en existe très certainement encore plusieurs centaines.
La langue chinoise et son écriture sont ainsi un miracle humain qui a demandé plusieurs millénaires pour parvenir à ce niveau de perfection qu’aucune autre langue vivant n’a atteint.
Cette écriture spécialement adaptée pour la langue chinoise ne peut donc normalement pas s’apprêter à d’autres qui ne seraient pas de même famille linguistique directe.
Les vicissitudes du temps et de l’histoire ont cependant provoqué une intrusion forcée des sinogrammes et de la langue chinoise dans les langues coréenne et japonaise.
Si vous aimez NicoDico et ses pages, pensez à les soutenir sur Tipeee.
🇯🇵🇰🇷🇨🇳🇰🇵🇲🇴🇭🇰🇸🇬🇲🇾🇹🇼
Les reconstructions de mots sont basées sur :
S. A. Starostin, A. V. Dybo, O. A. Mudrak, An Etymological Dictionary of Altaic Languages (2003)
Robbeets Martine, Is Japanese related to Korean, Tungusic, Mongolic and Turkic? (2005)
Wiktionary (based upon Baxter-Sagart (2014) and Zhengzhang (2003) old Chinese reconstructions)
STED (Sino-Tibetan Etymological Dictionary and Thesaurus)
https://stedt.berkeley.edu/~stedt-cgi/rootcanal.pl
Sergei Starostin database Starling
https://starling.rinet.ru/cgi-bin/query.cgi?basename=\data\sintib\stibet&root=config&morpho=0
The American Heritage of English language
https://ahdictionary.com/word/indoeurop.html#gher%C9%99-
Bruneteau Nicolas, Table de langues communes (2020) (non publié)
Commentaire
[…] permit à l’auteur, muni d’un petit livre pour apprendre les kanjis — sinogrammes (ou ici) que l’on nomme kanjis au Japon —, d’en apprendre près de 1500 en une année et demie.Cette […]